Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mersenne (Marin) (suite)

En ce qui concerne le domaine théorique, le P. Mersenne se livre à des spéculations — parfois un peu fastidieuses — sur les intervalles, les consonances et les dissonances, les genres, les systèmes et les modes harmoniques. Les chapitres relatifs à l’acoustique sont les meilleurs (découverte des lois des tuyaux sonores et des cordes vibrantes ; études des échos sonores ; mesure de la vitesse du son.

Mais les parties qui traitent de la pratique musicale retiennent encore l’attention des musiciens. Pour rédiger son traité de composition, son traité des instruments et son traité sur la voix et les chants, l’auteur fit appel, afin de compléter son information et de réunir les documents dont il avait besoin, à des amis musiciens : Jacques Mauduit (1557-1627) — sans doute son meilleur guide —, Jehan Titelouze* (1563-1633), Pierre Trichet (1586-1644), Jehan Basset († en 1636) [dont il publia un traité de luth], Antoine Boesset (1586-1643) et Étienne Moulinié (v. 1600 - v. 1669). Influencé par le néo-platonisme du xvie s., Mersenne croyait à l’efficacité de la musique des Anciens et à celle de la « musique mesurée ». Tout en reconnaissant que la musique italienne était plus expressive que la musique française, il restait persuadé que « la plus excellente » comporte « le sujet le plus excellent de tous, qui consiste à descrire les louanges de Dieu ».

Sa volumineuse correspondance (en cours de publication) nous renseigne, pour toutes les disciplines qui le préoccupèrent, sur sa méthode de travail.

A. V.

 SOURCES. M. Mersenne, l’Harmonie universelle (Paris, 1636 ; rééd., C. N. R. S., 1964, 3 vol.). / Correspondance du R. P. Mersenne, publiée par P. Tannery et C. de Waard (P. U. F. et C. N. R. S., 1932-1970 ; 11 vol. parus).
H. de Coste, la Vie du R. P. Mersenne (S. Cramoisy, 1649). / A. Pirro, Descartes et la musique (Fischbacher, 1907). / H. Ludwig, M. Mersenne und seine Musiklehre (Halle, 1935). / R. Lenoble, Mersenne ou la Naissance du mécanisme (Vrin, 1943 ; 2e éd., 1971).

mésomérie

Concept d’après lequel l’état réel d’une molécule ou d’un ion polyatomique, non exactement représentable par une formule développée de type classique, est intermédiaire entre les états fictifs correspondant à diverses formules.


Ces formules diffèrent entre elles non pas par la disposition spatiale des atomes, mais seulement par la répartition des doublets électroniques de liaison.

On ne peut, en général, prétendre représenter avec une absolue fidélité l’état réel d’une molécule ou d’un ion polyatomique à l’aide d’une formule développée faisant appel aux seuls symboles classiques de liaison : ionique, covalent simple ou multiple. Mais, dans de nombreux cas, parmi les formules possibles, une est nettement préférable aux autres et constitue une approximation suffisante ; par exemple, pour représenter le chlorure d’hydrogène, le schéma H—Cl est nettement préférable au schéma H+Cl, encore que (v. liaison chimique) les électrons de liaison soient plus près du chlore que de l’hydrogène ; on l’adopte donc, munissant parfois le tiret de liaison d’une flèche (→) pour indiquer le sens du déplacement des électrons. Il est cependant des cas où le choix est plus délicat, voire impossible entre plusieurs formules dont aucune n’est satisfaisante. C’est alors un cas de mésomérie ; c’est le cas, par exemple, de l’hémioxyde d’azote N2O ; l’expérience (étude de spectres) indique une molécule linéaire, dissymétrique, de faible moment électrique, où les distances de N à N et de N à O valent respectivement 1,12 Å et 1,19 Å ; les deux formules possibles à liaisons covalentes sont dès lors et mais aucune d’elles ne correspond exactement à toutes les caractéristiques précédentes ; l’état réel et unique de la molécule est un état mésomère, c’est-à-dire intermédiaire entre les états représentés par les formules limites précédentes, ce qu’on écrit

L’énergie réelle de la molécule est inférieure aux énergies correspondant aux formes limites, ce qui entraîne par rapport à celles-ci un gain de stabilité que l’on nomme énergie de résonance. Tout cela indique bien que les formules limites ne représentent nullement des corps isomères et qu’il ne s’agit pas non plus de tautomérie, c’est-à-dire d’équilibre entre diverses structures : les formules limites ne sont que des représentations plus ou moins approchées d’un état mésomère, encore appelé hybride de résonance.

