Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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mimétisme (suite)

Les faits d’homotypie étant innombrables, en particulier chez les Insectes, on peut les classer d’après les objets ou les parties de plantes imités : imitation des pierres (Orthoptères surtout, mais aussi Coléoptères Ténébrionidés et Curculionidés) ; imitation des écorces et des Lichens (surtout Papillons nocturnes adultes, certaines chenilles, Coléoptères cérambycidés, Orthoptères, etc.) ; imitation de branches ou de brindilles (Orthoptères phasmidés et chenilles des Géométridés) ; imitation de feuilles (Papillons « feuilles mortes » dont les célèbres Kallima de la région indo-malaise, Orthoptères phyllies et ptérochrozes) ; imitation des herbes sèches (chenilles de Noctuelles, Acridiens) ; imitation de fleurs (Mantes) ou de graines (œufs de Phasmidés).


Camouflage par déguisement

Les matériaux employés peuvent être d’autres animaux, des fragments de plantes ou des débris variés. Ce camouflage va des abris dans lesquels l’animal se réfugie et du simple revêtement de mousse ou de poussière jusqu’à d’extraordinaires déguisements (certains Crabes).


Colorations avertissantes

De nombreux Insectes, tel le Criquet puant, Zonocerus variegatus, doués d’une odeur ou d’un goût repoussant, possèdent des couleurs éclatantes, prévenant ainsi les prédateurs qu’ils sont inconsommables. Ces colorations sont dites « aposématiques ». Or, il arrive que des Insectes comestibles arborent les mêmes couleurs voyantes, afin de tromper les prédateurs éventuels. Ces couleurs faussement avertissantes sont dites « pseudo-aposématiques » et nous conduisent à la notion de mimétisme vrai.


Mimétisme au sens strict

Le mimétisme consiste en la ressemblance extérieure frappante entre deux espèces de groupes plus ou moins éloignés et obéissant aux règles de Wallace :
1. l’espèce mimante existe dans les mêmes régions que l’espèce mimée ;
2. l’espèce mimante est peu ou point défendue, alors que l’espèce mimée possède des moyens de défense qui éloignent la plupart des prédateurs ;
3. l’espèce mimante est beaucoup plus rare que l’espèce mimée ;
4. l’espèce mimante diffère du type normal de son groupe par des caractères extérieurs visibles, capables de produire l’illusion ;
5. la ressemblance est superficielle, entièrement indépendante des affinités réelles.

On pourrait d’ailleurs concevoir des ressemblances s’adressant à d’autres sens que celui de la vue, par exemple un mimétisme olfactif, c’est-à-dire l’acquisition par une espèce comestible de l’odeur à laquelle un prédateur reconnaît une espèce immangeable, mais l’Homme est si mal doué au point de vue de l’odorat qu’il ne peut s’en apercevoir. De même, on pourrait envisager un mimétisme auditif, puisqu’il paraît que le Hibou mimeur des prairies des États-Unis imite parfois le bruit caractéristique du Serpent à sonnettes et effraie ainsi les Chevaux et les Hommes. Un mimétisme tactile a été décrit chez de nombreux animaux vivant dans des nids de Fourmis.

Comme l’avait noté Wallace, la notion d’avantage obtenu est essentielle dans la définition du mimétisme. On ne taxera pas de mimétisme l’identité d’aspect d’un Glomeris (Myriapode diplopode) et d’un Armadillidium (Crustacé isopode), car ils ont exactement le même genre de vie ; c’est un cas de convergence dont ni l’un ni l’autre ne tire avantage. Par contre, il y a mimétisme entre le Papillon Aegeria apiformis et la Guêpe frelon : ailes enfumées, pattes et antennes brunes, abdomen et thorax marqués de zones jaunes alternant avec des bandes noires, vol bruyant au soleil de juin. Aegeria, animal inoffensif et peu fréquent, se trouve protégé par son aspect, puisque la Guêpe qu’il copie est redoutée tant des Hommes que des Insectivores.

Les phénomènes concernant le mimétisme s’observent surtout dans des espèces exotiques de Papillons diurnes. En Amazonie, il y a des Dismorphia (Papillons du groupe des Piérides, dont le nom générique indique l’aspect trompeur) qui ont les ailes oblongues, les brillantes couleurs et les marques caractéristiques des Héliconidés et des Méchanitidés, tandis que d’autres Dismorphia ont l’aspect et les teintes habituels des Piérides. Or, les Héliconidés et les Méchanitidés ont un goût et une odeur désagréables semblant éloigner les Insectivores, qui les reconnaissent à leurs couleurs vives. On peut donc admettre avec Bates et Wallace que les Piérides, peu nombreux, vivant mélangés aux essaims de ces Papillons, sont confondus avec eux et échappent ainsi à leurs ennemis.

Dans les régions tropicales du Vieux Monde et en Australie, ce sont les familles des Danaïdés et des Acraéidés qui sont mimées par des Papilionidés, des Nymphalidés et des Satyridés. Parfois, la femelle seule, polymorphe, copie diverses formes, sans doute parce que, toujours plus grosse que le mâle, elle se trouve plus en danger. Le mâle, moins précieux pour la survie de l’espèce, conserve les couleurs et la forme normales. C’est le cas du Nymphalidé Hypolimnas misippus (Indo-Malaisie, Australie, Afrique), dont seule la femelle copie Danais chrysippus et ses variétés locales.

Il peut y avoir mimétisme à l’intérieur d’un même genre, comme l’a observé Wallace en Malaisie dans le genre Papilio. Celui-ci se divise en trois sections. Dans l’une (Pharmacophagus), les chenilles se nourrissent de plantes vénéneuses du genre Aristolochia, et les Papillons, très abondants, passent pour non comestibles. Les chenilles des deux autres sections dévorent des plantes non toxiques, et leurs Papillons sont supposés comestibles. Or, il se trouve que les Pharmacophagus sont copiés de très près par les femelles de Papilio des autres sections ; ainsi, Pharmacophagus hector et aristolochiæ sont copiés assez exactement par les femelles de Papilio polytes.


Mimétisme batésien

Les cas de mimétisme entre espèces comestibles et non comestibles sont rangés sous le nom de « mimétisme batésien », du nom de Bates, qui fut le premier à les signaler en 1861. Le problème essentiel est de savoir si la ressemblance est utile parce que les espèces copiées sont peu ou pas pourchassées par les Insectivores, ou bien parce que les prédateurs, habitués à chasser à vue, confondent copie et modèle. En fait, les observations sont contradictoires. En réponse au premier point, on peut dire que la « non-comestibilité » est une qualité qui varie suivant le prédateur et l’appétit : c’est ainsi que la Rainette à qui l’on offre des Zygènes les avale puis les crache aussitôt en tirant la langue de dégoût, tandis que le Crapaud Bombinator les mange volontiers. Le Crapaud commun et de nombreux Oiseaux sont grands mangeurs d’Abeilles, tandis que d’autres Oiseaux n’y touchent pas. Quant au second point, il n’est pas prouvé que les Oiseaux soient trompés par ces ressemblances, qui ne sont pas absolues, tant du point de vue de la coloration que de celui du comportement (manière de voler). Il semble même que certains Oiseaux aient un extraordinaire pouvoir de discrimination ; ne dit-on pas que le Moineau guette les faux bourdons, qui ne piquent pas, mais laisse de côté les Abeilles ouvrières ?

Il semble certain en tout cas que la ressemblance mimétique n’a pas pu s’édifier par la sélection graduelle de petites variations successives déterminant une ressemblance de plus en plus précise, car, au départ, les prédateurs ne s’y seraient pas trompés.