Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mochica (suite)

Il semble étonnant qu’un peuple parvenu à ce niveau technique et artistique n’ait pas possédé un système quelconque de transmission écrite de la pensée. Cette réflexion vaut d’ailleurs pour toutes les civilisations andines. Ce n’est que très récemment qu’une nouvelle théorie veut voir dans les motifs géométriques de l’art inca* un système d’idéogrammes. Les Mochicas, eux, auraient utilisé, si l’on en croit Larco Hoyle, des haricots peints. On trouve en effet ces haricots fréquemment représentés dans la céramique, transportés par des messagers ou disposés de façon régulière sur le sol devant des personnages qui semblent les étudier. Si une telle « écriture » existait, elle avait, en tout cas, totalement disparu au moment où arrivèrent les Espagnols.


Disparition de la culture Mochica

Née modestement aux environs du iie s. de notre ère, probablement dans la vallée de Moche, la culture Mochica s’est peu à peu épanouie, étendant sa domination sur les vallées avoisinantes. Du iiie au viiie s., sa puissance atteint son apogée. En pleine possession de leurs moyens techniques et artistiques, les guerriers mochicas règnent sur près de 400 km de la côte nord péruvienne. Et soudain leur civilisation paraît s’affaiblir, s’affadir. Les dernières réalisations de leurs céramistes remplacent la vigueur et la sobriété des œuvres antérieures par un maniérisme surchargé ; les formes s’abâtardissent ou s’affinent démesurément jusqu’à la caricature. C’est alors qu’apparaissent d’une manière assez brusque un nouveau style artistique et un autre mode de vie. Venue des Andes du Sud, la culture de Tiahuanaco*-Hari submerge et remplace vers le ixe s. la culture Mochica.

D. L.

➙ Amérique précolombienne.

 G. H. S. Bushnell, Peru (Londres, 1956, nouv. éd., 1963 ; trad. fr. le Pérou, Arthaud, 1958). / V. W. von Hagen, The Desert Kingdoms of Peru (Greenwich, Connect., 1965). / D. Lavallée, les Représentations animales dans la céramique mochica (musée de l’Homme, 1970).

mode

Dans la terminologie musicale, mot qui est utilisé dans deux acceptions différentes : l’une, rythmique, est relativement précise, mais n’a eu qu’une existence éphémère ; l’autre, mélodique, a une longue histoire remplie de vicissitudes et de contradictions.



Les modes au sens mélodique


Historique sommaire

Le mot mode (en lat. modus) entre dans la théorie musicale vers le ve s. de notre ère, lorsque paraissent les premiers exposés latins d’une théorie de la musique grecque antique alors sur son déclin. Leurs auteurs, dont le plus important est Boèce, hésitent en effet sur le nom à donner aux tons de transposition présentés par cette théorie sous les deux noms équivalents de tonos, qui signifie « tension » (référence à la « tension » des cordes), ou de tropos, qui signifie « manière » (référence à la « manière » de tendre les cordes). Tonos est transcrit simplement par tonus, mais tropos reçoit à la fois sa transcription tropus et sa traduction modus. Les trois mots ton, trope et mode deviennent donc synonymes. Ils désignent la « façon » de « tendre » les cordes pour qu’une mélodie sonne dans une tessiture plus ou moins élevée. Or, cette façon de tendre les cordes est réglée par le procédé des « tons de transposition », qui consiste à accorder l’octave moyenne (fa à fa selon la nomenclature fixe, dite « thétique ») selon une répartition circulaire des intervalles de la gamme diatonique, de telle sorte que la mélodie donnée sonne plus ou moins haut selon l’accord de l’instrument. Chaque « manière » d’accorder avait reçu un nom selon une nomenclature variable (de trois à quinze selon les époques et les auteurs), mais qui, pour Boèce, est de huit : l’octave moyenne avec les intervalles de la gamme de la détermine le « ton hypodorien », celle de sol l’hypophrygien, celle de fa l’hypolydien, celle de mi le dorien, celle de le phrygien, celle de do le lydien, celle de si le mixolydien, plus un hypermixolydien.

Ces « modes » (ou tons, ou tropes) ne sont donc en rien des éléments de structure : ce sont des procédés de transposition pour obtenir une tessiture plus ou moins élevée. Le premier malentendu viendra du fait qu’ils comportent, sous un nom topique (dorien, etc.), la référence à une octave moyenne aux intervalles variables : d’où la tentation, dans un premier temps, de décrire le « mode » par ces intervalles et, dans un second temps, de l’identifier à eux. Ainsi naquit au ixe s. (Alia Musica) la fiction des octaves modales, qui, toutefois, ne prit sa forme définitive qu’au xie s. Mélangée inextricablement à celle des tons ecclésiastiques, elle est devenue la base de la théorie modale grégorienne.

Un second malentendu, en effet, s’est produit à l’époque carolingienne. Abusés par l’identité de terminologie entre les huit tons (ou tropes, ou modes) de la théorie grecque selon Boèce et les huit tons de la musique d’église nés entre-temps de manière indépendante des précédents, les théoriciens de cette époque ont cru que les descriptions des « tons » grecs de transposition qu’ils lisaient dans Boèce s’appliquaient aux « tons » du plain-chant, et, non sans peine, mais sans craindre contradictions ou obscurités, ces derniers devinrent indifféremment tons, tropes ou modes, en s’attribuant, dans l’ordre de Boèce, les noms des tropes grecs de transposition. Plus tard, au xie s., l’incohérence du tableau motiva une refonte rationnelle, mais arbitraire par rapport à la réalité musicale ; cette refonte comportait notamment une mise en ordre théorique des octaves modales, qui devinrent définitivement la base du système.

Ainsi fut accréditée la croyance, aujourd’hui généralisée, qu’un mode se définit par la répartition des intervalles de sa gamme type répartie sur une octave. Cette définition est exacte pour la théorie classique occidentale ; elle ne doit être étendue à l’ensemble des autres répertoires qu’avec circonspection, car elle peut mener à de sérieuses mésententes.