Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Méditerranée (mer) (suite)

• Une mer partagée en circuits autonomes. En effet, l’action des vents d’ouest dominants et de la pente vers l’est entretenue par la densité superficielle (v. courants océaniques) détermine une pénétration de l’eau atlantique plus légère. Celle-ci longe les côtes d’Afrique (à l’ouest, c’est le courant algérien), du Proche-Orient, puis de l’Europe, en décrivant un grand mouvement cyclonique, c’est-à-dire dans le sens contraire à celui des aiguilles d’une montre. Dans le détail, ce mouvement est composé de circuits régionaux (ibérique, tyrrhénien, ionien, levantin et de la mer des Syrtes) qui sont complétés par des tourbillons anticycloniques, selon la configuration des seuils et des baies, et compliqués par des variantes saisonnières (ou temporaires) au gré de l’impulsion des vents locaux. Augmentant en densité au fur et à mesure de sa pénétration, cette eau, en fin de parcours, est affectée d’un mouvement de plongée, puis de retour vers l’ouest : cette couche est appelée eau intermédiaire. En dessous d’elle, l’eau profonde, formée au sud-est de la Turquie et de la mer Egée et en mer Adriatique, s’écoule dans la même direction et franchit le seuil sicilo-tunisien en empruntant les dépressions les plus profondes. Dans le bassin algéro-provençal, le courant profond reçoit sur sa droite l’eau dense formée en hiver dans les golfes de Gênes ou du Lion, puis passe dans l’Atlantique au niveau du seuil de Gibraltar.


Par sa vie

La faiblesse des marnages, la salure et la tiédeur des eaux, la rareté des remontées d’eau profonde et donc la pauvreté en éléments nutritifs font que la Méditerranée a une fertilité réduite. Les peuplements tant végétaux qu’animaux parfois endémiques, souvent très variés, toujours originaux, se caractérisent par leur indigence. Les zones les moins frappées par la pénurie, et donc les plus exploitables, sont celles qui sont dotées d’une certaine instabilité hydrologique. Les régions que l’on considère comme les plus productives sont : la mer d’Alborán, dont les eaux sont encore enrichies par le plancton d’origine atlantique ; les secteurs de plates-formes continentales étendues, bien brassées par les courants (golfe de Gabès) et où débouchent des fleuves relativement abondants (golfe du Lion, mer catalane, mer Adriatique) ; les détroits (canal de Sardaigne, canal de Sicile) ; les lagunes soumises à des échanges actifs.

Les pêcheries présentent ainsi un appauvrissement qui va s’accentuant vers l’est. La pêche demeure le plus souvent une activité traditionnelle, qui conserve sa structure artisanale et ses techniques anciennes. Elle se déroule plus souvent à la côte (utilisation ancestrale des pièges de toute nature, comme les madragues, destinées à saisir les grands migrateurs, dont le plus important est le thon) ou à quelque distance en mer (pêche au filet tournant : sardine, anchois). L’introduction du grand chalutage dans le golfe du Lion ou sur la plate-forme catalane eut de fréquents effets dévastateurs dans les secteurs les plus proches des côtes.

Réduite, cette activité a cependant fait naître une très ancienne civilisation halieutique, fondée sur l’exploitation du thon, de la sardine et de l’anchois. Mais le total des prises stagne autour du million de tonnes par an depuis de nombreuses années (soit un peu plus de 4 p. 100 des prises effectuées dans tout l’Atlantique). Les rares ports de pèche importants sont contraints de travailler dans l’Atlantique Nord.

La Méditerranée reste donc une mer de navigateurs et de commerçants, vocation confirmée par l’ouverture du canal de Suez, qui a suscité le développement des grands ports de la façade septentrionale comme Marseille (100 Mt), Gênes (56 Mt), Augusta (36 Mt), Trieste (36 Mt), Cagliari (26 Mt) et Venise (24 Mt). Lieux traditionnels de transit vers l’Europe du Nord, ceux-ci sont devenus des ports industriels (avec tous les problèmes de pollution que cela pose, notamment dans le cas de Venise) et les voies d’accès pour les hydrocarbures venus de l’Afrique septentrionale (Algérie, Libye) et du Moyen-Orient. La fermeture du canal de Suez a provoqué la désertion du bassin oriental (doté, cependant, de marines commerciales importantes, comme la grecque) et le déplacement vers l’ouest des routes commerciales, qui, pour partie, ne sont que des rameaux de la grande route du Cap (v. Atlantique [océan]).

Enfin, grâce à l’agrément de ses paysages littoraux, de ses eaux et de son climat, la Méditerranée est le siège d’un tourisme actif, dont les revenus apportent un substantiel appoint aux économies des États riverains.

Les régions géomorphologiques

La Méditerranée occidentale

Couvrant 821 300 km2 (le tiers de l’ensemble), elle est tout entière inscrite à l’intérieur de l’arc alpin. Elle se compose de deux bassins triangulaires séparés par le seuil corso-sarde.

• Le bassin algéro-provençal. Il est cerné au nord-est (mer Ligure, Corse, Sardaigne) et au sud (le Tell) par des plates-formes étroites ainsi que par des pentes continentales très inclinées et labourées par des nombreux canons. En mer d’Alborán, la pente est plus complexe ; elle est formée de plateaux marginaux (rehaussés de pitons provenant du démantèlement d’appareils volcaniques) et de bassins d’effondrement (ouest-Alborán, qui communique avec le détroit de Gibraltar, et est-Alborán, ouvert sur la mer d’Oranie, que sépare le seuil de l’île d’Alborán). Autour des Baléares (portées par un large promontoire en forme de bloc basculé et limité au sud par l’escarpement de l’« Emile-Baudot »), en mer catalane et dans le golfe du Lion, la plate-forme s’élargit, tandis que la pente continentale s’adoucit et est parfois prolongée par de grands cônes sédimentaires construits avec les apports du Rhône et de l’Èbre.

Les régions situées en dessous de 2 500 m (valeur moyenne) sont occupées par une plaine « bathyale » (v. océan) où le taux de sédimentation est élevé (3 cm par siècle). En pente doucement inclinée vers le sud, cette plaine est surmontée par des collines basses, circulaires ou oblongues. Ces bosses peuvent être des volcans (ou des laccolites), des anticlinaux ou, plus probablement, des dômes de sel (structure diapirique), comme l’ont révélé les sondages séismiques et les forages profonds. Les plus nombreuses ont été repérées en mer d’Oranie et entre le cône du Rhône et la Corse.