Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

montagne

Pour la géologie et la géographie physique, v. chaîne de montagnes et orogenèse.
Pour la faune, et sa répartition suivant les continents, v. faune.


La végétation des montagnes


Les étapes de végétation

La plus simple des promenades en montagne permet au profane de voir, au fur et à mesure qu’il s’élève, combien le couvert végétal peut se modifier. Ainsi, dans la partie est des Pyrénées, on observe de 0 à 300 m un paysage méditerranéen typique, avec de nombreux Palmiers exotiques, des Oliviers, des arbres fruitiers et des Vignes : on est là dans l’étage méditerranéen inférieur, caractérisé par la forêt de Chênes-Lièges ou le maquis à Arbousiers, à Calycotomes et à Cistes. Entre 300 et 600 m se place l’étage méditerranéen supérieur, moins chaud, où domine le Chêne vert avec Bupleurum fruticosum, le Thym et la Lavande. Au-dessus, entre 600 et 1 000 m, on trouve d’abord l’étage subméditerranéen, avec des bois de Pins Laricio ; ces Pins annoncent l’étage collinéen, à Chênes pubescents, avec, dans les prairies, des cultures de Pommiers et, le long des ruisseaux, des arbres caractéristiques des stations humides (Frêne, Peuplier, Saule, Aulne), qui rappellent les formations du bocage de l’ouest de la France. De 1 000 à 1 600 m, c’est l’étage montagnard (humide), avec à sa base des Châtaigniers en abondance et à son sommet quelques peuplements de Hêtres ; des landes à Callunes et à Genêts à balais caractérisent également ce niveau. Entre 1 600 et 2 200 m, l’étage subalpin, qui le suit directement, est peuplé surtout de Pins à crochets, avec des landes à Rhododendrons (parties humides) et à Genista purgans (parties sèches) ; c’est à ce niveau (2 200 m) que disparaissent les arbres : quelques Bouleaux et Sorbiers sont parmi les derniers. Enfin, au-dessus, on constate un appauvrissement très net ; la neige reste beaucoup plus longtemps et même, dans certaines stations, elle peut arriver à persister presque tout l’été, créant alors des stations froides, qui conditionnent des peuplements très particuliers. De telles successions se retrouvent dans toutes les montagnes ; un seul facteur est la cause de cet étagement, l’altitude, qui agit sur tous les composants du milieu : la température, les conditions hydriques (neige, nuages, pluie, brouillards), le vent et la lumière.


Les facteurs de l’étagement


La température

Au fur et à mesure que l’on s’élève, l’air, de plus en plus raréfié, arrête de moins en moins l’énergie fournie par le soleil (environ 1,9 cal/cm2/mn) et s’échauffe moins ; par contre, le sol reçoit plus de calories. En montagne, donc, et au soleil, l’air est froid et le sol chaud. Il en résulte que, dans nos régions, la température décroît avec l’altitude de 0,5 °C pour 100 m en moyenne et que la température annuelle du sol est de 2 °C environ supérieure à celle de l’air. Mais le sol, ici, perd facilement sa chaleur, car l’air, peu dense, permet un rayonnement beaucoup plus important que celui qui existe en plaine ; par conséquent, on peut avoir en montagne des alternatives de gel nocturne et de fortes chaleurs diurnes. Ce phénomène est plus intense dans les montagnes équatoriales, où la durée de la nuit est presque égale à celle du jour, et cela toute l’année ; ce n’est pas le cas dans nos régions, où, l’été, la période d’éclairement journalier est très longue par rapport à la période obscure. Cette possibilité de rayonnement accentue en altitude les effets de l’exposition, surtout aux latitudes moyennes, bien plus que vers l’équateur, où le Soleil est presque au zénith (opposition des peuplements entre les flancs des vallées orientés au soleil, au sud [soulanes ou adrets], et ceux qui sont à l’ombre, au nord [ubacs]).


L’eau et la neige

Maintenant que le nombre des mesures faites en haute altitude est important, on peut affirmer que les précipitations, pluie et neige, augmentent avec l’altitude et que le maximum se situe en hiver, créant ainsi un manteau neigeux d’autant plus important que l’on s’élève plus (400 mm d’épaisseur de neige à Chambéry [270 m] ; 2 200 mm d’épaisseur de neige à Bourg-Saint-Maurice [840 m] ; 7 000 mm d’épaisseur de neige à Val-d’Isère [1 849 m] ; cela correspond à environ dix fois la valeur en millimètres de l’eau de fusion). Il en résulte de longues durées d’enneigement. Ainsi, dans la chaîne centrale des Alpes, cette durée est de 4 mois à 1 000 m, de 6 mois à 1 500 m, de 7 mois à 1 800 m et environ de 9 mois à 2 400 m. Ce n’est vraiment que vers 1 500 m que l’on peut constater une influence notable de la neige sur la végétation ; vers 2 200 m, ce facteur devient important, mais il est grandement lié aux conditions topographiques. On peut donc trouver des arbres sur certaines crêtes réputées inhospitalières l’été, alors qu’il n’y en a pas dans des combes herbues bien abritées ; cela est dû à ce que ces dernières ont à subir un enneigement plus prolongé, plus considérable, par suite d’une accumulation locale due au vent, qui a déposé des masses de neige formant congères qui ne fondent complètement qu’au début de l’été. En opposition, dans les pentes exposées au nord, les arbustes, par exemple les Rhododendrons, sont particulièrement bien représentés, car ils sont protégés plus longtemps par le manteau neigeux, qui les met à l’abri des alternances de gel et de dégel, si fréquentes au printemps sur les faces sud. Dans l’étage alpin, les végétaux prennent des formes naines, car la durée d’enneigement interdit le développement des vrais arbres et même des arbustes ; comme ligneux, on trouve alors uniquement des Saules, qui ne dépassent pas 5 cm de haut, et les quelques plantes qui se localisent dans les stations escarpées où la neige tient le moins. Mais la neige a aussi des actions physiologiques. Le taux en chlorophylle des plantes sous la neige est élevé, ce qui, malgré la faible intensité lumineuse, permet une photosynthèse active, entraînant un développement non négligeable, et c’est ainsi que l’on peut voir des hampes florales de Soldanelles, de Renoncules des Pyrénées traverser au début de l’été un manteau de neige de quelques centimètres. Il est à signaler, en outre, que les organes souterrains de ces plantes sont ordinairement dans un sol non gelé, car la température croît de la surface supérieure de la neige vers le sol. La neige agit aussi sur la végétation par action mécanique : d’une part par son poids — ainsi les Aulnes verts, les Pins Mugho ont des branches très souples, qui ploient sous les masses de neige jusqu’à même le sol et se redressent au printemps quand la neige fond —, et d’autre part à cause des avalanches, qui peuvent parfois détruire des portions importantes de forêt. Enfin, les végétaux sous la neige « tôlée » ne sont pas touchés l’hiver par les Herbivores, et ces derniers doivent alors se contenter des arbres de l’étage subalpin et même de l’étage montagnard.