Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Moore (Henry) (suite)

Si impressionnante que soit l’œuvre du sculpteur, elle ne doit pas faire oublier le grand dessinateur que Moore a toujours été. Les multiples études préparatoires pour des sculptures, groupées par dix, douze, voire vingt sur la même feuille, ne sont pas de vagues ébauches, mais donnent avec une étonnante précision toutes les modulations des volumes et créent un monde foisonnant de formes, toutes parentes et cependant d’une grande variété. À partir de 1938, les dessins deviennent plus autonomes, traduisant une scénographie surréaliste où d’étranges silhouettes sont figées dans un décor de murs nus percés de meurtrières. La Seconde Guerre mondiale va donner une impulsion décisive au dessinateur : artiste de guerre, il entreprend la célèbre série sur les Abris londoniens, suivie par une autre plus brève sur les Mineurs. Ensuite, les œuvres monumentales accaparent l’artiste, et elles sont précédées de maquettes en plâtre ou en glaise plus que de dessins ; ceux-ci se font plus rares, mais constituent toujours un commentaire irremplaçable de l’univers du sculpteur, du travail de son imagination, conservant le souvenir d’une infinité d’œuvres en puissance qui ne purent être portées à l’exécution tridimensionnelle.

M. E.

 H. E. Read, Henry Moore (Londres, 1934-1965 ; 3 vol.). / I. Jianou, Henry Moore (Arted, 1968). / D. Sylvester, Henry Moore (Londres, 1968). / R. Melville, Henry Moore, Sculpture and Drawings (Londres, 1971 ; trad. fr. Henry Moore, sculptures et dessins, 1921-1969, la Connaissance, Bruxelles, et Weber, 1971). / G. C. Argan, Henry Moore (Milan, 1972 ; trad. fr., Hachette, 1972). / G. Cramer, A. Grant et D. Mitchinson, Henry Moore, catalogue de l’œuvre gravé (Cramer, Genève, 1973). / Hommage à Henry Moore (Vilo, 1973).

Morales (Luis de)

Peintre espagnol, surnommé « le Divin » (Badajoz v. 1510/1520 - id. 1586).


Bien que la renommée de Luis de Morales ait été — et demeure — considérable, la personnalité du peintre apparaît assez imprécise. On sait peu de chose de son origine et de sa formation. Son activité se déroula en Estrémadure, à Badajoz, où l’évêque Juan de Ribera devint son protecteur à partir de 1564. Ce grand prélat continua encore à faire appel à ses services après qu’il eut été appelé à l’archevêché de Valence en 1568. Cependant, documents et œuvres s’accordent pour indiquer qu’après une période de grande prospérité Luis de Morales connut le déclin. Il eut à la fin de sa vie des soucis financiers, conséquence probable du fléchissement de son art.

Comme le Greco*, Morales est un peintre religieux, celui des dernières étapes de la Passion, avec des représentations du Christ à la colonne, de l’Ecce Homo (Hispanic Society de New York et Academia de San Fernando à Madrid) et de la Pietà (Academia de San Fernando), mais aussi de thèmes moins dramatiques : Vierge à l’Enfant (musée du Prado à Madrid et National Gallery de Londres), Vierge avec l’Enfant Jésus et le petit saint Jean-Baptiste (cathédrale de Salamanque), Sainte Famille (collégiale de Roncevaux). Ces tableaux de dévotion rendent davantage compte du talent du maître que ses retables d’Estrémadure — à Higuera la Real, à Arroyo de la Luz et à l’église San Martín de Plasencia (1565) —, pour l’exécution desquels Morales s’en remit souvent à des collaborateurs ou aux compagnons de son atelier. De plus hautes qualités se révèlent sur le retable de Santo Domingo d’Evora au Portugal (1565-1568), dont deux panneaux sont passés au musée national d’Art ancien de Lisbonne.

On a parfois déduit de l’analyse des œuvres de Morales que celui-ci avait subi à Séville, dans sa jeunesse, l’influence du peintre maniériste hollandais Ferdinand Sturm de Zierikzee (le Esturmio des Espagnols), dont la présence est attestée dans la capitale de l’Andalousie de 1539 à 1557. Sans doute Morales prit-il aussi contact, à travers la gravure, avec le maniérisme* florentin. Mais le courant maniériste, sensible dans toute l’Europe, s’unit chez lui à un archaïsme provincial, qui se réfère encore à la tradition des « primitifs ».

Grâce au style, Morales échappa à la fadeur d’un autre auteur de tableaux de piété, Juan de Juanes (V. J. Macip, 1523?-1579), auquel on l’a parfois, mais bien indûment, comparé. La recherche maniériste est à l’origine de l’allongement des formes et de la préciosité du geste, alors que la tradition gothique flamande rend compte tout à la fois d’un dessin volontiers raide et anguleux et de la perfection minutieuse de l’exécution.

Cependant, l’intérêt le plus durable de l’œuvre de Morales résulte de la propre personnalité de l’artiste. C’est à elle qu’il doit d’avoir atteint au pathétique dans les représentations de la Pietà. Simultanément ses qualités poétiques le conduisirent à traiter d’une manière toute nouvelle le thème de la Vierge à l’Enfant, jusque-là trop exclusivement dépendant de la tradition italienne de la Renaissance. Par là il rejoignait d’ailleurs les aspirations de la piété espagnole, qui exigeait de l’art religieux davantage de profondeur et de gravité.

M. D.

 J. A. Gaya Nuño, Luis de Morales (Madrid, 1961). / I. Bäcksbacka, Luis de Morales (Helsinki, 1962).

Morandi (Giorgio)

Peintre italien (Bologne 1890 - id. 1964).


Toute sa vie est consacrée à la peinture, et sa biographie est étrangement dénuée d’événements marquants. Morandi a, avant la Première Guerre mondiale, quelques contacts avec le futurisme* (Umberto Boccioni et Carlo Carrà) et il s’intéresse à l’art de Giotto*.

En 1919, il retrouve Carra, qui lui fait connaître De Chirico*. Pendant un an, la vision des trois artistes est très voisine ; des peintures remarquables par leur rigueur de construction et leur atmosphère étrange datent de cette période « métaphysique », mais elles constituent un intermède sans lendemain dans l’ensemble de l’œuvre. Morandi, par la suite, ne quitte plus Bologne que pour passer les étés dans la proche région des Apennins (Roffeno et surtout Grizzana). Il occupe de 1914 à 1930 un poste de professeur de dessin dans une école primaire, puis de 1930 à 1956 celui de professeur de gravure à l’académie des Beaux-Arts. Ses voyages sont rares, tous en Italie, sauf deux très brefs en Suisse.