Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mortiers et bétons (suite)

Mortiers hydrauliques

Ce sont des microbétons, ou bétons sans gros granulats. Ils sont surtout utilisés en maçonnerie et pour les enduits. Les mortiers sont très utilisés en construction civile, mais leur importance est largement dépassée par celle du béton.

J. A.

➙ Bétonnage / Enduit / Maçonnerie.

 J. Faury, le Béton (Dunod, 1945). / M. Duriez, Liants routiers (Dunod, 1946 ; 2 vol.). / M. Duriez et J. Arrambide, Liants hydrocarbonés, mortiers et bétons (Dunod, 1954) ; Liants routiers et enrobés (Dunod, 1958) ; Agrégats, liants et bétons hydrauliques (Éd. du « Moniteur des Travaux publics », 1959) ; Nouveau Traité de matériaux de construction (Dunod, 1961-62 ; 3 vol. ; nouv. éd., 1970-71). / J. L. et B. Escario, Caminos (Madrid, 1954 ; trad. fr. Traité des routes, Dunod, 1954). / R. Vallette, Manuel de composition des bétons (Eyrolles, 1962). / R. Coquand, Routes, t. II : Construction et entretien (Eyrolles, 1965). / M. Papadakis et M. Venuat, Manuel du laboratoire d’essais des ciments, mortiers, bétons (Eyrolles, 1969).

Morton (Jelly Roll)

Pianiste, compositeur, chanteur et chef d’orchestre américain (Gulfport, Louisiane 1885 - Los Angeles 1941).


En 1938, son nom n’ayant pas été cité dans une émission de radio au cours de laquelle on avait rendu hommage au « père du blues » W. C. Handy (compositeur de Saint Louis Blues), Ferdinand Joseph La Menthe dit Jelly Roll Morton, dans une lettre ouverte, proclame qu’il était l’« inventeur du jazz et du stomp et le plus grand des compositeurs hot ». En dépit de son arrogante naïveté (il est certes inconcevable d’attribuer à un seul musicien la paternité d’un phénomène musical aussi remarquablement collectif et géographiquement dispersé que le jazz), cette affirmation n’était pas tout à fait injustifiée. Créole américain, c’est-à-dire issu d’une famille où il comptait des ancêtres nègres et d’autres d’origine européenne. Jelly Roll Morton était le produit exemplaire de cet extraordinaire mélange de races, de classes sociales et de cultures que constituait le peuplement de La Nouvelle-Orléans à la fin du xixe s. Ainsi placé au carrefour de deux cultures (européenne blanche et afro-américaine noire), il reproduisait au niveau individuel le mélange originel du jazz naissant. À la fois témoin et acteur des premières péripéties de l’aventure musicale négro-américaine, il allait avoir une certaine influence sur son déroulement. Après avoir étudié la guitare et le trombone, il se consacre au piano et gagne sa vie en jouant, pour les clients des maisons closes de La Nouvelle-Orléans, des valses, des airs d’opérette et de ragtime. De 1908 à 1923, il mène une vie vagabonde, quitte la Louisiane pour le Mississippi, travaille à Memphis, Saint Louis, Kansas City, Chicago, Los Angeles, en Alaska, à Tia Juana, San Diego... Outre ses activités musicales, il est également connu comme champion de billard et proxénète. Chef d’orchestre autoritaire, voire violent, dandy agressif, il est parfois amené à subir les rigueurs de la loi. En 1923, il s’installe à Chicago, où ont émigré nombre de musiciens de La Nouvelle-Orléans : King Oliver, Louis Armstrong, Johnny Dodds, Jimmie Noone, etc. Son autorité et son habileté musicale lui permettent de s’imposer comme la vedette des séances d’enregistrement organisées par la compagnie Victor. Son orchestre, les Red Hot Peppers, rassemble quelques-uns des meilleurs musiciens de l’époque : George Mitchell, Ward Pinkett (trompette), Kid Ory, Geechy Fields (trombone), Orner Simeon, Johnny Dodds, Barney Bigard, Darnell Howard (clarinette), Johnny Saint-Cyr, Lee Blair (banjo), Andrew Hilaire, Baby Dodds (batterie). Compositeur et arrangeur. Morton est également directeur musical des éditions Melrose. Les nombreux enregistrements qu’il réalise pendant ces années sont exemplaires du style « New Orleans » tel qu’il est pratiqué à Chicago, ces activités phonographiques étant complétées par des tournées et des concerts. En 1928, à New York, il forme de nouveau un orchestre dont les solistes seront Henry Allen, Ward Pinkett, Bubber Miley (trompette), Barney Bigard, Albert Nicholas, Eddie Barefield (clarinette), Wilbur De Paris, Geechy Fields (trombone), Paul Barbarin, Cozy Cole, Tommy Benford (batterie). Au début des années 30, les conséquences de la grande crise économique et la mode des grands orchestres qui travaillent surtout pour le public des danseurs entraînent un déclin du jazz dixieland. La compagnie Victor résilie le contrat de Morton. Dans le même temps, celui-ci se ruine dans des entreprises commerciales et extra-commerciales, notamment une affaire de cosmétiques. De plus en plus aigri, il cède peu à peu au délire de la persécution. En 1936, le musicologue Alan Lomax le retrouve à Chicago, où il est un des responsables du Jungle Club. Pour les archives de la bibliothèque du Congrès, Lomax lui fait enregistrer le récit de sa vie, monologue illustré de nombreux exemples musicaux joués au piano. Cette autobiographie sonore (une douzaine de microsillons) constitue aujourd’hui un document inestimable dans la mesure où elle fournit une masse d’informations sur une période du jazz où le disque n’existait pas. Mais la santé de Morton, qui est asthmatique, ne cesse de décliner. Aussi ne pourra-t-il pas bénéficier du New Orleans Revival en dépit de quelques plages gravées à New York en 1939 en compagnie de Sidney Bechet, Albert Nicholas, Sidney De Paris et Zutty Singleton et d’une séance de piano solo (Mamie’s Blues) où il résume sa carrière musicale. Hésitant entre deux femmes, deux climats, fatigué et incapable de surmonter ses difficultés financières et physiques, il part pour la Californie à la fin de 1940 et y meurt d’une crise cardiaque le 10 juillet 1941.

