Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Moussorgski (Modest Petrovitch) (suite)

Son œuvre comprend une part importante de pièces pour piano témoignant d’un certain classicisme formel, à l’intérieur duquel se glisse une grande fantaisie harmonique et technique. On ne peut s’empêcher de comparer tous ces titres avec ceux de Chabrier, dont le génie fut aussi très spontané, du fait d’une formation technique sommaire. Moussorgski a composé, d’un côté, un groupe de sonates (2), perdues, de scherzos (3), un menuet « monstre », un prélude, un intermezzo et, de l’autre, des scènes pittoresques et naturalistes (Jeux d’enfants, Souvenirs d’enfance, Tableaux d’une exposition, Méditation, Une larme, Scènes de foire, Au village) et beaucoup d’arrangements et de transcriptions pour un ou deux pianos (Berlioz, Beethoven, Balakirev, Glinka). Les mélodies sont très nombreuses : les mélodies pour chant et piano sont groupées en cycles (les Enfantines [ou la Chambre d’enfants], Sans soleil, Chants et danses de la mort) ; certaines sont sur des poèmes dus à sa propre plume, pamphlets ou peintures réalistes (Chère Savichna [ou le Dit de l’Innocent], le Séminariste, Toi, vieux benêt, le Polisson, le Bouc, le Classique, etc.) ; les autres sur des poèmes de Goethe, de Pouchkine, de Heine, de Nekrassov, de A. A. Golonichtchev-Koutouzov, de Lermontov, de Chevtchenko, etc.

L’œuvre symphonique est, par contre, peu importante : deux poèmes symphoniques : Nuit sur le mont Chauve, Podebrad de Bohême (inachevé) et la Suite transcaucasienne (inachevée), quelques remaniements de projets destinés primitivement à des ballets ou des œuvres lyriques abandonnés, un scherzo pour orchestre, une esquisse de symphonie.

Toute sa vie, Moussorgski a cherché à traduire et à imiter plus rigoureusement la parole, le geste, le comportement humain. Rien d’étonnant, donc, à ce que sa production soit essentiellement lyrique. « L’interprétation artistique de la seule beauté est un grossier enfantillage, c’est l’enfance de l’Art. Les fouilles patientes dans les traits les plus secrets de la nature humaine, leur découverte, voilà la vraie mission de l’artiste » (1872). Moussorgski partage avec les glands écrivains et peintres de l’époque le même dédain de la beauté formelle, de la technique parfaite, de l’art pour l’art ; son désir est de relier l’art à la vie du peuple russe et de le nourrir de l’actualité. Ainsi s’explique la réussite totale de Boris Godounov et de Khovanchtchina (achevée par Rimski-Korsakov), chefs-d’œuvre précédés de neuf projets d’opéra abandonnés. Les deux tendances, lyrique et naturaliste, y existent côte à côte en parfait équilibre ; on y sent l’influence du grand opéra meyerbeerien, mais, au lieu de caractères conventionnels, Moussorgski brosse des portraits aigus, hardis, hauts en couleurs (l’idiot, l’aubergiste, l’ivrogne, les anonymes de la foule) ; il n’use pas du leitmotiv, mais se sert de certains thèmes pour expliciter l’action. Son harmonie et son orchestre y sont peu orthodoxes en vérité, mais, comme dans toutes ses tentatives instrumentales, pianistiques ou autres, saisissent par leur étrangeté, leur maladresse géniale plus que par leur « modernisme » ; en eux-mêmes, ils sont des contresens, mais forment avec le texte un tout indissociable dont ils renforcent l’expression dramatique. Moussorgski ne se classe dans aucun groupe existant de musiciens, tant par ses mélodies très libres, asymétriques, proches de l’air populaire, à mi-chemin entre la déclamation et l’air, par ses harmonies expressionnistes, qui se résolvent souvent en octaves nues ou en quintes à vide comme dans les polyphonies populaires, que par son refus de toute stylisation et de toute convention, par ses effets empiriques, par sa conception même de l’art et de la mission de l’artiste.

M.-D. F.

➙ Cinq (groupe des).

 M. D. Calvocoressi, Moussorgski (Londres, 1919 ; nouv. éd. rev. par G. Abraham, 1946) ; Masters of Russian Music (Londres, 1936). / O. von Riesemann, Modest Petrowitsch Mussorgski (Munich, 1926 ; trad. fr. Moussorgski, Gallimard, 1940). / V. M. Belyaev, Musorgsky’s Boris Godunov and its New Version (Londres, 1928). / V. Fedorov, Moussorgski (Laurens, 1935). / C. Barzel, Moussorgski (Émile-Paul, 1939). / D. Brook, Six Great Russian Composers (Londres, 1946). / R. Hofmann, Un siècle d’opéra russe (Corrêa, 1946).

Moustique

Insecte diptère piqueur, à larve et à nymphe aquatiques.


On compte environ deux mille espèces de Moustiques (appartenant toutes à la famille des Culicidés) ; presque la moitié d’entre elles vivent dans les régions tropicales, et une cinquantaine habitent la France ; certaines se rencontrent dans les zones arctiques ; par contre, les montagnes en hébergent très peu. On connaît leur prédilection pour les endroits humides ; Ædes nemorosus hante les forêts, tandis que Culex pipiens pénètre dans les maisons (c’est le « Cousins », ou Moustique domestique ordinaire). Les femelles piquent l’Homme et les animaux pour en puiser le sang ; les Anophèles et la Stégomyie peuvent, à cette occasion, transmettre des germes infectieux (paludisme, fièvre jaune).

Tous les Moustiques ont le corps fin et allongé, de longues pattes frêles, qui ne leur servent guère qu’à se poser, une paire d’ailes membraneuses portant de minuscules écailles ; leur puissance de vol, très limitée, fait d’eux des Insectes casaniers ; mais le vent, auquel ils résistent mal, contribue à leur dispersion et peut les transporter à plusieurs dizaines de kilomètres de leur lieu de naissance. L’activité des Moustiques est liée à la température et à l’état hygrométrique de l’air ; elle est maximale le matin, le soir et la nuit chez beaucoup d’espèces, mais, dans les forêts humides et sombres, les Moustiques volent et piquent en pleine journée.

Le mâle se reconnaît à ses antennes plumeuses ; avec sa trompe, il boit le nectar des fleurs ou le liquide qui suinte des fruits ou des arbres. La femelle, aux antennes fines, se nourrit du sang des Mammifères et des Oiseaux, éventuellement de Vertébrés à sang froid (Reptiles, Amphibiens). Elle perfore la peau avec les six stylets que contient sa lèvre inférieure, inocule une salive irritante et aspire le sang dans son jabot extensible. Contrairement à une opinion répandue, la lumière artificielle n’exerce pas d’attraction particulière sur les Moustiques, du moins en Europe ; la découverte d’un hôte convenable semble mettre en jeu des facteurs olfactifs ou optiques (un pelage sombre attire plus les femelles qu’un pelage clair).