Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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mimétisme (suite)

Mimétisme mullérien

Quand le mimétisme existe à l’intérieur d’espèces non comestibles, comme cela existe chez les Papillons de l’Amérique du Sud : Danaïdés, Méchanitidés et Héliconidés, on ne peut attribuer au phénomène une signification défensive. Quel est donc, dans ce cas, le but poursuivi ? Ce mimétisme dénommé « mullérien » a, en 1879, reçu de Fritz Müller (1821-1897) une explication : comme on le sait, les Oiseaux apprennent, dans leur jeune âge, en sacrifiant un certain nombre de Papillons, à discerner ceux qui sont comestibles de ceux qui ne le sont pas. Ils gardent le souvenir des marques caractéristiques et n’attaquent plus par la suite les espèces reconnues par eux comme immangeables. Or, si plusieurs espèces ont les mêmes couleurs, l’Oiseau a moins d’essais à faire et le sacrifice se répartit au prorata des représentants. C’est une sorte d’assurance mutuelle dont le profit est considérable pour les espèces rares.


Mimétisme des espèces végétales

L’apparition de l’agriculture a provoqué, depuis le Néolithique, l’évolution d’un mimétisme végétal dit « reproductif » dont la principale victime est l’Homme. Un exemple est celui du Lin, Linum usitatissimum, que l’on trouve en compagnie du « faux Lin » Chamaelina sativa, lequel par mimétisme ne ressemble plus aux Camélines sauvages. Celles-ci sont des annuelles d’hiver ayant une germination en automne et une floraison au printemps, alors que le faux Lin, comme son modèle, germe au printemps et fleurit en été. Les deux plantes, modèle et mime, étant exactement semblables, sont récoltées en même temps, et les deux semences, indiscernables, sont mélangées. Les semailles suivantes perpétuent le bon Lin comme le faux, et c’est ainsi que le mimétisme devient reproductif sous une forme difficile à combattre.

Certaines plantes pratiquent par leurs fleurs un mimétisme olfactif pour attirer les Insectes qui transportent leur pollen. Ainsi, l’Arum, par sa senteur fétide, attire les Moucherons, mais, en échange du pollen transporté, l’Arum leur offre du nectar. Il y a là une sorte de « mimétisme symbiotique ». Par contre, aucune compensation n’est donnée par les Orchidées, qui simulent les femelles d’Hyménoptères avec lesquelles les mâles tentent de s’accoupler. Ce faisant, ils font adhérer les sacs polliniques à leur front ou à leur abdomen et les transmettent à d’autres fleurs. Ainsi, en Europe, Ophrys insectifera est pollinisée par la Guêpe fouisseuse, Gorytes mystaceus.

Mais la ressemblance avec une femelle donnée est parfois si grossière que d’autres mâles s’y laissent prendre : il y a là un mimétisme olfactif, l’odeur d’une femelle étant plus attirante que son aspect. Certaines plantes pratiquent un mimétisme tactile en se couvrant d’une pilosité évoquant celle d’une femelle donnée, ce qui attire le mâle.


Mimétisme myrmécomorphe ou myrmécomorphisme

Certains commensaux de Fourmis ressemblent étrangement à leurs hôtes. Ainsi le Staphylin Leptanillophilus est indiscernable à l’œil nu des Leptanilla, qu’il mime jusqu’à être aveugle comme eux. De même, au Cameroun, Mimanomma spectrus, qui vit avec la Fourmi aveugle et carnassière Anomma nigricans, lui ressemble tellement que Erich Wasmann (1859-1931) a dû faire l’examen des tarses et des pièces buccales pour reconnaître le Staphylin. Modèle et mime étant aveugles, il y a là mimétisme tactile. De nombreuses autres espèces d’Arthropodes, Insectes, Araignées, Cloportes vivent en association avec les Fourmis sans pratiquer un mimétisme olfactif ou gustatif. Il s’agit d’un mimétisme symbiotique, puisque mime et hôte y trouvent un avantage ; il est parfois qualifié de « mimétisme wasmannien ».


Mimétisme parasitaire

Par définition, c’est la ressemblance entre parasite et hôte. Ainsi, les Diptères Volucella ressemblent à des Hyménoptères : V. zonaria et inanis imitent des Guêpes ; V. bombylans, des Bourdons. Or, les deux premiers déposent leurs œufs dans le nid de certaines Vespa, et le troisième pond dans ceux des Bourdons. Comment expliquer ce mimétisme, puisque d’une part l’Hyménoptère ne peut être trompé par la Mouche, qui n’a pas la même odeur, et que, d’autre part, Volucella pellucens, qui pond aussi dans les nids des Guêpes, n’en a pas l’aspect ? Quoi qu’il en soit, l’Hyménoptère tire profit de la présence des larves des Volucelles, lesquelles, en se nourrissant des excréments et des cadavres laissés dans les nids, jouent le rôle de nettoyeuses.

Un problème est posé par la couleur mimétique des œufs de Coucous. Un certain nombre d’espèces de Coucous parasitent les nids des Passereaux en y déposant leurs œufs, qui sont de la couleur des œufs de leur hôte (les non-parasites pondent des œufs blancs). L’œuf parasite est couvé par l’hôte, qui de plus élève le poussin. Si les parents adoptifs sont d’une petite espèce, le poussin parasite expulse du nid les poussins légitimes afin de se garantir la nourriture ; on est alors en présence d’un mimétisme offensif ou agressif. Dans le cas où l’hôte appartient à une grande espèce, le parasite n’est qu’un individu de plus à nourrir (Coucous tropicaux). Le cas du Coucou-Geai est différent : chaque femelle déposant un œuf dans un nid fait disparaître un œuf de l’hôte, ce qui peut être une catastrophe pour ce dernier quand plusieurs femelles pondent dans son nid.

Les « Veuves », Passereaux viduinés de la famille des Plocéidés, pratiquent aussi un mimétisme de couvée ; elles sont parasites des Passereaux estrélidés (J. Nicolaï, 1964). Dans ce cas tous les œufs sont blancs (mime et hôte), et le poussin ne montre aucune agressivité envers les poussins légitimes, être nourri étant pour lui la seule chose importante.


Mimétisme des Serpents corail

Les Serpents corail de l’Amérique tropicale présentent des anneaux rouges, noirs, jaunes et blancs alternés. Cet aspect se retrouve chez des Couleuvres opistoglyphes agressives, dont la morsure est plus ou moins douloureuse, chez des Couleuvres non venimeuses, et chez Micrurus et les Najas, dont la morsure est fatale. L’alternance des bandes colorées étant souvent la même dans les espèces dangereuses ou non, où est le modèle ? A priori, il ne peut être le Serpent mortel, dont l’attaque ne laisserait aucun souvenir au prédateur, et, avec W. Wickler (1968), nous admettrons qu’il ne peut s’agir que des Serpents corail opistoglyphes, qui laissent un souvenir cruel aux prédateurs. Mais nous ignorons tout de ces prédateurs.