Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mésopotamie (suite)

En dehors de l’édification des temples et du creusement des canaux, le roi de la cité s’occupe de faire la guerre à ses voisins et essaye d’imposer à quelques-uns d’entre eux sa prédominance. Ces dominations éphémères et géographiquement limitées sont exercées à partir de villes de basse Mésopotamie (par des rois à noms sumériens ou sémitiques), de l’Euphrate moyen (la sémitique Mari) ou d’Élam. En effet, si les Élamites ont leur civilisation et leur organisation politique propres, ils ne cessent, durant toute leur histoire, d’avoir des rapports culturels et économiques avec le Bas Pays et d’être en conflit avec ses cités.

Pendant un certain temps, les guerres n’empêchent pas le progrès de la civilisation. C’est ce que montrent les trésors artistiques (v. 2500) trouvés à Our dans des tombes mystérieuses (pour des rois terrestres, des substituts de dieux ou de vicaires ?), véritables monuments (fait rare dans le monde mésopotamien, où l’on n’attend rien d’un au-delà désolant) qui renferment des foules de serviteurs et surtout de servantes.

Puis au xxive s. vient le temps des destructions sauvages et du premier Empire mésopotamien.


Les progrès des Sémites et l’empire d’Akkad (v. 2350-2225)

Parti d’Oumma (cité voisine de Lagash), le Sumérien Lougal-zaggesi impose sa domination brutale (v. 2350) du golfe Persique à la Méditerranée. Puis il est renversé par le Sémite Sargon (v. 2325), qui a fondé dans le nord de la basse Mésopotamie une cité-État, Akkad*, dont l’emplacement n’a pas encore été retrouvé. Son triomphe est aussi celui de son peuple, le dernier groupe sémitique sorti du désert. Ce peuple s’est installé pour sa plus grande part dans le pays d’Akkad, le terme d’Akkad s’opposant désormais à celui de Sumer, par lequel on désigne le reste de la basse Mésopotamie, c’est-à-dire l’extrême Sud. Sous la dynastie d’Akkad, on constate un antagonisme entre ces Sémites d’Akkad et les citadins de Sumer (Sémites et Sumériens mêlés depuis longtemps), fiers de l’ancienneté de leur civilisation. Sargon se constitue un domaine encore plus vaste que celui de son prédécesseur, guerroyant dans les régions périphériques et étendant son contrôle sur une bonne partie des étapes et des voies du commerce de l’Asie occidentale. Et, si son empire va fournir l’exemple à suivre pour tous ceux qui essaieront d’unifier le pays des Deux Fleuves, c’est qu’à la différence des rois du Dynastique archaïque, vainqueurs de leurs voisins, et sans doute aussi de Lougal-zaggesi, il a pratiqué une véritable politique impériale. Les rois d’Akkad, qui ont laissé souvent les vicaires vaincus à la tête de leurs villes, les font surveiller par des officiers de la cour akkadienne et colonisent les terres des vieilles villes en y constituant soit des établissements pour des groupes de leurs soldats, soit des grands domaines pour leurs principaux serviteurs. Et, pour mieux asseoir l’idée d’une domination supérieure à celle des rois de l’époque précédente, ils donnent un caractère divin à leur pouvoir : on les appelle dieux et on les représente avec la tiare à cornes (symbole de puissance jusque-là réservé à la divinité).

Le bouleversement politique s’accompagne d’une multiplication des grands domaines privés au détriment des communautés et des familles vivant dans l’indivision. Le commerce et l’artisanat profitent des facilités que l’unification politique apporte à la circulation. Disposant de ressources plus étendues que les chefs des cités-États, les rois d’Akkad peuvent susciter le progrès artistique : sans rompre avec la tradition, la sculpture et la glyptique produisent des chefs-d’œuvre (stèle de Narâm-Sin, tête de Ninive, sceau de Shar-kalî-sharri). La substitution partielle de l’akkadien (parler sémitique employé au pays d’Akkad) au sumérien comme langue écrite est à l’origine d’importants progrès culturels. Les scribes du temps ne se contentent pas de lire en akkadien les idéogrammes d’origine sumérienne, comme on avait pu le faire jusque-là ; transcrivant leur langue sémitique, où les mots sont généralement polysyllabiques (à la différence du sumérien, où prédominent les monosyllabes), ils sont amenés à étendre l’usage des signes phonétiques, qui rend l’écriture moins difficile. Les cunéiformes se répandent alors dans les pays soumis par Sargon ou chez ses adversaires : ils transcrivent de l’élamite, du hourrite (en haute Mésopotamie) et surtout de l’akkadien. En haute Mésopotamie, l’écriture, rare jusque-là, apparaît à Ga-sour (Nouzi au IIe millénaire, près de Kirkūk), à l’est du Tigre moyen, à Ninive, à Assour, au tell Brak, à Chagar Bazar (dans le bassin supérieur du Khābūr) et dans les cités saintes du peuple hourrite, et elle contribue à restaurer l’unité culturelle de la Mésopotamie, qui avait disparu au Prédynastique final. Le nord de la Mésopotamie, qui porte alors le nom de Soubarou, commence à sortir de l’obscurité. Il est peuplé, pour une bonne part, de Sémites apparentés à ceux du pays d’Akkad et qui reconnaissent assez facilement la prédominance de la dynastie de Sargon : c’est le cas de ceux d’Assour, fondée au xxvie s. comme cité sainte des tribus pastorales de la steppe qui s’étend à l’ouest du Tigre (v. Assyrie). Généralement en guerre avec Akkad, les Hourrites*, descendus des montagnes, sont nombreux dans tout le piémont, et certains de leurs rois revendiquent la domination de toute cette zone.


La menace des « Barbares », la fin du premier Empire mésopotamien (xxiiie-xxiie s.)

Arrivée à un haut degré de richesse, la Mésopotamie ne cessera plus de susciter la convoitise des populations moins évoluées qui vivent dans les montagnes et les steppes désertiques de sa périphérie. Certains de ces voisins pratiquent surtout l’infiltration, venant par petits groupes se proposer comme soldats ou hommes de peine ; ils auront le temps d’assimiler la culture mésopotamienne avant de devenir la majorité dans la région où ils se fixent. D’autres peuples procèdent par des attaques brutales et viennent saccager les villes. Les rois d’Akkad ne pourront pas indéfiniment conjurer cette menace, car ils sont bien souvent occupés à réprimer les soulèvements des cités-États de Mésopotamie, qui renoncent difficilement à leur indépendance. S’ils endiguent la poussée des Sémites occidentaux, ou Amorrites, qui sortent du désert de Syrie, ils finissent par succomber devant les expéditions des peuples du Zagros, Loulloubi et Gouti, qui ruinent l’Empire akkadien (v. 2200). Tandis que les rois Gouti imposent leur domination à une partie des centres mésopotamiens, le reste du pays des Deux Fleuves retourne au régime des cités-États indépendantes, parmi lesquelles Akkad, qui garde sa dynastie jusque vers 2165.