Moissan (Henri) (suite)
Sa première grande découverte est la possibilité d’isoler le fluor. Depuis Scheele*, qui avait identifié les fluorures, on n’ignorait pas l’existence d’un tel élément, mais personne n’avait réussi à l’extraire de ses combinaisons en raison de ses extraordinaires affinités. En 1887, Moissan réussit à le préparer, par électrolyse de l’acide fluorhydrique liquéfié à – 30 °C et additionné de fluorure de sodium, dans un tube en U en platine muni de bouchons de fluorine. Puis il annonce que ce gaz verdâtre enflamme ou attaque la quasi-totalité des autres corps chimiques.
Le désir de réaliser des températures élevées l’amène, en 1892, au laboratoire de l’École normale supérieure, à réaliser son four électrique, formé de deux blocs de chaux superposés (dont l’un forme creuset) et traversés par deux charbons. Alors qu’Henri Sainte-Claire Deville ne dépassait pas 2 000 °C avec le chalumeau oxhydrique, Moissan réalise une température de 3 500 °C, qui lui permet de fondre, voire de volatiliser le platine et la silice ainsi que de nombreux oxydes réfractaires. Grâce à ce four, il prépare, à l’état cristallisé, le bore, l’uranium, le manganèse, le chrome, le tungstène, le vanadium, le titane, le molybdène.
À cette température, la plupart des métaux se combinent au carbone, et Moissan prépare à partir de 1894 un grand nombre de carbures métalliques. Il découvre que le carbure de calcium, au contact de l’eau, dégage de l’acétylène ; d’où la possibilité d’obtenir aisément cet agent de synthèse. Il observe l’extrême dureté de certains carbures et, là encore, ouvre à l’industrie d’importants débouchés. C’est aussi de ces expériences que naîtra la fabrication des ferro-alliages.
Mais la célébrité de Moissan tient surtout à une tentative, dont on discute encore le succès, de production artificielle du diamant. Celui-ci étant plus dense que le graphite, Moissan pense qu’on peut l’obtenir en faisant cristalliser le carbone sous une pression très élevée. Mettant à profit l’augmentation de volume que subit la fonte en se solidifiant, il refroidit brusquement, par immersion dans l’eau glacée, de la fonte en fusion saturée de carbone. En dissolvant ensuite le fer dans les acides, il obtient en 1893 de petits cristaux dont certains sont peut-être des diamants.
Notons encore que Moissan étudia les hydrures, les nitrures, les siliciures et les borures métalliques, qu’il prépara l’amalgame d’ammonium, qu’il liquéfia et solidifia le fluor (1903), et qu’il constata qu’à – 252 °C ce corps réagit encore sur l’hydrogène avec explosion.
R. T.