Ensemble des doctrines et des tendances ayant pour objet commun de renouveler la théologie, l’exégèse, la doctrine sociale et le gouvernement de l’Église, pour les mettre en accord avec ce qu’on croit être les nécessités de l’époque où l’on vit. Au sens strict, le modernisme correspond à la crise religieuse qui marqua le début du pontificat de Pie X*.
Pour l’essentiel, « la crise moderniste est née de la rencontre brutale de l’enseignement ecclésiastique traditionnel avec les jeunes sciences religieuses qui s’étaient constituées, loin du contrôle des orthodoxies, et le plus souvent contre elles, à partir d’un principe révolutionnaire : l’application des méthodes positives à un domaine, à des textes jusqu’ici considérés comme hors de leurs prises » (Émile Poulat). Cette crise s’est aggravée du fait du décalage entre la médiocrité de l’enseignement ecclésiastique et le dynamisme des sciences religieuses, et cela malgré l’apport du néo-thomisme prôné par Léon XIII et de la néo-scolastique élaborée par l’université catholique de Louvain.
Quatre pays furent touchés par la crise moderniste : l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et surtout la France. Mais il serait fallacieux d’imaginer une espèce de complot fomenté par les modernistes appartenant à ces nationalités.
En Italie, le modernisme prend surtout l’allure d’une libération par rapport à une tutelle ecclésiastique considérée comme paralysante et se situe dans la ligne du Risorgimento. L’élément catalysant se trouve en la personne du grand romancier et poète spiritualiste Antonio Fogazzaro (1842-1911), qui s’efforce de concilier sa foi avec les théories de la science moderne, mais dont les dénonciations des hypocrisies religieuses lui vaudront l’hostilité des milieux ecclésiastiques ; condamné par l’Église, celui-ci se soumettra.
Dans son aura, deux prêtres : Romolo Murri (1870-1944), véritable fondateur de la démocratie* chrétienne, qui ouvrira aux modernistes sa revue Rivista di Cultura et qui, excommunié (1909), quittera l’Église pour se donner à une action parlementaire d’ailleurs limitée ; Ernesto Buonaiuti (1881-1946), professeur d’histoire du christianisme à l’université de Rome, qui, ayant revendiqué, contre l’autorité ecclésiastique, la libre recherche historique, sera, lui aussi, excommunié (1926).
En Grande-Bretagne, le modernisme influence davantage l’anglicanisme qu’un catholicisme resté très traditionnel. George Tyrrell (1861-1909), calviniste converti devenu jésuite et apologiste de renom, prétend subordonner le caractère intellectuel de la Révélation aux émotions de la piété ; il sera exclu de la Compagnie et de l’Église. Son ami le baron Friedrich von Hügel (1852-1925), originaire d’Autriche, homme cultivé et avide de dialogue, est un peu comme le protecteur et le confident des modernistes européens. On peut aussi citer le biographe de Tyrrell, Maude Petre (1863-1942).
En Allemagne, le modernisme se développe beaucoup plus tôt et donc d’une manière moins explosive « dans le courant de libéralisme universitaire et de réformisme catholique qui a marqué au xixe s. toute l’histoire de ce pays » (E. Poulat). Il faut souligner cependant les hardiesses théologiques d’Hermann Schell (1850-1906), dont la Dogmatique est mise à l’Index (1898).
C’est en France, pays passionné d’idées, que le modernisme trouve son terrain d’élection, « son personnage éponyme » étant incontestablement l’exégète Alfred Loisy. Ce prêtre enseigne à l’Institut catholique de Paris, établissement d’enseignement supérieur libre fondé, comme les quatre autres universités catholiques, en application de la loi de 1875. Ces fondations sont incontestablement à l’origine d’un renouveau des études ecclésiastiques, renouveau qui ne peut pas ne pas déboucher partiellement dans le courant moderniste.
Avant d’être professeur à la « Catho », Loisy y a eu pour maître Mgr Louis Duchesne (1843-1922), historien éminent et peu conformiste de l’Église ancienne et grand pourfendeur de légendes, mais qui échappera aux condamnations définitives.