Bien que le piano ait été très utilisé au début du jazz, surtout par les compositeurs du ragtime, Jelly Roll Morton, qui fut d’ailleurs un maître du genre, a donné une dimension nouvelle à l’instrument en élargissant son répertoire. Son œuvre enregistrée témoigne d’un sens de l’organisation sonore qui préfigure les ambitions du chef d’orchestre, la clarté dans l’exposition et l’équilibre dans le déroulement de l’improvisation apparaissant comme des constantes de son style. Un jeu très distinct de la main droite et de la main gauche caractérise son travail, où l’on retrouve toutes les composantes des débuts du jazz : quadrille français, negro spirituals et blues, valses, mélodies latino-américaines, opéra italien, le tout supporté par une base rythmique typiquement afro-américaine. S’il est difficile d’évaluer la part d’invention dans son œuvre, du moins a-t-il su mettre en forme et améliorer des éléments recueillis en divers moments et lieux. Ainsi, à Chicago, il s’imposa comme un chef d’orchestre d’une rigueur exceptionnelle qui porta à un très haut niveau d’efficacité l’improvisation collective à trois voix (trompette, trombone, clarinette), encore imprégnée du « parfum » louisianais. La séance du 16 décembre 1926 (Doctor Jazz) reste un parfait exemple de spontanéité concertée grâce à la différenciation des plans sonores, l’équilibre des phrasés et la logique des improvisations. Morton savait d’ailleurs faire donner le meilleur d’eux-mêmes à ses musiciens. Enfin, il fut un compositeur extrêmement fécond. Certains de ses thèmes, en particulier King Porter Stomp, en vogue au moment de leur première édition, furent souvent repris par des musiciens d’autres époques (notamment Benny Goodman et Gil Evans). « Inventeur du Jazz », certes le titre est difficile à porter, mais personnage passionnant et passionné des premiers temps de cette musique, beau parleur et mémorialiste intelligent, cela Jelly Roll le fut.

F. T.

➙ Nouvelle-Orléans (La).

 A. Lomax, Mister Jelly Roll (New York, 1956 ; trad. fr., Flammarion, 1964).