Moïse (suite)
Un jour, Dieu se révèle à lui, en attirant d’abord son attention à l’aide d’un buisson qui flambe sans se consumer ; sa mission libératrice lui est alors impartie, mais il s’en croit incapable ; Dieu lui enseigne les prodiges qui convaincront à la fois le peuple opprimé et le pharaon oppresseur. Comme Moïse excipe de son incapacité oratoire, Dieu lui indique qu’il aura pour porte-parole son frère Aaron, qu’il retrouvera en Égypte. Moïse part. Avec Aaron, il va chez les Hébreux ; d’abord sceptiques et méfiants, ceux-ci finissent par être convaincus grâce aux prodiges indiqués par Dieu à Moïse. Puis ils se présentent au pharaon, qui s’obstine à les retenir.
Il faudra les « dix plaies » pour triompher de sa résistance. La dernière (la mort simultanée de tous les premiers-nés égyptiens) emporte la décision. Le départ des Hébreux a lieu, selon la Tradition juive, dans la nuit du 15 Nisan, par la route, d’abord, des caravanes montant vers Canaan ; puis le peuple oblique vers le sud-est, rencontrant, en vue de la péninsule du Sinaï, l’obstacle de la mer Rouge, miraculeusement franchi, alors que les poursuivants égyptiens sont engloutis. Dans le désert, les Hébreux sont providentiellement nourris et désaltérés (la « manne » et l’eau du rocher). Une traîtresse attaque des Amalécites est victorieusement repoussée. Après sept semaines de marche, les Hébreux, auxquels, sur le conseil de Jethro, Moïse a donné une organisation judiciaire hiérarchisée, arrivent au mont Sinaï ; c’est là que, dans une impressionnante scène d’orage, Dieu promulgue le décalogue ; Moïse est l’intermédiaire de la Révélation. Mais, pendant qu’il est sur le mont Sinaï, le peuple, incapable de concevoir l’adoration de Dieu sans l’utilisation d’aucune image, presse Aaron de lui confectionner une idole ; Aaron, sous la pression populaire, doit s’exécuter.
C’est au moment où les Hébreux, en liesse, fêtent ce « Veau d’or » que Moïse reparaît. Sa stupeur et son irritation sont telles qu’il laisse choir les « Tables de la Loi », qui se brisent au pied de la montagne. Avec l’aide des membres de la tribu de Lévi (la sienne), qui n’ont pas cédé à la contagion, il rétablit l’ordre et remonte au Sinaï pour plaider devant Dieu la cause du peuple coupable ; il en obtient le pardon à l’issue d’un pathétique plaidoyer. C’est alors qu’est promulgué un ensemble d’ordonnances divines précisant les modalités de l’alliance entre Dieu et le peuple qu’Il voue à Son service.
Puis des dispositions sont édictées en vue de la construction d’un sanctuaire démontable, qui permettra le fonctionnement du culte pendant les étapes de la marche vers la Terre promise, qui devrait être imminente. En prévision de l’entrée en Canaan, des ordonnances concernant la vie morale et matérielle des Hébreux sont dictées par Dieu. Mais la conquête de la Terre sainte n’aura lieu que quarante ans plus tard, en punition d’une révolte provoquée par les propos défaitistes de la plupart des éclaireurs (les « explorateurs ») que Moïse avait dépêchés en Canaan pour reconnaître le pays. La révolte ne s’apaise que sur l’intervention de Dieu : le peuple restera dans le désert jusqu’à la disparition complète de la génération née en Égypte ; seuls survivront Josué et Caleb, dont le compte rendu de mission de reconnaissance avait été plus nettement encourageant et plus marqué de foi dans le secours divin. Pendant ces quarante ans au désert, Moïse communique au peuple les révélations dont il bénéficie sous forme de lois concernant le culte, la pureté, la sainteté, la vie morale et sociale.
Pendant tout ce temps, les Hébreux ne font que tourner dans le désert, autour de l’oasis de Cadès. Moïse doit faire face à de nombreux incidents et à de nombreuses récriminations des tribus exposées aux dangers et aux difficultés matérielles de la vie au désert. Un jour, notamment, un groupe de rebelles dirigé par le lévite Coré essaie d’accréditer auprès du peuple une contestation du pouvoir confié à Moïse et à Aaron. C’est encore l’intervention divine qui dénoue le conflit : Coré et ses acolytes sont engloutis par une crevasse qui se forme dans le sol. Entre-temps, Myriam, puis Aaron viennent à mourir. Moïse lui-même se voit signifier qu’il mourra avant l’entrée en Canaan du peuple qu’il conduit : il a désobéi à un ordre divin. À l’expiration des quarante ans, on reprend la marche vers la Terre promise, mais par un itinéraire plus long, passant par la Transjordanie. Des tractations amiables avec les rois qui règnent sur les différents pays à traverser, tractations visant le ravitaillement du peuple à prix d’argent, échouent ; les rois des Amorrites et des Moabites veulent s’opposer militairement à la traversée de leur territoire. Ils sont battus ; leur pays tombe aux mains des Hébreux, dont deux tribus et demie demandent l’autorisation d’y installer leur famille et leur bétail moyennant la promesse de combattre à l’avant-garde pour la conquête de Canaan. À proximité du Jourdain, Moïse, avisé de sa fin prochaine, communique ses pouvoirs à Josué et, dans une série de discours, rappelle au peuple les événements survenus depuis la sortie d’Égypte ; il l’exhorte à la fidélité et à l’amour de Dieu, lui répète le décalogue et certaines des lois à observer, édicté des dispositions sur la justice et sur la guerre. Il prononce un cantique d’allure assez prophétique, prédisant les défaillances et les vicissitudes futures. Ayant béni les tribus, en tenant compte de leur future implantation géographique dans la Terre sainte, il monte sur le mont Nébo, d’où il découvre le pays où il n’entrera pas. C’est là qu’il meurt.
Caractères de la biographie biblique de Moïse
Telle est la biographie de Moïse, selon le Pentateuque. Elle ne nous livre presque rien sur sa vie personnelle, rien sur son enfance et son adolescence ; on apprend seulement que Moïse épousa l’une des filles de Jethro et qu’il en eut deux fils ; on se demande si l’épouse « couchite », objet des médisances de Myriam (Nombres, xii, 1), est une seconde épouse ou s’il s’agit toujours de la fille de Jethro. On ne sait rien sur la mort de Moïse et sur sa sépulture. On ne sait presque rien des quarante ans dans le désert ; c’est ce silence ainsi que des passages obscurs des Psaumes et du livre d’Osée qui ont amené certains chercheurs à se demander si Moïse ne s’est pas tenu à l’écart et même si les allusions à un crime obscur perpétré à Shittim n’ont pas trait au meurtre de Moïse par certains éléments du peuple. Influencés par les théories de Freud sur le « meurtre du père », certains ont même voulu interpréter ainsi la disparition de Moïse... Si l’on trouve des allusions à Moïse et surtout à son œuvre dans les autres livres de la Bible, elles sont tributaires du récit du Pentateuque, qui reste la seule source que l’on connaisse, à l’exclusion de tout document d’intérêt archéologique.