Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

monuments historiques (suite)

Vers une coopération mondiale pour la sauvegarde des biens culturels

Sous l’égide de l’Unesco, chaque nation, consciente de ses responsabilités vis-à-vis de son patrimoine culturel, met sur pied une organisation analogue de protection, en fonction des nécessités et des traditions qui lui sont propres. Une étude comparative des systèmes existant en Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Suisse, en Espagne, dans les pays de l’Est mériterait d’être faite. Comparable à l’ICOM pour les musées*, l’ICOMOS, Conseil international des monuments et des sites, constitue la plus haute instance chargée de coordonner les efforts et de proposer une uniformisation des principes. La charte de Venise sur la restauration (1964) en a été une des premières manifestations. Le sauvetage des temples d’Abou-Simbel, menacés par le barrage d’Assouan en Égypte, montre de façon concrète l’intérêt d’une telle coopération internationale.

F. E.

 F. Rückert, Origines de la conservation des monuments historiques en France, 1790-1830 (Jouve, 1913). / P. Verdier, la Protection des monuments historiques (Touring Club de France, 1926). / P. Léon, l’Histoire de l’art monumental au Collège de France. La Conservation des monuments en France (Fasquelle, 1933). / R. Brichet, le Régime des monuments historiques en France (Libr. techniques, 1952). / L. Réau, les Monuments détruits de l’art français (Hachette, 1959 ; 2 vol.). / A. Papageorgiou, l’Intégration urbaine (Fréal, 1971).
CATALOGUES D’EXPOSITION : Eugène Viollet-le-Duc (Caisse nationale des monuments historiques, 1965). / Prosper Mérimée (Caisse nationale des monuments historiques, 1970).

Moore (Henry)

Sculpteur anglais (Castleford 1898).


Né dans le Yorkshire et septième enfant d’un mineur d’ascendance irlandaise, il bénéficie en 1910 d’une bourse pour la grammar school. Comme trois de ses frères et sœurs, il entre en 1916 dans l’enseignement, malgré son attirance pour la sculpture. Mobilisé en 1917, il est gazé sur le front, près de Cambrai, et soigné en Grande-Bretagne ; démobilisé en 1919, il ne reprend son poste que pour quelques mois et obtient une bourse qui lui permet d’entrer à la School of Art de Leeds. En 1921, il est admis pour la sculpture au Royal College of Art de Londres. Il visite assidûment le British Museum, en particulier les sections orientales et ethnographiques. De 1926 à 1932, il enseigne au Royal College of Art, puis, de 1932 à 1939, à la Chelsea School of Art. En même temps, il multiplie dessins et sculptures, celles-ci d’abord en bois et en pierre, puis fréquemment en bronze. Après 1945, sa renommée devient internationale : prix international de sculpture aux biennales de Venise (1948) et de São Paulo (1953), rétrospectives à New York en 1946, à Paris et à Bruxelles en 1949, à Londres en 1951. Depuis, les expositions n’ont cessé de se multiplier, ainsi que les achats pour de grands musées ou des parcs de sculptures en plein air et d’importantes commandes monumentales : pour le Time-Life building à Londres (1952-53), l’Unesco à Paris (1958), le Lincoln Center à New York (1962), l’hôtel de ville de Toronto (1964-1966).

L’ampleur de l’œuvre, la continuité de son développement, sa fidélité à certains thèmes de signification universelle expliquent son succès et sa diffusion. La figure humaine, rendue avec précision ou d’une manière allusive, intégralement ou par fragments, en est le motif dominant. Debout, elle prend des aspects presque géométriques ou, au contraire, se revêt d’une majesté quasi totémique. Assise, elle reflète surtout les liens de la tendresse : plus de soixante versions de la Mère avec l’enfant ; le père s’y ajoute dans la série des Familles. Mais c’est surtout la position étendue qui a retenu Moore, avec appui sur un coude, comme les défunts étrusques ou les dieux mexicains. Le corps ainsi placé est à la fois « libre et stable », et le sculpteur en a donné plus de cent versions. Depuis 1959, il a divisé la figure en deux, puis en trois tronçons : buste et genoux deviennent rochers, éléments de paysage ; l’anatomie rejoint le minéral.

Si les thèmes sont peu nombreux, les variations qu’en tire Moore sont infinies et reflètent l’intérêt passionné qu’il porte aux formes naturelles (le corps féminin et l’œuf, les galets, les rochers, les creusements des falaises, les ossements, les parties ligneuses des végétaux), son admiration pour les sculptures de civilisations révolues et lointaines (Égypte, Moyen-Orient, Cyclades, Mexique précolombien, Chine des Wei et des Tang, Afrique, Océanie...), ses affinités, enfin, avec un Masaccio, un Michel-Ange, ainsi qu’avec certains contemporains : Brâncuşi*, Archipenko* et Arp*, Picasso*, De Chirico*, Tanguy* et Max Ernst* (il expose à Londres en 1936 avec les surréalistes). Mais ces influences multiples, sauf rares exceptions, sont toujours totalement assimilées ; elles reflètent des tendances profondes, et, au lieu de diversifier arbitrairement l’œuvre, leurs suggestions convergentes lui donnent son unité et accentuent son aspect très personnel.

Fascination de l’organique, du biologique, du mystère des croissances et des épanouissements : le « biomorphisme » qui en résulte est la clé de la sculpture de Moore, comme de celle de nombreux artistes de la génération suivante. Le corps féminin est la suggestion majeure, partout présent, avec l’agencement de ses courbes reflétant la fécondité ou le repli protecteur sur l’enfant. Les formes ainsi évoquées transcendent la fausse querelle entre la figuration et l’abstraction, et Moore n’a jamais cessé, à toutes les époques, de franchir cette frontière arbitraire. Les perforations, incompatibles avec un traitement anatomique réaliste, sont un de ses moyens d’expression favoris : il évide la tête, le ventre, le buste, replie les courbes sur elles-mêmes. Un sujet plusieurs fois traité, la Tête casquée, l’amène, à partir de 1950, à un emboîtement des formes l’une dans l’autre, celle de l’intérieur n’étant visible que par les ouvertures de l’enveloppe extérieure. Cet effet de contrepoint tridimensionnel est repris dans certaines formes verticales ou horizontales de 1951. Que les sculptures soient sur le versant figuratif ou non, leur morphologie demeure la même : les formes naturelles évoquent les formes humaines et réciproquement. De 1937 à 1939 se déroule l’épisode le plus radicalement abstrait, avec des œuvres (String Figures) que l’artiste lui-même a déclaré être « de nature trop expérimentale pour être réellement satisfaisantes » ; des fils ou des tiges relient entre elles les protubérances du bois, procédé conservé par Barbara Hepworth* et par Gabo (v. Pevsner [les frères]), mais vite abandonné par Moore, dont le goût pour le bloc massif était incompatible avec ces spéculations sur un vide non plus creusé, mais modulé par des lignes.