Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Michelet (Jules) (suite)

La « vie même du monde » gouvernée par l’amour, telle fut précisément la pensée généreuse que Michelet détailla dans l’Oiseau (1856), l’Insecte (1857), la Mer (1861) et la Montagne (1868). Elle ne lui était pas venue d’un coup. Le Peuple n’exaltait-il pas déjà la « tradition de la fraternité universelle », fondée par le Rāmāyana et le Mahābhārata ? Quand le « théologien-peuple », nouveau François d’Assise, se fit l’apôtre des animaux, Taine observa justement, après avoir lu l’Oiseau : « L’auteur ne sort pas de sa carrière ; il élargit sa carrière. Il avait plaidé pour les petits, pour les simples, pour les enfants, pour le peuple. Il plaide pour les bêtes et les oiseaux. » Mais la plaidoirie de Michelet ne relevait pas de la seule éloquence. Celui-ci s’appuya en effet sur l’enseignement de Darwin et de Geoffroy Saint-Hilaire pour rapprocher les unes des autres, au nom du transformisme, toutes les créatures. Il réduisit leur infinie diversité à l’unité en adoptant l’« hypothèse de la métamorphose ». Celle-ci lui permit de soutenir que, dans l’ordre de la vie, il n’y avait « rien de grand et rien de petit » et qu’« un simple cheveu » pouvait valoir « autant, souvent plus qu’un monde ».

Michelet étendit au monde physique l’application d’une hypothèse qui, bien qu’elle lui donnât quelquefois le vertige, ne cessait de le fasciner. Il vit dans la mer le lieu privilégié des « transitions de l’universelle métamorphose », où une vie de plus en plus centralisée s’était affirmée, des amibes aux mollusques, des mollusques aux poissons, des poissons aux mammifères, sans rupture ni conflit. Il crut contempler dans le spectacle des Alpes suisses, reconstitué à l’intention des lecteurs de la Montagne, « la solidarité de la vie, la circulation de la nature, la bienveillance de ses éléments ». Il oublia, en prenant, à Acqui Terme, des bains de boue, la guerre qu’il avait déclarée à la nature dans l’Introduction à l’histoire universelle. Il adora la « nymphe universelle, la force d’amour qui semble vouloir toujours monter à nous, du fond de l’existence, nous bénir et nous ranimer ». La « gravitation vers l’unité » qu’il percevait partout lui inspira le dernier mot de sa « philosophie religieuse » : « Je ne puis me passer de Dieu » (la Femme).

Michelet, cependant, demeurait trop attentif aux luttes dans lesquelles la destinée des peuples s’accomplit pour succomber à la tentation d’une mystique plus ou moins quiétiste. En 1870, lorsque l’Allemagne, patrie des rêves de sa jeunesse, déchaîna les mauvais démons qu’elle avait couvés en son sein, son sang ne fit qu’un tour. La France devant l’Europe (1871) dénonça dans le militarisme de Bismarck une perversion du sentiment national, la folie d’une « unité sauvage, violente, indignement forcée ». La défaite de Sedan, la guerre civile de la Commune rappelèrent brutalement l’historien à ses devoirs. Il voulut comprendre les temps nouveaux qui s’annonçaient, si contraires à ses espérances. Il réussit à rédiger, malgré le rapide déclin de ses forces, trois tomes de l’Histoire du xixe siècle (1872-1875). C’était une suite assombrie de l’Histoire de la Révolution française, le tableau d’un siècle qui, depuis peu, « regardait vers la fatalité », après avoir cru en la liberté. Le vieux lutteur mourut réconcilié avec la nature, avec la vie, avec Dieu, mais tourmenté, jusqu’à son dernier souffle, par les tragédies de l’histoire.

P. V.

 G. Monod, la Vie et la pensée de J. Michelet (Champion, 1923). / J. Guéhenno, l’Évangile éternel. Étude sur Michelet (Grasset, 1928). / R. Barthes, Michelet par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1954). / J. Cornuz, Jules Michelet. Un aspect du sentiment religieux au xixe siècle (Genève, Droz, 1955). / P. Viallaneix, la « Voie royale ». Essai sur l’idée de peuple dans l’œuvre de Michelet (Flammarion, 1959 ; nouv. éd., 1971). / Catalogue de l’exposition Michelet (Archives de France, 1962). / Michelet (l’Arc, Aix-en-Provence, 1973). / P. Viallaneix (sous la dir. de), Michelet, cent ans après (P. U. G., Grenoble, 1975).

Michigan

État des États-Unis, dans la région des Grands Lacs ; 150 780 km2 ; 8 875 000 hab. Capit. Lansing.


Le Michigan est coupé en deux parties : la Lower Peninsula, comprise entre le lac Huron et le lac Michigan, et l’Upper Peninsula, entre celui-ci et le lac Supérieur. L’ouest de cette dernière péninsule appartient au bouclier canadien, mais le reste de l’État occupe un bassin sédimentaire qui présente un relief de cuestas (dont une section de la cuesta du Niagara) et de dépressions monoclinales (la plus importante, ennoyée, forme le détroit de Mackinac, qui sépare les deux péninsules). Ce relief est partiellement masqué par des moraines.

Le climat, continental, comporte des hivers rigoureux (minimum moyen de janvier : – 5 °C au sud, – 15 °C au nord ; 4 mois de gelée au sud et 6 au nord), des étés encore chauds au sud (23,6 °C en juillet), mais frais au nord (18 °C en juillet), des précipitations de l’ordre de 750 mm. Dans le Nord, la forêt primitive de sapin, d’épicéa et de pin blanc a été totalement détruite par surexploitation entre 1860 et 1900 ; la forêt secondaire actuelle comprend des chênes, des bouleaux et des érables. La forêt caducifoliée (hêtres, érables) de la partie sud a été largement défrichée. Les dépôts glaciaires, récents, donnent des sols médiocres, surtout dans le Nord (climat plus froid, ancienne couverture de conifères).

Le Sud a été colonisé au début du xixe s., mais le Nord n’a été mis en valeur qu’après 1860 (exploitation forestière, mines de fer).

Le sud du Michigan appartient à la région de transition entre Corn Belt et Dairy Belt : le foin occupe autant de place que le maïs ; on élève vaches laitières, porcs et volailles ; les haricots (premier rang aux États-Unis) et le soja sont des cultures importantes. La proximité des grands marchés urbains et le rôle climatique du lac Michigan ont favorisé la constitution de vergers de pommiers et de cerisiers sur la rive est de celui-ci. L’agriculture du Nord reste pauvre pour des raisons historiques (activité subordonnée à l’exploitation forestière au xixe s.) et climatiques (été frais et court) ; le développement du tourisme dans cette région compense en partie cette situation. L’exode rural sévit dans le Nord comme dans le Sud, ce qui a permis l’agrandissement des exploitations subsistantes. Les revenus de l’agriculture (ventes et subventions) totalisent 937 millions de dollars.