Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aoste (val d’) (suite)

Cependant, la permanence de la souveraineté exercée par la maison de Savoie n’exclut pas la fixation d’un certain particularisme lié à la francophonie : mais les libertés locales (Conseil des commis, Assemblée des trois états) accordées au Moyen Âge et au xvie s. sont remises en cause, au xviiie s., par les princes de Savoie devenus rois de Sardaigne. En 1848, le « Statut fondamental » promulgué par Charles-Albert détruit les derniers vestiges du « régime valdotain ». Mais, dans ce « pays bloqué », le particularisme — caractérisé surtout par l’emploi du français — se maintient, en grande partie grâce au clergé ; encore que la masse de la population reste attachée à la couronne sarde.

Quand le royaume d’Italie est créé (1861), le val d’Aoste, qui occupait une position centrale à l’intérieur de l’État sarde, devient une sorte de marche frontière qui se ferme à l’influence savoyarde et s’ouvre à la pénétration piémontaise et italienne.

Dans l’ensemble, le xixe et le début du xxe s. sont, pour le val d’Aoste, une époque de crise et de misère, le libre-échange ruinant la petite industrie : l’émigration s’intensifie, vers la Suisse et surtout vers la France et Paris où, en 1913, paraît l’Écho de la vallée d’Aoste. Par ailleurs, la maison de Savoie et plus encore Mussolini (1922-1943) contrecarrent l’idéal d’autonomie que nourrissent les Valdotains, et s’efforcent d’italianiser une région qui reste fidèle à la langue française. Au temps du fascisme, l’abbé Joseph Trèves, fondateur de l’association « la Jeune Vallée d’Aoste », et Émile Chanoux sont les chefs de file du mouvement autonomiste.

Chanoux et Federico Chabod jouent un rôle capital dans la résistance aux fascistes et aux Allemands (1943-1944). Après la mort héroïque de Chanoux (mai 1944) et la Libération (1945), un fort courant annexionniste (annexion à la France) parcourt le val d’Aoste. Mais les Alliés s’y montrent hostiles : les troupes françaises sont rapidement remplacées par des Anglo-Saxons ; quant au gouvernement italien, pour qui la conservation du val d’Aoste est capitale, il lui octroie, dès le 7 septembre 1945, un régime d’autonomie provisoire. Plusieurs décrets-lois (1945-1947) complètent et précisent la portée de ce statut. En 1946, le nombre des communes est porté de 45 à 73, et leur dénomination, italianisée par Mussolini, redevient française.

Le 26 février 1948, une loi constitutionnelle définit le statut de la région autonome de la vallée d’Aoste. Depuis lors, le val connaît une évidente prospérité économique, mais aussi une italianisation en profondeur, due en partie à l’industrialisation. En 1970, on compte environ 40 p. 100 d’allogènes (Italiens immigrés) : or la capacité d’assimilation des Valdotains est réduite ; les mariages mixtes se multiplient, la langue française rétrograde, d’autant que l’italien est, en fait, la langue exclusive de l’enseignement, et que le français a évolué trop longtemps en vase clos.

Cette autonomie insuffisante suscite des remous dans les partis politiques : en 1966, une crise éclate, que l’État italien arbitre. Dans l’ensemble, les partis régionaux (Union valdotaine, Ligue valdotaine, Union démocratique valdotaine) ont moins de prise sur l’opinion que les partis nationaux (en tête, le parti communiste et la Démocratie chrétienne).

Le statut constitutionnel de la vallée d’Aoste, région autonome (1948)

La compétence législative appartient au Conseil de la vallée, formé de trente-cinq membres élus, pour quatre ans, au suffrage universel direct ; ce Conseil, qui fait figure de Parlement régional, élit en son sein son président, son bureau et ses commissions ; il se réunit en session ordinaire deux fois par an et en session extraordinaire à la requête du président de la Junte régionale ou d’un tiers au moins des conseillers.

La Junte, composée de sept assesseurs, est l’organe exécutif de la région ; elle est élue par le Conseil de la vallée. Son président, élu également, est le chef de l’administration régionale et le représentant de la région, et en même temps celui de l’État dans la région. C’est lui qui promulgue les lois et les règlements régionaux ; il intervient au Conseil des ministres italien lorsque sont débattues des questions intéressant la région.

L’activité législative et administrative de la région est soumise à un double contrôle de légalité et d’opportunité de la part de la Commission de coordination, qui représente le ministre de l’Intérieur.

P. P.

 G. Héraud, l’Autonomie de la vallée d’Aoste dans la politique et le droit contemporains des minorités nationales (Sirey, 1948). / P. A. Farinet, Notice historique sur le droit dans le pays d’Aoste (Aoste, 1956). / E. Aubert, la Vallée d’Aoste (Aoste, 1958). / Abbé Henry, Histoire populaire, religieuse et civile de la vallée d’Aoste (Aoste, 1959 ; 2 vol.). / D. Gribaudi, Piemonte e Val d’Aosta (Turin, 1961). / C. Passerin d’Entrèves, Setto Secoli di storia valdostana (Turin, 1961). / R. Cuaz, Histoire des Valdotains, des origines à 1416 (les Presses du temps présent, 1962). / A. P. Frutaz, le Fonti per la storia della valle d’Aosta (Rome, 1966). / B. Janin, Une région alpine originale : le val d’Aoste (chez l’auteur, Grenoble, 1968). / M. Lengereau, la Vallée d’Aoste (Éd. des Cahiers de l’Alpe, La Tronche, 1968).

Apennin (l’) ou Apennins (les)

En ital. Appennino ou Appennini.


Ensemble de massifs montagneux constituant l’ossature de la péninsule italienne. L’Apennin forme un grand arc, à la convexité tournée vers l’est, allongé sur 1 500 km, depuis le col de Cadibone (Ligurie) jusqu’à l’extrémité méridionale du pays, avec une largeur de 40 à 200 km. Bien que prolongeant les Alpes, il en est très différent par ses aspects comme par sa structure et sa mise en valeur. De plus, il ne forme pas une unité simple; c’est au contraire un assemblage d’éléments très divers.

L’Apennin présente une assez grande variété de paysages. Les facteurs d’unité existent cependant. Le climat méditerranéen, avec ses étés chauds et secs, sa belle luminosité, s’étend sur toute la chaîne. Mais l’influence de l’altitude en atténue les traits. La moyenne des températures s’abaisse dans la montagne, tandis que les précipitations augmentent. Les montagnes apennines sont bien arrosées, surtout sur le versant tyrrhénien. Au-dessus de 1 500 m, le manteau neigeux persiste tout l’hiver. La végétation est étagée. Jusqu’à 400-500 m au nord, 600-700 m au sud, elle est de type méditerranéen. Plus haut, la forêt prend place jusqu’à 1 800 m. C’est une forêt de pins, de chênes, de châtaigniers passant ensuite à des hêtres.