Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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montagne (suite)

Les montagnes doivent à la vigueur de leur relief des systèmes de pente beaucoup plus accusés que les plaines voisines. Les zones planes sont souvent limitées à quelques replats étagés, à quelques fonds alluviaux, à quelques bassins intérieurs. Partout ailleurs, la circulation est difficile, l’impression d’isolement dominante. Ce n’est parfois qu’une illusion : pour celui qui vient du bas pays et pénètre dans des gorges étroites, dans des vallées profondes et sauvages, tout est obstacle. Mais, au cœur de la chaîne, les hautes vallées s’évasent, les replats se multiplient, les passages s’ouvrent d’un versant à l’autre. Il y a isolement, certes, mais, à l’intérieur même de la chaîne, de petites unités peuvent se constituer dans ces zones plus pénétrables. Lorsque la chaîne est trouée de grands bassins d’effondrement, c’est autour d’eux que la vie s’organise.

L’altitude crée des conditions originales de climat. La température moyenne diminue (1 °C tous les 180 m ; un peu moins vite l’hiver). Le gel devient plus fréquent. Les précipitations sur les versants exposés aux vents humides sont plus élevées que dans les plaines environnantes, alors que les plaines et les bassins intérieurs sont volontiers frappés de sécheresse. L’hiver, les précipitations tombent sous forme neigeuse : aucune station de plaine, même sur les côtes orientales des continents, froides et humides, n’en reçoit des quantités aussi fortes que les montagnes tempérées.

Les versants exposés aux vents humides et les zones élevées sont souvent pris dans le brouillard : l’air est saturé de vapeur d’eau. Que le vent chasse les nuages, que le soleil brille quelques minutes, et on est tout étonné de la sécheresse de l’atmosphère : rien ne rappelle en plaine ces brusques variations.

Dans les montagnes tropicales, les versants n’offrent guère de conditions différentes en fonction de leur orientation, car le Soleil est toujours haut au-dessus de l’horizon à midi. Sous nos latitudes, le contraste est, en revanche, très vif entre ombrées, envers ou ubacs et soulanes, endroits ou adrets.

Les conditions faites à l’activité humaine sont donc très différentes de celles que l’on rencontre dans les plaines voisines : la montagne est en général plus fraîche, plus humide que les zones basses qu’elle domine. C’est un avantage en région chaude ou en région sèche. C’est sans doute une gêne dans des climats tempérés aux précipitations abondantes. Dans ce cas, les zones internes des chaînes, plus sèches, plus ensoleillées, offrent des conditions meilleures à l’activité agricole.


L’exploitation

Comment tirer parti des milieux montagnards ? Les réponses sont très diverses. Dans certaines parties du monde, les sociétés ont préféré laisser vides les masses montagneuses qu’elles ne savaient convenablement mettre en valeur ; ainsi en va-t-il en Asie orientale et, dans une moindre mesure, en Asie du Sud-Est, où les zones élevées ne sont guère utilisées que par des groupes ethniques de cultivateurs sur brûlis.


La mise en valeur traditionnelle

Généralement, dans le monde tropical, la montagne sert de support à une agriculture qui utilise les mêmes techniques que celles des plaines voisines, mais qui emploie un corps de plantes différent. L’élevage ne sert guère qu’à fournir l’énergie animale. Malgré l’avarice de la nature, des groupes nombreux arrivent à se constituer grâce aux conditions sanitaires supérieures à celles des plaines environnantes : que l’on pense aux hautes terres d’Afrique orientale, à certains secteurs de l’Indonésie ou du monde himalayen et surtout aux civilisations d’altitude du monde américain.

Ailleurs, dans les zones méditerranéennes et tempérées, on observe une association et parfois aussi une certaine concurrence entre l’agriculture et l’élevage. La première peut tirer avantage de ressources en eau abondantes, mais, dès les latitudes tempérées, elle est handicapée par la température et la courte durée de la saison végétative. Durant la belle saison, les troupeaux disposent de pâtures étendues : on les trouve en altitude, au-dessus de l’étage des forêts ou dans les clairières que les défrichements y ont ouvertes. On peut donc conduire là des troupeaux abondants. Mais comment les nourrir l’hiver ? Envoyer les bêtes dans la plaine ou leur donner du foin récolté durant l’été, au niveau des habitations, dans les vallées? La transhumance est plus fréquente dans les montagnes méditerranéennes, souvent peu incisées et qui manquent par conséquent de prés de fauche. Le peuplement est d’ailleurs souvent issu des plaines voisines : des paysans, chassés par les épidémies, par les guerres, par l’insécurité, ont transposé en altitude une agriculture de plaine qui ne fait guère de place aux troupeaux. En pareil cas, les estives sont utilisées par les moutons venus des plaines voisines au printemps. On suit dans l’Europe médiévale les progrès de la transhumance ; cette forme primitive d’économie capitaliste permet l’exploitation de zones jusque-là négligées.

Dans les chaînes alpines, là où le climat est plus humide et l’empreinte glaciaire plus forte, les conditions sont différentes. Les grandes auges, les replats qui les accidentent, les vallées suspendues qui les rejoignent élargissent les aires à faible altitude, ce qui permet des coupes abondantes. Pour que le système fonctionne bien, il faut un certain équilibre entre les alpages et les prairies de fauche. Le relief n’offre généralement pas ces conditions idéales : dans les zones préalpines, c’est souvent d’alpages que l’on manque ; dans les hautes chaînes, c’est de prés de fauche. On fait tout ce qu’il est possible pour tirer parti au mieux des conditions locales. Ainsi, dans les Alpes françaises du Nord, en Suisse ou en Autriche, il est fréquent de faire monter le troupeau par étapes ; celui-ci utilise ainsi l’herbe dès qu’elle se met à pousser sur les mayens, ces prés intermédiaires. Pendant que les bêtes sont à l’estive, le croît de cette herbe est suffisant pour qu’on puisse faire une coupe : le bétail séjourne alors à la descente quelque temps sur les mayens, où il consomme le foin emmagasiné, avant d’utiliser les récoltes du bas.