Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

montagne (suite)

Le vent

Le vent, en altitude, peut avoir des actions opposées : dans certains cas, il favorise l’implantation des ligneux sur des crêtes dépourvues longtemps de neige, mais aussi il peut détruire des peuplements par dessèchement des jeunes pousses et faire subir des morphoses particulières aux arbres (formes en drapeau).


La lumière

Enfin, la lumière (intensité et variation dans le spectre) est peut-être un facteur déterminant sur certaines particularités morphologiques et physiologiques : longueur des entre-nœuds et couleurs très vives des espèces de haute altitude. Des auteurs pensent que le rayonnement cosmique, dix fois plus important à 6 000 m qu’au niveau de la mer, pourrait avoir une action déterminante en augmentant fortement le taux des mutations, parmi lesquelles certaines s’avéreront adaptatives.


La forme des végétaux

La sélection opérée par les climats de montagne sur les arbres fait surtout apparaître une abondance de Conifères, qui, malgré des températures très inférieures à 0 °C, continuent à végéter, mais il existe de par le monde des exceptions, et Henri Gaussen signale que c’est un Chêne à feuilles persistantes qui forme la limite supérieure des forêts du Xinjiang (Sin-kiang) à 5 000 m d’altitude. Les arbustes prennent souvent des formes prostrées, mais, dans les montagnes méditerranéennes, certaines espèces (Genista horrida, Erinacea pungens) adoptent des aspects en gros coussins hémisphériques, durs et épineux, parfois de près de 1 m de diamètre ; cette morphose serait due à la grande sécheresse estivale. Sur les flancs du Ruwenzori, entre 3 500 m et 4 000 m, des formes particulièrement étranges de Senecio et de Lobelia sont observées ; ces plantes, ici des arbres, sont entourées d’un manchon protecteur énorme formé des feuilles mortes desséchées ; un même phénomène se rencontre dans les Andes, au Venezuela et en Colombie avec les Espeletia.

Dans l’étage subalpin, certaines petites plantes prennent une forme de coussin, non épineux, tapissant, de quelques centimètres d’épaisseur ; leurs fleurs, souvent fortement colorées, sortent très peu de la masse des feuilles ; on peut citer parmi les plus spectaculaires Silene acaulis, des Androsaces, Arenaria, Alsine, Draba, des Saxifrages, Azorella... Les plantes herbacées de la zone subalpine (Gentianes, Aconit) ont souvent un organe souterrain très important (bulbe, tubercule, rhizome) qui contient des réserves. Chez beaucoup d’espèces, surtout chez des Graminacées (Gispet des Pyrénées), les touffes, circulaires en terrain plat, forment dans les pentes des gradins suivant les courbes du niveau, et ceux-ci sont fréquentés par les animaux, qui, par leurs nombreux passages, en accusent la forme. On remarque aussi dans ces stations de nombreuses plantes en rosettes (certains Saxifrages). Les plantes annuelles voient leur nombre diminuer fortement dans les stations d’altitude. Louis Emberger signale ainsi que, dans l’Atlas, ce type biologique ne serait pas représenté au-dessus de 3 800 m.

Ces conditions se retrouvent sensiblement aux flancs de toutes les montagnes du monde, compte tenu, naturellement, de la latitude, le refroidissement progressif avec l’altitude imposant la succession des divers tapis végétaux et les morphologies particulières aux plantes de montagne ; seules changent les espèces, car elles sont liées aux divers empires floraux qui se partagent le monde.

J.-M. T. et F. T.

 Étude botanique de l’étage alpin, particulièrement en France (Impr. Colas, Baveux, 1954). / H. Gaussen et P. Barruel, Montagnes. La vie aux hautes altitudes (Horizons de France, 1955). / P. Ozenda, Biogéographie végétale (Doin, 1965). / G. Lemée, Précis de biogéographie (Masson, 1967).


La vie en montagne


Le milieu

La montagne a longtemps paru un milieu effrayant, oppressant, peuplé d’une humanité farouche et mal dégrossie. Les Français de Louis XIV la voient ainsi. Leurs successeurs apprennent, dans le courant du xviiie s., à la regarder d’un autre œil : ils continuent à souligner l’effroi que provoquent les cimes et les pentes vertigineuses, mais cela les porte au sublime plutôt qu’à la tristesse désolée de leurs prédécesseurs. On aime reconnaître dans les montagnards des gens simples, aux mœurs pures, encore à l’abri des maux de notre civilisation. Il faut attendre le xixe s. pour les analyser de l’œil froid de l’homme de science, pour prendre conscience de l’originalité d’une tradition de vie fort ancienne et d’une surprenante diversité de techniques et de civilisations. Les gravures du Val Camonica révèlent que les chalets, les alpages, l’économie pastorale existaient sur le versant italien des Alpes deux millénaires peut-être avant notre ère. La découverte des sociétés montagnardes dans le courant du xixe s., c’est un peu comme la découverte d’une dimension ethnologique inconnue ailleurs au sein des civilisations de l’Europe moyenne.

Depuis un siècle, l’horizon de l’Européen s’est élargi. Il a appris à comparer les chaînes à vie pastorale active qui s’étalent des Pyrénées aux Alpes, aux Carpates et aux montagnes scandinaves à celles où la transhumance et la culture sont aux prises depuis des millénaires tout autour du monde méditerranéen. Il comprend l’intérêt pour les civilisations de pays secs, de fronts montagneux arrosés, de vallées qui disposent des eaux des hautes chaînes, surtout lorsqu’elles sont englacées. Plus près du tropique, lorsque la chaleur et l’humidité s’emparent des terres basses, les montagnes, souvent prises dans les nuées à peu près permanentes, attirent ceux qui cherchent un milieu sain, même s’il manque souvent de bons sols et si la fertilité y est médiocre.

Les modes d’occupation ancienne, à base agricole ou pastorale, sont en déclin partout où la civilisation industrielle triomphe : la montagne se vide, mais, en même temps, on la réinvente, on la refait, on y élabore de nouvelles sociétés, de nouvelles façons de vivre : c’est ce qui rend fascinante l’étude des transformations qui ont commencé il y a un siècle en Europe occidentale et se lisent à peu près partout dans les montagnes d’aujourd’hui.