Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mésopotamie (suite)

À la fin de la période qui s’achève ainsi, la grande ville du bas Euphrate est devenue le centre culturel de la Mésopotamie. C’est d’elle que rayonne maintenant le mouvement intellectuel né en Sumer, à la fin de la dynastie d’Our, au moment où l’on avait cessé de parler le sumérien. Les scribes avaient alors entrepris de mettre par écrit, pour la conserver, la tradition religieuse, scientifique et littéraire élaborée au cours des âges précédents dans le Bas Pays, et qui était restée presque entièrement orale. À partir du xviiie s., ils traduisent ces textes en akkadien, puis ils les adaptent au goût nouveau ou les complètent à l’aide des découvertes récentes. C’est l’époque où se développent les techniques divinatoires* et en particulier l’astrologie* et les autres sciences (mathématiques, médecine).


La rivalité des grands royaumes : Mitanni, Babylonie, Assyrie (xvie-xiie s.) le premier Empire assyrien

Les envahisseurs venus du Zagros à la fin de la période précédente se fixent en Mésopotamie, les Aryens et le groupe hourrite qui leur est lié dans le Nord, les Kassites dans le Sud, et ils fondent ainsi deux États.

Le Mitanni*, qui reste très mal connu, est le premier à sortir de l’obscurité. C’est un empire à l’ancienne mode, où le roi d’un État plus puissant, le Mitanni, qui devait se trouver dans le bassin du Khābūr, impose sa prédominance aux rois plus faibles dans une vaste étendue, du Zagros à l’Oronte, de l’Araxe au moyen Euphrate. Si elle ne correspond à une unité géographique, cette domination s’appuie sans doute sur l’appartenance de la plupart des rois qui y sont regroupés aux aristocraties aryenne et hourrite. Le Mitanni s’est développé probablement dès le xvie s., à la faveur des migrations et de la disparition ou du recul des États plus anciens, et c’est au début du xve s. la principale puissance de l’Orient. Trop composite, il s’écroule lorsque ses voisins s’entendent contre lui : les Hittites, qui lui enlèvent son domaine syrien, et les Assyriens, qui annexent ses dépendances du bassin du Tigre moyen, se disputent après 1360 la protection de ce qui reste de l’Empire mitannien, un État tampon dans l’ouest de la haute Mésopotamie, qui finit, vers 1270, détruit et annexé par les Assyriens.

Le Karandouniash a été fondé à Babylone (peut-être à la disparition de la dynastie amorrite) par des Kassites*. Ce peuple du Zagros avait tenté d’envahir le pays des Deux Fleuves en 1741 et, battu par le fils d’Hammourabi, il avait, semble-t-il, fondé un royaume quelque part en Mésopotamie. Après leur installation à Babylone, les Kassites réunifient le Bas Pays — on pourra, désormais, dire la Babylonie — en détruisant la dynastie du pays de la Mer (v. 1530). On ne connaît aucun texte ni monument des rois kassites avant le xive s., ce qui indique une économie affaiblie et probablement une monarchie sans grand pouvoir. C’est d’ailleurs avec ce caractère qu’elle se manifeste ensuite : les rois kassites concèdent de grands domaines immunitaires à leurs officiers et accordent le même privilège aux cités ; on comprend alors qu’aucune d’elles ne conteste plus la suprématie de Babylone ni ne tente de sécession. Les Kassites, aristocratie militaire issue d’un peuple peu évolué, abandonnent assez vite leur culture propre, et le monde babylonien, dès le retour à la prospérité économique, reprend son activité intellectuelle. Du xive au xie s., les scribes constituent les collections, désormais canoniques, de textes rituels, divinatoires ou se rapportant aux autres sciences du temps et donnent également une forme définitive aux œuvres littéraires.

La cité-État d’Assour était entrée dans l’obscurité dès la mort de Shamshi-Adad Ier (v. 1783). Morcelée entre des dynasties rivales, elle avait dû subir des dominations étrangères. Assour venait à peine de se libérer de l’emprise du roi mitannien quand Assour-ouballith Ier (1366-1330) entreprend d’exploiter la crise dynastique du Mitanni et, retournant la situation, devient le protecteur du nouveau roi mitannien. Assour-ouballith, qui a pris le titre de roi pour les territoires étrangers au domaine de la cité d’Assour qu’il a conquis, et ses premiers successeurs dépassent le cadre de la cité-État originelle et créent ce que les modernes appellent l’Assyrie, un royaume centralisé comme celui d’Hammourabi, bientôt un empire comprenant, outre Assour, les villes du « triangle assyrien » (entre le Tigre et le Zāb supérieur), dont la plus importante est Ninive*, puis tout le bassin du Tigre moyen et, au xiiie s., ce qui reste du Mitanni. Les Hourrites, qui formaient une part importante de la population des pays conquis, se laissent sémitiser. Cette expansion s’accompagne de cruautés ostentatoires et de déportations inspirées par le nationalisme et destinées à détruire toute volonté de résistance. Ces succès ne diminuent guère l’instabilité politique à Assour : la royauté est sacrée, mais non la personne du roi, qui doit déjouer les intrigues de ses parents, des prêtres, qui désignent le nouveau souverain, et de l’aristocratie guerrière, qui monopolise les offices auliques et les gouvernements provinciaux, et dont la guerre accroît la richesse et la puissance.

Dans la seconde moitié du xive s., alors que la Mésopotamie ne compte plus que deux grands États, s’amorce le vain conflit qui va affaiblir ces royaumes. Pour des raisons de prestige, pour imposer chacun sa prédominance à l’autre, les rois de Babylone et d’Assour se lancent dans une série de guerres décousues auxquelles participe bientôt l’Élam, à peine libéré de la tutelle babylonienne et qui, pour des raisons géographiques, réserve ses coups au Bas Pays. Même le triomphe de l’Assyrien Toukoulti-Ninourta Ier (1246-1209), qui a capturé le souverain kassite et s’est proclamé roi de Babylone, n’a pas de lendemain. De même, après que les raids successifs des Assyriens et des Élamites ont mis fin à la dynastie kassite (1153), la Babylonie se relève sous une dynastie à noms sémitiques, et une victoire de son roi Naboukoudour-outsour Ier (appelé par les modernes Nabuchodonosor Ier) provoque la fin du grand royaume d’Élam (v. 1120).

Ces conflits n’entravent ni le commerce ni les échanges culturels. La Babylonie exerce une influence puissante sur tout l’Orient, et surtout sur son voisin du Nord. Les Assyriens, qui montrent une certaine originalité dans l’élaboration de leur premier art, sont par contre les admirateurs et les fidèles disciples des scribes babyloniens et les adorateurs fervents des divinités du Sud.