La mésomérie concerne de nombreux ions et molécules dont la formule classique fait appel aux symboles de liaisons multiples ; par exemple, dérivés oxygénés du soufre, de l’azote, du carbone et composés organiques ; le benzène, en particulier, offre un exemple typique d’une molécule dont les schémas classiques, celui de Kekule, entre autres, ne donnent qu’une représentation grossièrement approchée ; l’énergie de résonance atteint par rapport au schéma de Kekule la valeur exceptionnelle de 36 kcal/mole.

R. D.

mésomorphes (états) ou mésomorphisme

États intermédiaires entre l’état cristallin et l’état amorphe.



Introduction

En 1888, le botaniste Reinitzer, en vérifiant, par la détermination de leur point de fusion, la pureté d’un certain nombre d’esters de cholestérol, signala un phénomène singulier : les cristaux de benzoate de cholestérol fondent à la température de 145,5 °C en fournissant un liquide trouble, qui devient parfaitement transparent à 178,5 °C, pour donner le liquide isotrope habituel. Dès 1889, le physicien allemand Otto Lehmann décrivit ces phases troubles pour certaines substances organiques qu’il désigna sous le nom de cristaux-liquides, car elles possèdent la fluidité de véritables liquides (certaines sont plus mobiles que l’eau) en même temps que la biréfringence des cristaux. L’aspect trouble, quasi opaque en couche épaisse, du liquide biréfringent a fait à l’époque l’objet de nombreuses controverses (on supposait, par exemple, la présence de traces d’impuretés insolubles), jusqu’à ce que le cristallographie Charles Mauguin (1878-1958), dès 1910, démontrât qu’il provenait d’une hétérogénéité du milieu. En soumettant le liquide trouble à l’action orientatrice soit d’un champ magnétique, soit des lames de verre, convenablement nettoyées, entre lesquelles il se trouve, il devient parfaitement clair et transparent. L’état cristal-liquide est un état de la matière intermédiaire entre l’état cristallin et l’état liquide isotrope, caractérisé par des températures de transformation réversibles parfaitement définies. Ainsi, pour le p.azoxyanisol

116 °C est la température d’équilibre solide-liquide trouble et 134 °C la température d’équilibre liquide trouble-liquide isotrope. C’est ce point de vue qui a été adopté par Georges Friedel (1865-1933) dans un mémoire publié en 1922 ; critiquant la dénomination de cristal-liquide, puisque le liquide anisotrope ne possède pas la structure triplement périodique qui caractérise l’état cristallin, il désigne par phase mésomorphe cet état de la matière (du grec mesos, intermédiaire). Il distingue trois types de phases mésomorphes : la phase smectique (du grec smectos, savon), la phase nématique (du grec nematos, fil), dont le nom rappelle des singularités de structure ayant la forme de fils, et la phase cholestérique, parce que la plupart des produits donnant cette phase sont des dérivés du cholestérol. Le plus souvent, on n’observe que l’une des trois phases entre l’état solide et l’état liquide isotrope. Cependant, certains corps peuvent fournir deux phases mésomorphes ; dans ce cas, si l’on chauffe le cristal, la phase smectique précède toujours soit la phase nématique, soit la phase cholestérique.

Ainsi, le p.anisylidène-iminocinnamate d’éthyle

manifeste les phases smectique et nématique :

Le caprate de cholestérol CH3 (CH2)8—CO—O—C27H45 donne les phases smectique et cholestérique :