Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mobilité sociale

Possibilité, pour les individus ou les groupes, de changer de position à l’intérieur d’un système social donné, que celui-ci se définisse par rapport à la hiérarchie de l’argent, du prestige ou du pouvoir.



Analyse des formes de mobilité

À la différence de la mobilité écologique, qui se réfère à un déplacement dans un champ territorial, la mobilité sociale proprement dite est un changement fonctionnel dans la position sociale d’un individu ou d’un groupe. Chacun des aspects de la mobilité sociale (automatique ou volontaire, horizontale ou verticale, ascendante ou descendante, professionnelle, intergénérationnelle...) peut faire l’objet d’études sociographiques et entre en compétition avec d’autres lorsque, par exemple, on examine la mobilité professionnelle en fonction de l’âge, le niveau social des enfants par rapport à celui de leurs parents, le rôle des déplacements géographiques dans l’ascension sociale... De telles études permettent de diagnostiquer le degré de dynamisme ou de stagnation de la vie sociale dans un univers déterminé et de comprendre certaines crises psychosociologiques liées à des déracinements, à des obligations de se reclasser professionnellement, à des nécessités de réadaptation globale lors de l’adolescence et de la sénescence notamment. En outre, elles rendent sensible aux conséquences sociales de cette mobilité, c’est-à-dire au rééquilibrage spontané et aux déséquilibres provisoires provenant des ressemblances ou de différences démographiques et culturelles entre générations successives. Qu’elle porte sur la mobilité entre générations, sur la mobilité de carrière pour le même individu, sur la mobilité de groupe dont le statut se modifie, toute étude de cette sorte suppose donc la mise en relation de deux repères temporels successifs et entre dans le cadre d’une étude plus générale de la sélection sociale.

Ni les difficultés de comparaison entre pays dont diffèrent le niveau économique et les structures professionnelles, ni l’indigence des sources officielles pour l’appréciation des changements de statut, ni l’insuffisance des techniques quantitatives, comme les tables de mobilité, n’ont empêché que la comparaison et la mesure ne s’appliquent aux phénomènes de mobilité notamment dans des cadres microsociologiques et psychosociaux.

La multiplication des recherches théoriques, méthodologiques et empiriques, menées notamment par P. Sorokin, R. Centers et H. Cantril, S. M. Lipset et R. Bendix, N. Rogoff, S. M. Miller, E. Neymark, A. Girard, R. Girod..., a fait ressortir que les possibilités de passage d’un groupe à l’autre ne manquent pas d’altérer la notion de niveau social comme celle de classe sociale.


Facteurs sociaux de la mobilité

Toute étude de la mobilité s’inscrit inévitablement dans une vision, voire dans une théorie plus ou moins explicite de la stratification sociale. Dans une société donnée qui privilégie selon la conjoncture tel ou tel canal de mobilité — l’armée, le clergé, l’école, les partis politiques, le mariage, les organisations professionnelles, les systèmes qui procurent la richesse, etc. —, l’appartenance de classe réfractée à travers le milieu familial détermine en grande partie les modèles mentaux de la réussite et ses voies d’accès, comme l’ont montré de nombreuses études empiriques mettant en rapport, d’une part, la catégorie sociale de la famille et, d’autre part, les chances d’accès aux différents niveaux de l’enseignement, la réussite scolaire et la profession exercée par les parents. Quelle que soit l’importance des autres moyens de sélection, la famille joue le rôle de test social, en ce que le fait d’être né dans telle ou telle famille prédispose à telle ou telle carrière. Plutôt que d’estomper la stratification sociale, l’école a pour effet de l’accentuer.

Parmi les études qui abondent sur ces mécanismes de sélection ouvrant la voie de l’ascension aux plus aptes, de même que sur les processus psychologiques et institutionnels qui favorisent ou inhibent la mobilité se distinguent celles d’un des pionniers de la recherche, P. Sorokin*, qui privilégie comme facteurs les plus importants de la mobilité le vide démographique des classes supérieures, les différences entre générations et les changements dans l’environnement social. En fait, dans la société moderne, les démographes notent plutôt une tendance assez nette à l’égalisation des taux de fécondité selon les classes sociales, ce qui diminue le poids de l’argument fondé sur la prolificité différentielle des classes. Mais, en raison de l’accélération des changements, notamment économiques et institutionnels, dans le monde moderne, la mobilité se trouve favorisée, bien qu’agisse un système de freinage dû à la longue occupation du même poste par des personnes dont les aptitudes et les compétences ne répondent plus aux conditions nouvelles de l’action productive et bien que la mobilité puisse être condamnée comme une trahison par une subculture donnée. Au vrai, les changements dans l’environnement influent autant sur la mobilité professionnelle que sur la mobilité verticale, puisqu’ils impliquent des changements d’emploi.


La mobilité professionnelle

De la transformation continuelle et accélérée du système de production sous le double effet des techniques et de l’apparition de nouveaux produits, il résulte inévitablement des variations dans la part relative des diverses activités économiques et dans la localisation des entreprises. À de telles modifications, les travailleurs doivent s’adapter en changeant soit d’emploi, soit d’entreprise.

Le volume de la mobilité recensée en France indique assez l’importance du phénomène. Entre 1965 et 1970, par exemple, 500 000 personnes ont changé chaque année de département. 2 millions à 2,5 millions ont changé, dans le même temps, d’employeur. Les transformations structurelles des différents secteurs économiques et l’évolution de l’urbanisation expliquent pour une grande part cette mobilité. En France, entre 1954 et 1968, l’emploi salarié a augmenté en moyenne par an de 3 p. 100 dans les commerces, les services et les transports, de 1,9 p. 100 dans les administrations et les banques, contre 1 p. 100 dans les industries de transformation (bâtiments et travaux publics exclus).