Moravie (suite)
Dès le début de la guerre de Trente Ans, la Moravie se joint à la Confederatio bohemica et reconnaît en 1619 comme roi de Bohême, à la place de Ferdinand II, l’Électeur palatin Frédéric V. Deux mille Moraves combattent à la Montagne Blanche (Bílá Hora) en 1620, et leur résistance courageuse est encore célébrée aujourd’hui en Moravie. Après la guerre, la population de la Moravie est tombée de 800 000 à 600 000 habitants.
La Contre-Réforme reprend en main le pays. Si elle est plus modérée en Moravie qu’en Bohême, elle provoque néanmoins l’exil de nombreux Moraves, dont le philosophe et pédagogue Jan Amos Komenský (Comenius*). Mais surtout elle marque de son empreinte la Moravie catholique. En 1627, Ferdinand II confirme la Constitution de Bohême. Les diètes et la chancellerie de Bohême continuent à exister. En 1749, la réforme de Marie*-Thérèse supprime la chancellerie de Bohême, et un gubernium exerce désormais le gouvernement provincial en Moravie. Dès la fin du xviie s., la reprise économique est sensible. Même si les abus de la tutelle seigneuriale provoquent des révoltes paysannes, comme celle de 1680, la Moravie est un pays d’agriculture prospère. L’industrie textile, surtout du lin et de la laine, progresse au xviiie s.
Au début du xixe s., la Moravie devient une des grandes régions industrielles de l’Europe. Mais elle reste étroitement subordonnée à Vienne, très proche. C’est vers la capitale de l’Empire et non vers Prague que convergent les voies ferrées de Moravie ; ce sont les capitaux allemands de Vienne qui mettent le pays en valeur. Dans les riches plaines moraves, la culture de la betterave a multiplié les sucreries. Brno* devient le grand centre de l’industrie textile de la laine et du coton, et attire l’industrie des constructions mécaniques et de l’armement. Mais les talents nombreux nés en Moravie trouvent ailleurs la consécration et le succès : Freud* et le compositeur Gustav Mahler* triomphent à Vienne ; Tomáš Masaryk* mènera à Prague sa carrière politique.
La Moravie garde au xixe s. une profonde originalité politique. Pays clérical, elle est le terrain d’action privilégié du catholicisme politique, du parti populiste tchèque, encadré par le clergé des campagnes. Les conflits nationaux entre la majorité tchèque et la minorité allemande ne revêtent pas la même intensité qu’en Bohême. En 1905, les deux groupes nationaux concluent un compromis pour les élections à la diète de Moravie, garantissant aux Tchèques soixante-dix élus et aux Allemands quarante.
La Tchécoslovaquie
Après 1918, la Moravie jouera un rôle subordonné dans l’État tchécoslovaque auquel elle est désormais incorporée. Lors des périodes de centralisation, Prague dirige seule la politique commune ; lors des périodes de décentralisation, c’est la Slovaquie qui est admise comme seule partenaire, forte de son originalité linguistique et historique. De 1927 à 1949, la Moravie forme une province unique avec la Silésie tchèque. À partir de 1949, elle se trouve morcelée et cesse d’exister en tant qu’unité politique. En 1968, lors de la création d’un État dualiste unissant pays tchèques et Slovaquie, des voix s’élèvent en Moravie pour réclamer un trialisme. Mais il faut y renoncer pour éviter un nouvel alourdissement des structures politiques et économiques. Brno est aujourd’hui un centre culturel vivant avec des revues littéraires actives comme Host do domu (l’Hôte dans la maison), mais reste défavorisée par rapport à Prague ou à Bratislava.
B. M.
➙ Bohême / Brno / Ostrava / Tchécoslovaquie.
B. Bretholz, Geschichte Mährens (Brno, 1893-1895 ; 2 vol.). / R. Dvořak, Histoire de la Moravie (en tchèque, Brno, 1899-1905 ; 5 vol.).