Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mort (suite)

Les morts violentes

Ce sont les morts qui résultent d’une agression mécanique (traumatisme) ou chimique (intoxication) ou du feu pouvant être involontaire (accidents de la voie publique, du travail, etc.) ou volontaire (crime* ou suicide*). Dans certains cas (intoxication par l’oxyde de carbone, traumatismes divers, brûlures, noyade et même pendaison), il n’est pas toujours facile de déterminer s’il s’agit d’un suicide ou d’un crime, et les constatations médico-légales apportent le plus souvent des éléments positifs à l’enquête policière.

E. F.


Les problèmes juridiques posés par la mort

La mort est un fait dont la loi a facilité la preuve* en prévoyant la rédaction d’un acte sur les registres de l’état* civil, mais le législateur français ne s’est jamais préoccupé, par contre, de définir les procédés scientifiques de constatation de la mort.


La preuve de la mort par l’acte de décès

Un acte de décès est rédigé, au lieu où est survenu celui-ci, sur la déclaration d’un parent du défunt ou d’une personne aussi renseignée que possible sur son état civil. Cette déclaration doit en principe être faite dans les 24 heures, le défaut de déclaration n’entraînant, cependant, que des peines de simple police.

En pratique, la déclaration est toujours rapide, car l’inhumation ou l’incinération ne peuvent avoir lieu sans un permis délivré par l’officier d’état civil ; ce dernier donne une autorisation sur papier libre et sans frais sur production d’un certificat établi par le médecin qui a la charge de s’assurer du décès. (En cas de décès à l’hôpital, les actes de décès sont dressés au vu d’un certificat de décès délivré par le médecin-chef de service.)

L’acte de décès porte un certain nombre d’énonciations sur le jour, l’heure et le lieu du décès ; les prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile de la personne décédée ; les prénoms, nom, profession et domicile de ses père et mère ; les prénoms et nom de l’autre époux, si la personne décédée était mariée, veuve ou divorcée ; les prénoms, nom, âge, profession et domicile du déclarant et, s’il y a lieu, son degré de parenté avec la personne décédée. Il est fait mention du décès en marge de l’acte de naissance de la personne décédée. Si l’identité du mort n’est pas connue, on indique les signes caractéristiques qui permettront éventuellement de le reconnaître. Les circonstances de la mort n’ont pas à être déclarées. Il est même formellement interdit de les mentionner pour les décès dans les prisons, les exécutions capitales et tous les cas de mort violente tels que suicide ou accident.

L’inhumation ne peut avoir lieu que 24 heures après le décès. Un délai de 24 heures est également exigé entre la mort et l’autopsie.


Les progrès de la science et la définition légale de la mort

Ce sont les progrès de la science qui ont fait naître le problème de la définition de la mort, notamment les prélèvements sur cadavre en vue de greffes. Ces prélèvements ont posé deux questions : a-ton le droit d’opérer des prélèvements sur un cadavre ? Que faut-il entendre par cadavre, autrement dit, à quel moment exact intervient la mort ? C’est là un problème particulièrement difficile à résoudre du fait des nouvelles techniques de réanimation.

Les prélèvements sur cadavre, qui peuvent répondre à des objectifs variés, ont été réglementés. Il le fallait, car à défaut le prélevant serait tombé sous le coup du délit de violation de sépulture, délit qui implique un acte de nature à violer le respect dû au mort, que cet acte soit commis sur le cadavre avant ou après l’inhumation. La dissection anatomique n’est autorisée que si le défunt a d’avance fait don de son corps ou si aucun parent connu n’est susceptible de réclamer son cadavre en vue d’une sépulture.

L’autopsie médico-légale, destinée à rechercher, dans l’intérêt d’une preuve à apporter en justice, les causes du décès (par exemple lorsque l’on craint que la mort n’ait été provoquée par une action criminelle), est pratiquée par un médecin-expert, sur demande de l’autorité judiciaire.

L’autopsie clinique à but scientifique est réglementée par une série de textes selon lesquels on ne peut procéder au moulage ou à l’autopsie d’un cadavre avant un délai de 24 heures suivant la déclaration de décès à la mairie. Dans certains hôpitaux autorisés, cependant, les médecins peuvent — sous réserve de formalités destinées à vérifier la réalité de la mort — pratiquer des autopsies ou des prélèvements aussitôt après le décès et sans solliciter l’autorisation de la famille, en respectant toutefois son opposition si elle se manifestait (l’autopsie serait également illicite si le défunt, de son vivant, avait manifesté sa volonté de ne pas y être soumis).

Une loi du 22 décembre 1976, relative aux greffes d’organes, prévoit que des prélèvements pourront être faits sur des cadavres à des fins thérapeutiques ou scientifiques (une loi du 7 juill. 1949 prévoit le consentement explicite du donneur avant sa mort pour les greffes de cornée) ; les textes laissent cependant posé le problème de la vérification de la mort. Une proposition de loi « tendant à définir la mort clinique et à permettre le prélèvement d’organes en vue de greffes sur d’autres personnes » avait été déposée en 1967, mais elle est devenue caduque.

Le problème reste entier de la définition de la mort ou plutôt de son diagnostic certain. Les textes qui autorisent l’autopsie immédiate après le décès et la greffe de cornée exigent que la réalité du décès ait été constatée par deux médecins employant des procédés reconnus valables par le ministère de la Santé publique et de la Population : examen direct, artériotomie, épreuve à la fluorescéine d’Icard, signe de l’éther. Une circulaire de 1968 dispose que le constat de décès d’un sujet soumis à une réanimation prolongée nécessite la consultation de deux médecins dont l’un sera un chef de service hospitalier, secondé chaque fois qu’il est possible par un spécialiste d’encéphalographie. Leur constat s’appuiera notamment sur le caractère destructeur et irrémédiable des altérations du système nerveux central dans son ensemble. Le certificat de décès sera délivré à la suite de cette consultation des deux praticiens. Aucun prélèvement de tissu ou d’organes ne pourra être envisagé avant ce constat de décès, et le médecin ou chirurgien appartenant à l’équipe qui utilisera l’organe prélevé ne peut être un des deux médecins qui ont fait le constat.

Il ne peut être fait d’autopsie à but scientifique ou de prélèvement sur les victimes de crimes, de suicides ou d’accidents du travail.