Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Moravie (suite)

Dès le début de la guerre de Trente Ans, la Moravie se joint à la Confederatio bohemica et reconnaît en 1619 comme roi de Bohême, à la place de Ferdinand II, l’Électeur palatin Frédéric V. Deux mille Moraves combattent à la Montagne Blanche (Bílá Hora) en 1620, et leur résistance courageuse est encore célébrée aujourd’hui en Moravie. Après la guerre, la population de la Moravie est tombée de 800 000 à 600 000 habitants.

La Contre-Réforme reprend en main le pays. Si elle est plus modérée en Moravie qu’en Bohême, elle provoque néanmoins l’exil de nombreux Moraves, dont le philosophe et pédagogue Jan Amos Komenský (Comenius*). Mais surtout elle marque de son empreinte la Moravie catholique. En 1627, Ferdinand II confirme la Constitution de Bohême. Les diètes et la chancellerie de Bohême continuent à exister. En 1749, la réforme de Marie*-Thérèse supprime la chancellerie de Bohême, et un gubernium exerce désormais le gouvernement provincial en Moravie. Dès la fin du xviie s., la reprise économique est sensible. Même si les abus de la tutelle seigneuriale provoquent des révoltes paysannes, comme celle de 1680, la Moravie est un pays d’agriculture prospère. L’industrie textile, surtout du lin et de la laine, progresse au xviiie s.

Au début du xixe s., la Moravie devient une des grandes régions industrielles de l’Europe. Mais elle reste étroitement subordonnée à Vienne, très proche. C’est vers la capitale de l’Empire et non vers Prague que convergent les voies ferrées de Moravie ; ce sont les capitaux allemands de Vienne qui mettent le pays en valeur. Dans les riches plaines moraves, la culture de la betterave a multiplié les sucreries. Brno* devient le grand centre de l’industrie textile de la laine et du coton, et attire l’industrie des constructions mécaniques et de l’armement. Mais les talents nombreux nés en Moravie trouvent ailleurs la consécration et le succès : Freud* et le compositeur Gustav Mahler* triomphent à Vienne ; Tomáš Masaryk* mènera à Prague sa carrière politique.

La Moravie garde au xixe s. une profonde originalité politique. Pays clérical, elle est le terrain d’action privilégié du catholicisme politique, du parti populiste tchèque, encadré par le clergé des campagnes. Les conflits nationaux entre la majorité tchèque et la minorité allemande ne revêtent pas la même intensité qu’en Bohême. En 1905, les deux groupes nationaux concluent un compromis pour les élections à la diète de Moravie, garantissant aux Tchèques soixante-dix élus et aux Allemands quarante.


La Tchécoslovaquie

Après 1918, la Moravie jouera un rôle subordonné dans l’État tchécoslovaque auquel elle est désormais incorporée. Lors des périodes de centralisation, Prague dirige seule la politique commune ; lors des périodes de décentralisation, c’est la Slovaquie qui est admise comme seule partenaire, forte de son originalité linguistique et historique. De 1927 à 1949, la Moravie forme une province unique avec la Silésie tchèque. À partir de 1949, elle se trouve morcelée et cesse d’exister en tant qu’unité politique. En 1968, lors de la création d’un État dualiste unissant pays tchèques et Slovaquie, des voix s’élèvent en Moravie pour réclamer un trialisme. Mais il faut y renoncer pour éviter un nouvel alourdissement des structures politiques et économiques. Brno est aujourd’hui un centre culturel vivant avec des revues littéraires actives comme Host do domu (l’Hôte dans la maison), mais reste défavorisée par rapport à Prague ou à Bratislava.

B. M.

➙ Bohême / Brno / Ostrava / Tchécoslovaquie.

 B. Bretholz, Geschichte Mährens (Brno, 1893-1895 ; 2 vol.). / R. Dvořak, Histoire de la Moravie (en tchèque, Brno, 1899-1905 ; 5 vol.).

Moravie (Grande-)

Empire créé au ixe s. par des Slaves occidentaux sur une grande partie de l’Europe centrale.


Le nom de Grande-Moravie a été employé pour la première fois par l’empereur byzantin Constantin VII Porphyrogénète (913-953) dans le De administrando imperio : il voulait distinguer la Moravie d’une région de Serbie qui portait le même nom. Cette dénomination, imprécise et discutable, a été reprise et vulgarisée par les historiens du xixe s.

La civilisation de la Grande-Moravie est connue indirectement par des revues écrites occidentales : Annales regni Francorum, Annales fuldenses, Libellus de conversione Bagoariorum et Carantanorum (la Conversion des Bavarois et des Corinthiens). Les légendes du xe s., la chronique de Cosmas du xiie s. ont idéalisé son image en exaltant la puissance de Svatopluk ou la mission de Cyrille et Méthode. Mais surtout les fouilles entreprises depuis vingt-cinq ans ont permis de modifier considérablement les conceptions traditionnelles de son histoire.


Naissance et apogée

L’empire de Grande-Moravie a profité du déclin de la puissance des Avars, vaincus par les Francs en 796. C’est dans les premières années du ixe s. que les Moraves apparaissent dans l’histoire. Mais la courte splendeur de leur empire, qui n’a duré qu’un siècle, ne doit pas apparaître comme un météore inexplicable. Comme le prouvent les fouilles, l’Empire morave prolonge, en les transformant, d’anciennes traditions des peuples slaves de l’Ouest.

En 822, les textes francs mentionnent pour la première fois des Moraves à côté des Tchèques et des Avars. En 833, Mojmir Ier († en 846), premier souverain morave, bat Pribina, qui dominait la région de Nitra (dans l’actuelle Slovaquie-Occidentale), et le refoule sur les bords du lac Balaton, dans le bassin de Pannonie (Hongrie actuelle). Il renforce ainsi l’unification de son royaume. Son successeur, Rostislav (846-870), sait maintenir son indépendance contre ses voisins de l’Ouest, les Francs, et contre ses voisins du Sud, les Bulgares. L’appel aux missionnaires byzantins Cyrille et Méthode, en 863, confirme son désir de libérer son État des influences franques. De 869 à 871, l’État morave connaît une crise grave : Rostislav est détrôné par Svatopluk (870-894). Les Francs en profitent pour occuper le pays et pour faire prisonnier Svatopluk. Mais, dès 871, celui-ci reprend la tête de la résistance et réussit à reconquérir son royaume. En 874, à Forchheim, la Moravie promet aux Francs fidélité et paiement d’un tribut, mais l’entrevue confirme en fait son indépendance.

C’est dans les années 874-894 que la Grande-Moravie atteint sa plus grande expansion territoriale. Elle comprend la Moravie, la Slovaquie-Occidentale, la Pannonie et s’étend, au nord sur la Bohême, la Silésie, une partie de la Lusace et la région de Cracovie.