Mistra (suite)
Au début du xive s. notamment, Andronic Asen (1316-1321) profita des conflits dynastiques entre les héritiers des Villehardouin et les rois de Naples ainsi que de l’anarchie endémique pour faire progresser la reconquête. Celle-ci fut précipitée par l’érection de la province au rang de despotat en 1348, décision qui en faisait une principauté jouissant de l’autonomie administrative. Le premier despote et le plus remarquable fut Manuel Cantacuzène (1348-1380), qui témoigna d’une sollicitude exemplaire dans les affaires intérieures et extérieures. Aux autres Cantacuzènes, Mathieu (1380-1383) et Démétrios (1383-1386), succédèrent des princes Paléologues : Théodore Ier (1384-1407), puis Théodore II (1407-1443). Ceux-ci furent affrontés à de graves problèmes : combats contre les Latins et les Navarrais, guerres intestines, difficultés économiques et agricoles, instabilité politique, intrigues de Venise et surtout invasions des Turcs, qui désolèrent tout le pays.
Sous les despotes Paléologues, les Ottomans organisèrent plusieurs expéditions militaires contre la Morée : Evrenos bey en 1395, le sultan Bayezid Ier en 1396 (cependant qu’une partie du despotat était vendue aux Hospitaliers de Rhodes [1400-1404]), Turhan bey en 1423 et en 1431. En 1443, le despotat échut à Constantin Paléologue, le futur empereur Constantin XI, qui réussit à replacer toute la Morée sous pouvoir grec (1443-1449) et à réorganiser le pays. Mais ces succès furent compromis par les dissensions entre les despotes Thomas et Démétrios ainsi que par d’autres invasions turques : celles de Murat II en 1446-47 et de Turhan bey en 1452 et en 1454. Le coup de grâce fut assené au despotat par le sultan Mehmed II : le pays fut définitivement annexé à l’Empire ottoman par la chute de Mistra (30 mai 1460) et la conquête des derniers centres de résistance nationale (1461). La capitale des despotes grecs resta le centre administratif de la province, mais déchut lentement de son importance. Cédée à Venise en 1687 et rétrocédée aux Turcs en 1715, elle subit de graves dommages lors de la révolte de 1769-70, et la ville haute fut ruinée par Ibrāhīm pacha en 1825. Mistra fut désertée en 1834 par ses habitants, qui refluèrent sur l’ancienne Lacédémone, qu’ils restaurèrent et appelèrent Néa Sparta.
Les difficultés politiques et économiques n’empêchèrent pas Mistra de devenir à partir de la fin du xive s. une capitale des lettres : la plus haute figure fut celle du philosophe Georges Gémiste Pléthon (v. 1355 - v. 1450), dont le renom attira de nombreux disciples (Jean Bessarion [v. 1402-1472], Jean et Marc Eugénikos, etc.) et qui fut l’artisan d’un vigoureux mouvement intellectuel. Les heurs et malheurs du despotat fournirent matière à une riche littérature de cour marquée par un patriotisme exacerbé. Mistra fut aussi une capitale des arts : sur ses pentes abruptes furent édifiés le palais des despotes et de belles églises faisant souvent partie d’un monastère : celles du couvent des Saints-Théodore de Brontochion (av. 1296), de la Panaghia (dite Afendiko, av. 1311-12), de la Péribleptos, de Sainte-Sophie (av. 1365), de la Pantanassa (début du xve s.), celle, enfin, de la Métropole, dédiée à saint Démétrios (v. 1292 ou v. 1310). Hormis ce dernier, ces magnifiques monuments enrichis de fresques sont dans un état de conservation médiocre.
P. G.
➙ Byzantin (Empire) / Grèce / Latins du Levant (États) / Péloponnèse.
A. Struck, Mistra. Eine mittelalterliche Ruinenstadt (Vienne et Leipzig, 1910). / D. A. Zakythinos, le Despotat grec de Morée (Les Belles Lettres, 1935). / M. Hadzidakis, Mistra. Histoire et monuments (en grec, Athènes, 1948). / S. Dufrenne, les Programmes iconographiques des églises byzantines de Mistra (Klincksieck, 1970).