Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Appalaches (suite)

La bande centrale des crêtes et vallées se distingue par des formes caractéristiques. On y reconnaît d’abord des alignements de roches plus dures (grès principalement), mis en relief par l’érosion des matériaux moins résistants. Ces crêtes, calquées sur la structure plissée, sont aussi bien anticlinales que monoclinales, ou même synclinales. Elles sont généralement étroites, de quelques centaines de mètres le plus souvent, et d’autant mieux marquées dans le paysage qu’elles demeurent boisées entre les vallées cultivées. Rectilignes, elles peuvent parfois aussi s’incurver, se diviser, zigzaguer, former des boucles, être répétées par failles ou décalées par décrochements. Les rivières franchissent ce dédale de crêtes par une série de cluses (water gaps), et se faufilent d’une vallée à l’autre ; l’activité érosive inégale entraîne des captures, signalées par des cluses mortes (wind gaps). Ces cluses ont joué un rôle important dans l’histoire du peuplement à l’ouest des Appalaches et au cours de la guerre de Sécession.

Parmi les vallées également, certaines ont une importance particulière en ce qui concerne la mise en valeur agricole ou les communications, par exemple la Grande Vallée (localement appelée vallée de Shenandoah et Lehigh Valley) et la vallée supérieure du Tennessee. Ces crêtes, cluses et vallées définissent le relief appalachien typique, terme générique appliqué aux régions plissées présentant une topographie analogue.

Le bloc oriental du Blue Ridge, élevé et continu au sud, s’abaisse et se morcèle vers le nord, ouvrant l’intérieur des Appalaches sur la plaine atlantique. Au contraire, la région des crêtes et vallées est fermée vers l’ouest par le front Alleghany, haut parfois de 300 à 350 m, très raide, presque continu. Ce fut de tout temps l’obstacle majeur sur la route du bassin de l’Ohio.

Au début de la marche vers l’Ouest, faute de pouvoir contourner les Appalaches par suite de l’hostilité des Indiens, on dut se résoudre à les franchir. Deux voies eurent la faveur des pionniers, la grande vallée du Tennessee supérieur, aboutissant à la cluse de Cumberland, point de départ de la Wilderness Road, d’une part, le cours supérieur de la Juniata et un portage pour franchir le front Alleghany et atteindre le point de convergence hydrographique, site de Pittsburgh, d’autre part. Très rapidement, le développement de l’Ohio, de l’Indiana et de l’Illinois fit abandonner la première voie au profit de la seconde. La Pennsylvanie fut ainsi le lieu de passage de milliers d’immigrants de toutes nationalités ; quelques-uns se fixèrent dans les vallées appalachiennes, là où l’effacement du Blue Ridge assure des relations aisées avec les grands ports atlantiques ; à la faveur de ces conditions, une agriculture moderne et dynamique s’établit dans ces vallées des Appalaches septentrionales, spécialement chez les Allemands de Pennsylvanie. Au contraire, les Appalaches du Sud, lorsque prit fin le flux vivifiant des immigrants qui en faisait une voie de passage, devinrent le refuge de petits colons refoulés du Piedmont des Carolines par le développement de la grande propriété esclavagiste : la vallée supérieure du Tennessee et le plateau élevé et disséqué de Cumberland en accueillirent un grand nombre. Un esprit conservateur, voire rétrograde, se maintint dans ces districts : à la veille de la Seconde Guerre mondiale, on y parlait et pensait comme dans certains comtés d’Angleterre et d’Écosse au début du xviie s. Les mauvaises techniques agricoles provoquaient une érosion des sols, aggravée par la mise en culture de pentes excessives pour faire face au surpeuplement résultant d’un taux de natalité très élevé. Les hillbillies du plateau de Cumberland représentent encore – quoiqu’ils soient en voie de disparition par émigration ou changement d’activité – l’îlot humain le plus pauvre, le plus ignorant, le plus arriéré des États-Unis. C’est aussi le cas des paysans de Virginie-Occidentale, descendants de petits colons chassés vers les vallées intérieures et les plateaux de l’Ouest par les planteurs virginiens (la Virginie-Occidentale se détacha d’ailleurs de la Virginie à l’occasion de la guerre de Sécession).

Les Appalaches possèdent des richesses minérales qui ont favorisé le développement de régions industrielles, tant à l’extrémité sud (Alabama*) qu’à l’extrémité nord (Pennsylvanie*), régions industrielles de type traditionnel fondées sur le charbon et le minerai de fer. Le fer est pratiquement épuisé, sauf dans le petit bassin de Birmingham. La production de pétrole et de gaz naturel reste stationnaire à un niveau modeste. Mais les Appalaches occupent encore la première place pour la production houillère, fournissant les trois quarts des 500 Mt extraites aux États-Unis. Le métamorphisme de l’orogenèse appalachienne a donné naissance au bassin d’anthracite de la moyenne Susquehanna ; très tôt exploité, ce gisement a perdu ses débouchés par suite de la concurrence des nouveaux combustibles et des charbons à coke. Le chômage (jusqu’à 15 p. 100 de la population active dans certains comtés) et l’émigration sévissent dans ce bassin et les secteurs industriels voisins qui lui étaient associés. En revanche, les charbons bitumineux des sédiments pennsylvaniens, qui affleurent sur les versants des vallées tributaires de l’Ohio et encaissées dans les plateaux appalachiens, bénéficient de conditions d’exploitation favorables : abattage dans des galeries ouvertes à flanc de coteau, éventuellement extraction à ciel ouvert par décapage des morts-terrains, veines épaisses et continues, facilités d’évacuation (voies d’eau et voies ferrées dans le fond de la vallée), chargement automatique et continu grâce à une extraction très mécanisée. Ici, c’est moins la situation du marché que cette mécanisation qui a entraîné une diminution considérable de l’emploi. Les rendements par ouvrier sont très élevés. En outre, la production a été réduite dans certains secteurs (sud-ouest de la Pennsylvanie) et augmentée dans d’autres (Virginie-Occidentale).