Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Moissan (Henri) (suite)

Sa première grande découverte est la possibilité d’isoler le fluor. Depuis Scheele*, qui avait identifié les fluorures, on n’ignorait pas l’existence d’un tel élément, mais personne n’avait réussi à l’extraire de ses combinaisons en raison de ses extraordinaires affinités. En 1887, Moissan réussit à le préparer, par électrolyse de l’acide fluorhydrique liquéfié à – 30 °C et additionné de fluorure de sodium, dans un tube en U en platine muni de bouchons de fluorine. Puis il annonce que ce gaz verdâtre enflamme ou attaque la quasi-totalité des autres corps chimiques.

Le désir de réaliser des températures élevées l’amène, en 1892, au laboratoire de l’École normale supérieure, à réaliser son four électrique, formé de deux blocs de chaux superposés (dont l’un forme creuset) et traversés par deux charbons. Alors qu’Henri Sainte-Claire Deville ne dépassait pas 2 000 °C avec le chalumeau oxhydrique, Moissan réalise une température de 3 500 °C, qui lui permet de fondre, voire de volatiliser le platine et la silice ainsi que de nombreux oxydes réfractaires. Grâce à ce four, il prépare, à l’état cristallisé, le bore, l’uranium, le manganèse, le chrome, le tungstène, le vanadium, le titane, le molybdène.

À cette température, la plupart des métaux se combinent au carbone, et Moissan prépare à partir de 1894 un grand nombre de carbures métalliques. Il découvre que le carbure de calcium, au contact de l’eau, dégage de l’acétylène ; d’où la possibilité d’obtenir aisément cet agent de synthèse. Il observe l’extrême dureté de certains carbures et, là encore, ouvre à l’industrie d’importants débouchés. C’est aussi de ces expériences que naîtra la fabrication des ferro-alliages.

Mais la célébrité de Moissan tient surtout à une tentative, dont on discute encore le succès, de production artificielle du diamant. Celui-ci étant plus dense que le graphite, Moissan pense qu’on peut l’obtenir en faisant cristalliser le carbone sous une pression très élevée. Mettant à profit l’augmentation de volume que subit la fonte en se solidifiant, il refroidit brusquement, par immersion dans l’eau glacée, de la fonte en fusion saturée de carbone. En dissolvant ensuite le fer dans les acides, il obtient en 1893 de petits cristaux dont certains sont peut-être des diamants.

Notons encore que Moissan étudia les hydrures, les nitrures, les siliciures et les borures métalliques, qu’il prépara l’amalgame d’ammonium, qu’il liquéfia et solidifia le fluor (1903), et qu’il constata qu’à – 252 °C ce corps réagit encore sur l’hydrogène avec explosion.

R. T.

Moldavie

En roumain Moldova, région historique de la Roumanie.


C’est en 1359, sous le voïvode Bogdan Ier († 1365), qu’est constitué, au détriment de la Hongrie, l’État féodal de Moldavie. Après des débuts modestes, troublés par l’absence de règles de succession, la Moldavie accroît son territoire (Bucovine, 1387). Sous Alexandre Ier le Bon (1400-1432) se parachève l’organisation d’un pays qui combat fréquemment les tendances expansionnistes des royaumes hongrois et polonais, et surtout de l’Empire ottoman. Sous Étienne III le Grand (1457-1504), qui, en 1475, bat Soliman Pacha à Vaslui, la Valachie connaît son apogée.

Après le désastre hongrois de Mohács (1526), la Moldavie — comme la Valachie et la Transylvanie — doit se reconnaître vassale de la Porte ; mais elle n’est pas transformée en pachalik. Sous le couvert de la puissance ottomane, les propriétaires terriens intensifient l’exploitation féodale, obtenant même, au début du xviie s., la suppression du droit de déplacement des paysans. Par ailleurs, les princes régnants essaient de secouer le joug turc ; il en est ainsi de Jean le Vaillant (1572-1574). En 1600, le prince régnant de Valachie, Michel le Brave (1593-1601), réussit à unir sous son sceptre les trois principautés roumaines ; pour peu de temps d’ailleurs. Dans la Moldavie redevenue autonome, Basile le Loup (1634-1653) et surtout Dimitrie Cantemir (1710-11) essaient de soustraire leur principauté de la domination ottomane.

Mais en 1711 est instaurée la forme la plus oppressive de cette domination : le régime phanariote. Les princes régnants (hospodars) sont désignés par le Sultan et recrutés dans les rangs de l’élite de la société grecque établie à Constantinople. Cependant, plusieurs princes phanariotes appliquent d’importantes réformes fiscales, sociales, administratives et judiciaires. Le plus célèbre d’entre eux, Constantin Mavrocordato (1711-1769), hospodar de Moldavie et de Valachie, abolit en 1746 la servitude personnelle des paysans.

Le début du xixe s. est marqué en Moldavie, comme dans tous les pays soumis aux Turcs, par des mouvements d’émancipation. La révolte de 1821 aboutit à l’abolition du régime phanariote et au rétablissement des princes autochtones. L’influence russe remplace d’ailleurs celle des Turcs. De 1828 à 1834, la Moldavie est même gouvernée par une administration militaire russe. Mais déjà se prépare — sous la forme de « règlements organiques » (1831-32) et d’un accord douanier (1846-47) — l’union des principautés roumaines de Moldavie et de Valachie.

Bien administrée par l’hospodar Mihail Sturdza (1834-1849), la Moldavie développe ses voies de communication et fonde l’académie d’Iaşi, où naît le mouvement nationaliste roumain de Mihail Kogălniceanu. Mais les remous de la révolution de 1848 obligent Sturdza à se retirer. Alors, inquiets de l’influence croissante des Russes, les Autrichiens (qui, en 1775, ont annexé la Bucovine) occupent la Moldavie (1854-1856) et lui font restituer le sud de la Bessarabie.

En vertu du traité de Paris de 1856, qui clôt la guerre de Crimée, la Valachie et la Moldavie, tout en restant sous la suzeraineté de la Porte, bénéficient de la garantie collective des grandes puissances. La population, consultée au sujet de l’union des principautés par la voix de délégués convoqués à Iaşi et à Bucarest, se prononce en faveur de l’union en un seul État nommé Roumanie. Ce droit à l’union est d’ailleurs refusé par la convention de Paris (août 1858), qui tient compte de l’hostilité de la Turquie, de l’Autriche et de l’Angleterre. Une constitution hybride maintient, sous le nom de Principautés-Unies de Moldavie et de Valachie, la séparation de fait et la suzeraineté ottomane. La Moldavie a donc un prince régnant, un gouvernement et une assemblée législative.

Alors, passant outre, les principautés roumaines réalisent l’union en élisant le même prince régnant (en Moldavie le 5 janvier 1859, en Valachie le 24 janvier) : le colonel Alexandre-Jean Cuza (1859-1866). C’est l’acte de naissance de la Roumanie* moderne : l’histoire de la Moldavie se confond désormais avec l’histoire roumaine.