Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Millet (Jean-François) (suite)

Des centaines de dessins au crayon noir, à la fois synthétiques et détaillés, exécutés dans son jardin, en forêt ou dans la plaine de Chailly-en-Bière, précèdent ses toiles, toujours brossées à l’atelier et parfois reprises à des années d’intervalle. Un souci d’établir la relation figures-paysage dans le même esprit que Poussin, son maître d’élection, culmine dans les Glaneuses (Louvre), dont tant de chromos ont édulcoré l’image bien que le Figaro de 1857 ait vu derrière elles « se préparer les émeutes et se profiler les échafauds de 1793 ». Une autre toile, l’Angelus (1859, Louvre), connut une immense popularité. Le réalisme est à son apogée dans l’Homme à la houe (1863, Hillsborough, Californie), la rigueur et le dépouillement dans la Herse (musée du Belvédère, Vienne).

À la fin de sa vie, l’attrait du paysage pur remplace celui de la figure humaine tandis que, par l’intermédiaire des pastels, les couleurs deviennent plus vives, côtoient l’impressionnisme* dans le Printemps (1873, Louvre). Tout le réalisme européen, de Mihály Munkácsy (1844-1900) à Jozef Israëls (1824-1911), a copié Millet. Les impressionnistes, surtout Pissarro, n’ont pas nié leur dette envers lui, et Van Gogh*, dont l’admiration sans mélange est appuyée par tant de copies du Semeur ou du Lieur de gerbes, écrivait : « Pour moi, ce n’est pas Manet mais Millet le peintre essentiellement moderne grâce à qui l’horizon s’est ouvert devant beaucoup. »

S. M.

 A. Sensier, la Vie et l’œuvre de J. F. Millet (Quantin, 1880). / E. Moreau-Nelaton, Millet raconté par lui-même (Laurens, 1923 ; 3 vol.). / L. Leppoittevin, J. F. Millet, sa vie, son œuvre, ses écrits (L. Laget, 1971-72 ; 2 vol. parus). / Millet (Musées nationaux, 1975).

Millikan (Robert Andrews)

Physicien américain (Morrison, Illinois, 1868 - San Marino, Californie, 1953).


De descendance écossaise, Millikan est fils de pasteur. Après des études secondaires dans un collège, il va s’initier aux sciences à l’université Columbia, puis va fréquenter les universités de Berlin et de Göttingen. De son mariage, en 1902, il aura trois fils, qui feront tous leur carrière dans l’université.

En 1896, il est nommé professeur à l’université de Chicago, où il va effectuer la plupart de ses travaux. Il participe à l’organisation du Conseil national de la recherche en 1916 et, son pays entrant dans le conflit mondial, il dirige l’effort de guerre de nombreux savants et ingénieurs. En 1921, il devient président de l’Institut de technologie de Californie à Pasadena, auquel il donnera, jusqu’à son départ en 1946, un très grand essor.

La contribution personnelle de Millikan à la recherche est d’une grande importance. Il débute par une étude de la radio-activité des minerais d’uranium et par des travaux sur les décharges électriques dans les gaz raréfiés. Peu de temps après, ayant eu connaissance de la théorie d’Einstein* sur l’émission photo-électrique, il entreprend une série d’expériences de vérification. Revenant à ce sujet, en 1916, il utilise des champs électriques intenses pour arracher des électrons aux atomes métalliques et procède à une détermination de la constante de Planck en mesurant la fréquence de la lumière et l’énergie des électrons libérés. Il effectue également des recherches sur l’ultraviolet extrême, domaine encore inexploré.

Mais son expérience la plus connue, qui date de 1911, est celle de la « goutte équilibrée », qui lui permet la première mesure directe de la charge de l’électron, et qui constitue l’une des plus célèbres de toute la physique. Elle lui vaudra de partager avec Jean Perrin le prix Nobel de physique pour 1923.

La dernière activité de Millikan est consacrée aux rayons cosmiques, dont il contribue à éclaircir le mystère. Il entreprend des expériences depuis une profondeur de 20 m sous l’eau jusqu’à une altitude de 16 000 m et organise des expéditions scientifiques en Australie et dans l’Inde. Il vérifie ainsi l’augmentation de l’intensité de ce rayonnement avec l’altitude.

R. T.

Milton (John)

Poète anglais (Londres 1608 - id. 1674).



« Être l’oracle de nombreuses nations, voir sa maison considérée comme une sorte de temple, être un homme que les rois et les États invitent à venir à eux...
Telles sont les récompenses de l’étude... »

Voilà ce que proclame à l’aube de ses vingt ans John Milton, grisé d’illusions, assoiffé de toujours plus de savoir. Le monde semble alors s’ouvrir brillant et l’avenir facile sous les pas de celui qui réalise l’équilibre unique pour l’époque des tendances de l’héritier de la Renaissance et du puritain convaincu. Mais en ce temps où s’achève à peine son adolescence s’annonce déjà l’un des grands drames de l’histoire de l’Angleterre. Le sien aussi. En deux actes — Commonwealth et Restauration — et quatre tableaux — Charles Ier, Cromwell, Charles II, Jacques II —, dont il ne verra pas la fin. D’une aventure pleine de rebondissements où A. Cowley, E. Waller ou J. Dryden par exemple vont ternir leur image de marque, la réputation de Milton sort intacte. Et si sa sensibilité s’y meurtrit, aucune preuve ne saurait briser son inflexible volonté. Cette trempe de caractère, il la doit au notaire à l’enseigne de « l’Aigle déployé » de Cheapside, son père, préférant perdre sa part d’héritage familial plutôt que de renoncer à se convertir à l’anglicanisme. Un père qui transmet aussi son amour des arts et de la musique à son fils tour à tour élève à l’école Saint Paul (v. 1620), puis inscrit au Christ’s College de Cambridge (1625-1632), écrivant à dix-sept ans la charmante élégie « On the Death of a Fair Infant » sur la mort de la fille de sa sœur Anne, joueur d’orgue, ami d’éminents musiciens et dont l’œuvre résonne des harmonies des sphères et des anges. À son culte de la chose écrite qui lui fait dire dans Areopagitica (1644) : « Celui qui anéantit un livre tue la raison elle-même, tue l’image de Dieu... », il joint un goût profond de l’érudition qu’on retrouve aussi bien dans History of Britain (1670) que dans son traité en latin, Of Christian Doctrine (v. 1658-1660 ; trad. 1825, Charles Sumner). L’amour de l’étude le pousse encore, vers 1641, à s’adonner à la pédagogie sur quelques jeunes gens — dont ses neveux, Edward et John Philipps, ses futurs secrétaires, exécuteurs littéraires et biographes — et dans ce domaine, objet du traité Of Education (1644), il établit un programme écrasant pour le commun des cerveaux juvéniles, lui qui critiquait déjà celui de Cambridge, pas assez étendu à ses yeux.