Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mouvement républicain populaire [M. R. P.] (suite)

En 1952, les indépendants, en la personne d’Antoine Pinay, ne peuvent tenter leur chance que dans la mesure où le M. R. P. se prête à l’expérience. Le parti accorde d’abord son soutien en échange du maintien de R. Schuman aux Affaires étrangères, mais il s’acharne à maintenir les conquêtes sociales, à faire voter l’échelle mobile des salaires, et ses critiques à l’égard de la politique économique, du fonctionnement des Allocations familiales notamment, révèlent une mésentente profonde. Cependant, comme il est dit au VIIIe Congrès national M. R. P. (mai 1952), « on ne sort pas d’un bourbier au galop ». De plus, la plupart des démocrates-chrétiens ne souhaitent pas provoquer la chute d’un gouvernement très populaire.

Les ministres M. R. P. assument la principale responsabilité des mesures de répression prises en Tunisie, de la crise marocaine, de la guerre d’Indochine. En août 1953, le mouvement ne se prononce pas en faveur des grèves, malgré la part importante qu’y prend la C. F. T. C.

En 1954, le M. R. P. refuse d’accorder sa confiance à Pierre Mendès-France. Il ne veut pas s’associer à une majorité qu’il accuse de vouloir remettre en cause sa politique internationale et surtout européenne. En agissant ainsi, cependant, il devient pour la première fois depuis sa création un parti d’opposition, alors que le gouvernement affirme ses tendances sociales. « C’est en contradiction avec tout son passé que le M. R. P. est entré dans l’opposition », écrit alors F. Gay dans Combat.

Lors des élections de janvier 1956, qui ont lieu après la dissolution de la Chambre par Edgar Faure, le M. R. P. s’allie à la droite et aux radicaux de droite contre le Front républicain, formé à gauche. Il n’en est pas récompense, puisque, avec 11 p. 100 des suffrages, il est encore en retrait par rapport aux précédentes élections ; le Front républicain, soutenu par les communistes, l’emporte et Guy Mollet devient chef du gouvernement. Le M. R. P. a perdu de nombreux électeurs dans la Seine, les régions industrielles (comme le Nord, la Loire), dans lesquelles il a été attaqué par les syndicalistes « minoritaires » de la C. F. T. C.

Le glissement du mouvement vers la droite ne s’est pas effectué sans révoltes, et la discipline de vote a été très relâchée. Toute tentative de coercition sur la minorité de droite aurait provoqué une scission. En 1950, un tiers des députés M. R. P. ont fait échouer une tentative de gouvernement Henri Queuille, axé à droite ; en décembre 1952, la moitié d’entre eux ont refusé de continuer à soutenir Pinay. L’abstention du groupe lors du vote du budget a mis fin à une expérience désapprouvée par les militants. Lors de la crise de 1953, la moitié a voté pour Mendès-France. Tous ont été contre André Marie ; la participation M. R. P. à l’investiture de Joseph Laniel a été vivement critiquée par les troupes ; les dirigeants ont répondu alors qu’ils n’étaient là que « comme garde-fou de la droite ».

Le mouvement était donc dans une situation fausse, et les efforts faits pour y échapper demeuraient vains.

P. H. Teitgen soutenait en 1953 qu’en passant dans l’opposition le parti livrait « l’État au conservatisme ». Il craignait surtout de permettre ainsi aux nationalistes de mettre fin aux tentatives d’intégration européenne et d’empêcher la ratification du traité sur l’armée européenne.

En somme, on peut affirmer que le M. R. P., opposé aux gaullistes à propos des institutions et de la politique étrangère, aux socialistes sur la question scolaire et parfois sur la politique d’outre-mer, n’a tendu la main qu’avec réticence aux conservateurs.

Pourtant, le parti a survécu à ces difficultés. À l’extrême gauche, trois députés ont rompu avec le parti. En 1954, certains sont exclus : temporairement pour ceux qui ont soutenu Mendès-France, définitivement pour ceux qui ont voté contre la Communauté européenne de défense. À droite, G. Bidault, converti au colonialisme, est isolé dès 1953 (il quittera le mouvement en 1958). La cohésion du centre se renforce : en 1955, M. R. Simonnet, plus modéré, remplace A. Colin au secrétariat du parti ; la majorité soutient Pierre Pflimlin lorsqu’il recommande avec prudence des réformes au Maroc en 1955 et en Algérie en 1956-57, et elle le porte en 1956 à la présidence du parti contre François de Menthon, jugé trop peu ouvert aux questions sociales.

Au cours de la dernière législature de la IVe République, le M. R. P., en plaçant la construction de l’Europe au premier plan, cesse de renforcer la coalition de droite et se rapproche des socialistes et des radicaux. Dans l’ultime crise qui emporte la IVe République, il suit la position des radicaux et de la moitié des socialistes. Après avoir condamné sévèrement au nom de la légalité républicaine la mutinerie de l’armée en Algérie, il accorde son soutien au général de Gaulle.

Sous la Ve République, face au groupe massif du bloc gouvernemental, il cesse d’être un parti charnière. Les démocrates-chrétiens soutiennent la politique algérienne du général de Gaulle, mais demeurent « attentistes » sur l’ensemble de sa politique. Selon la motion votée au congrès de 1960, « le M. R. P. se refuse à pratiquer aussi bien l’opposition systématique au système que la fidélité inconditionnelle à un homme et il maintient son attitude de présence et de liberté de jugement ». La politique extérieure pratiquée par Michel Debré l’inquiète. Le premier gouvernement Pompidou compte, lors de sa formation, cinq ministres M. R. P., mais l’hostilité affichée du gouvernement à l’égard de l’intégration européenne provoque leur démission (mai 1962). Désormais, c’est au Sénat, devenu frondeur, que le M. R. P. dispose des positions les plus fortes.

L’effacement du parti s’accentue à partir de 1965, soit au profit des partis de la Ve République, soit, pour un plus grand nombre, en faveur du Centre démocrate de Jean Lecanuet.

M. T.

➙ Démocratie chrétienne / République (IVe).