Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mongols (suite)

Gengis khān et la formation de l’Empire mongol (1196-1227)


Les tribus mongoles au début du xiie s.

Pendant que s’effondrent sous les coups de nouvelles hordes barbares les premiers empires mongols, dont les qualités guerrières ont été affaiblies au contact de civilisations plus évoluées, chinoise ou islamique, de nouvelles tribus mongoles se mettent en place. Les plus occidentales, celles de la steppe, ont adhéré au nestorianisme, parfois même au manichéisme : les Naïmans (des Turcs selon Louis Hambis) à l’ouest, entre l’Irtych supérieur et l’Ouvs Nour (Oubsa Nor) ; les Keraïts au centre, dans la région du haut Orkhon, auxquels René Grousset hésite à attribuer une origine turque ou mongole, mais dont la conversion date du début du xie s. ; les Merkits aux confins méridionaux du lac Baïkal. Plus éloignées de l’Europe, les tribus semi-sédentaires qui vivent dans la forêt ou sur ses lisières restent fidèles au chamanisme animiste, tels les Kalmouks, ou Oïrats, établis au nord-ouest de ce même lac, les Solons, implantés entre l’Amour et l’Argoun, les Tatars* (Turcs mongolisés selon Hambis), qui résident peut-être depuis le viiie s. entre les monts Khingan et le Keroulen, et surtout les Mongols proprement dits, qui nomadisent encore au début du xiiie s. entre ce dernier fleuve et l’Onon.


La conquête mongole

• L’unification des pays mongols (1196-1206). Temüdjin est proclamé khān des Mongols proprement dits en 1196 sous le nom de Gengis khān* malgré de nombreux rivaux, dont Djamuqa, et grâce au retrait en sa faveur de l’héritier légitime du titre : Altan. À l’appel de la cour de Pékin et à celui de Tuğrul, il aide à vaincre les Tatars sur les bords de l’Ouldza vers 1198 ; puis, lorsque le roi des Keraïts rompt l’alliance qui l’unit à lui, le khān mongol le vainc en 1203 et assujettit son peuple, dont il disperse aussitôt les membres entre les différents clans mongols.

Ayant enfin soumis en 1204 les Naïmans, dernier peuple mongol rebelle à son autorité, Gengis khān est proclamé, en 1206, khaghān, c’est-à-dire khān suprême de toutes les tribus turco-mongoles.

• Les conquêtes de Gengis khān (1206-1227). Bien secondé par ses fils, le khaghān assujettit les peuples de la forêt (Kirghiz et Oïrats) pour consolider sa frontière nord. À l’est, il impose sa tutelle aux Turcs Ouïgours, soumet par la force les Tangouts du royaume de Xixia (Si-hia) de 1205 à 1209, puis occupe de 1211 à 1223 la Chine du Nord en rejetant les Jin (Kin) au sud du Huaihe (Houai-ho). Il contraint pacifiquement les Kara Kitay à reconnaître son autorité en 1218, avant de briser par la force le Khārezm en 1220-21 et d’autoriser le raid de cavalerie qui mène en 1222-23 Subutāy et Djebe jusqu’en Russie méridionale, où ils remportent, aux dépens des Coumans (Turcs nomades) et des princes de Russie méridionale, l’écrasante victoire de la Kalka le 31 mai 1223.


L’achèvement de la conquête

Après la mort, le 18 août 1227, de Gengis khān, la conquête est parachevée par son troisième fils, Ogoday (1229-1241). Celui-ci donne à l’Empire une capitale fortifiée, Karakorum, s’empare de l’empire des Jin (Kin) de 1231 à 1234, puis décide d’élargir la domination mongole : au Moyen-Orient, où ses forces conquièrent l’Azerbaïdjan et la Transcaucasie (1231-1239) et vassalisent les Seldjoukides d’Anatolie en 1243 ; en Corée, que ses troupes occupent totalement entre 1236 et 1241 ; en Chine méridionale, dont les Song sont finalement éliminés au terme d’une longue lutte qui se prolonge de 1234 à 1279. La conquête de l’Europe est décidée en 1235. Bātū khān (1204-1255), fils de Djūtchī (Djötchi), lui-même fils aîné de Gengis khān, lance en 1236, sous les ordres de Subutāy (1186-1246), une armée comprenant peut-être 150 000 guerriers et qu’il déploie en trois ailes : celle du nord détruit le royaume des Bulgares de la Kama ; celle du sud, aux ordres de Möngke (Mangū khān), soumet les Turcs Coumans établis dans les steppes entre la Volga et le Dniepr ou les oblige à émigrer en Hongrie ; celle du centre, aux ordres de Bātū, occupe toute la Russie du Nord à l’exception de Novgorod (1237-38), puis la Russie méridionale et, faisant la jonction avec les forces de Möngke, saccage Kiev le 6 décembre 1240. Bātū redéploie alors ses forces en trois colonnes : à l’aile droite, Qaīdu et Baïdar pulvérisent les forces polono-allemandes à Legnica, en Silésie, en avril 1241 ; au centre, Bātū et Subutāy éliminent les Hongrois de Béla IV au confluent du Sajó et de la Tisza le 11 avril ; enfin, l’Adriatique est atteinte près de Split (Spalato). Mais, au moment où la tenaille mongole va se refermer sur Vienne, au début de 1242, l’annonce de la mort d’Ogoday incite Bātū à regagner Karakorum pour poser sa candidature à l’Empire. Ainsi l’Europe occidentale est-elle sauvée d’une inéluctable catastrophe.

L’instrument de la conquête mongole : l’armée

L’armée mongole est profondément transformée par le génie militaire de Gengis khān. Elle comprend trois forces essentielles : cuirassée, armée d’une lance et d’une épée ou d’une hache, la cavalerie lourde, d’origine iranienne, doit rompre le front ennemi ; pourvue seulement d’arcs et de lances, la cavalerie légère, de tradition hunnique, surveille, harcelle et poursuit l’adversaire ; équipé de balistes et de trébuchets servis par des spécialistes chinois ou musulmans, le corps du génie permet la prise des places fortes, au siège desquelles concourent également, à la fin du xiiie s., des forces auxiliaires d’infanterie.

Astreintes à un entraînement intensif à la faveur des grandes battues d’hiver rendues obligatoires par Gengis khān, contraintes à la sobriété, soumises enfin à une discipline de fer, les troupes royales sont regroupées en unités de 10, 100, 1 000 et 10 000 hommes, au sein desquelles s’effacent les distinctions claniques et tribales originelles.

La cohésion de l’ensemble est assurée par la garde personnelle du grand khān, instituée par Gengis khān et composée de guerriers d’élite largement privilégiés et vénérés dans toutes les tribus mongoles : les 10 000 bahadur. Gengis khān perfectionne la tactique de l’armée (harcèlement par les archers montés, débordement par les ailes) et surtout sa stratégie, notamment par le déploiement sur des fronts très étendus de puissantes armées dont la concentration en un même point, au jour et à l’heure prévus, permet d’encercler et de vaincre par surprise l’adversaire qui ne dispose pas comme lui d’un service de renseignements préparant plusieurs mois à l’avance et à des milliers de kilomètres de distance l’action décisive.