Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Médicis (les) (suite)

Évitant de s’opposer depuis 1393 aux oligarques au pouvoir, Giovanni di Bicci devient tour à tour prieur en 1402, membre des Dieci della guerra en 1414, gonfalonier en 1421. Ainsi renforce-t-il par l’exercice discret de ces magistratures le prestige de sa famille auprès du petit peuplé sans trop inquiéter ses adversaires, à la seule exception de Rinaldo degli Albizzi qui est fait, comme lui, chevalier avec éperon d’or en 1421. Pour écarter néanmoins un éventuel danger, ce dernier fait adopter en 1427 une réforme du cadastre qui fait supporter davantage l’impôt à la fortune mobilière. Malgré ses hésitations, Cosme, à qui son père a cédé ses parts en 1420, accepte finalement son contenu. Il conserve ainsi intacte une autorité dont témoigne en 1429 l’assistance des représentants de l’Empereur, de Venise et de nombreux États princiers aux funérailles grandioses de Giovanni, auxquelles président ses deux fils, Cosme l’Ancien (Cosimo il Vecchio) [Florence 1389 - Careggi 1464] et Laurent (Lorenzo) [Florence 1395 - Careggi 1440], souches le premier de la dynastie des grands hommes d’affaires florentins, le second de la dynastie grand-ducale de Toscane des xvie, xviie et xviiie s. Sa popularité auprès du popolo minuto inquiétant Rinaldo degli Albizzi, Cosme est arrêté sur ordre de ce dernier le 7 septembre 1433. N’osant le faire mettre à mort, le maître de Florence bannit pour dix ans son adversaire à Padoue. Celui-ci s’établit en fait à Venise, où il développe le rôle international de la filiale locale de sa firme tout en regroupant activement autour de lui l’opposition, qui élit en septembre 1434 ses partisans à la seigneurie. Rappelé par cette dernière le 29, il rentre triomphalement le 5 octobre et fait exiler aussitôt les Albizzi et leurs alliés, les Peruzzi, les Strozzi, les Frescobaldi et les Ricasoli.


Le principat médicéen

Marié à Contessina de’ Bardi, faisant épouser Laudomia Acciaiuoli et Lucrezia Tornabuoni respectivement à son neveu Pierfrancesco et à son fils Piero il Gottoso, accordant sa confiance à Luca Pitti et à Tommaso Soderini, Cosme s’assure le concours d’une fraction importante de la haute bourgeoisie florentine. Il se consacre à la gestion de sa firme qu’il administre depuis son palais de la via Larga, et n’exerce qu’exceptionnellement des magistratures officielles. Gonfalonier de Justice à trois reprises seulement (six mois en trente ans), il s’efface prudemment derrière ses parents et ses amis, dont il peuple les conseils. S’appuyant sur une efficace police politique, les Otto della Guardia, confiant à un conseil d’« accoupleurs » nommés pour cinq ans la charge de faire sortir des urnes seulement les noms de ses partisans candidats aux fonctions municipales, celles des huit prieurs et du gonfalonier de Justice étant notamment soumises à réélection tous les deux mois, il transforme peu à peu à son profit la République florentine en une principauté à l’intérieur de laquelle il détient, par amis interposés, la totalité des pouvoirs.

Contre cette évolution, les Albizzi s’allient alors au duc de Milan Philippe-Marie Visconti et au roi de Sicile Alphonse V d’Aragon. Mais leurs troupes sont battues à Anghiari le 29 juin 1440 par les milices de Florence. Vaincus à l’extérieur, les opposants tentent en vain de reprendre le pouvoir à la faveur du renouvellement des bourses en 1444 d’abord, à partir de 1455 ensuite. L’annulation immédiate du vote, l’institution d’une balia dotée des pleins pouvoirs et l’admonition de 250 citoyens privés de leurs droits politiques dans le premier cas, l’instauration d’une seconde « balia » de 250 membres, le rétablissement pour cinq ans des accoupleurs et la création d’un conseil de 100 membres partisans des Médicis en 1458 dans le second cas, telles sont les mesures qui permettent à Cosme de conserver le contrôle du pouvoir. Il renforce celui-ci en frappant les revenus fonciers et immobiliers, bases de l’opposition antimédicéenne, d’un impôt progressif dont les taux varient de 4 à 33 % en 1443 et se situent entre 8 et 50 % en 1447, alors que les bénéfices du commerce jouissent finalement en 1458 du système plus avantageux de la composition.

Tirant, par ailleurs, prestige du transfert de Ferrare à Florence, en 1439, du Concile d’union, qui réunit en sa présence le pape, le patriarche de Constantinople et l’empereur byzantin Jean VIII Paléologue, Cosme apparaît également comme l’arbitre de l’Italie, lorsque la signature de la paix de Lodi le 9 avril 1454 instaure dans la péninsule une nouvelle politique d’équilibre. Celle-ci lui permet, en effet, de faire reconnaître par Venise et par tous les autres États italiens la souveraineté sur Milan* de son fidèle allié Francesco Sforza.

Sachant gérer aussi habilement sa firme que l’État, Cosme investit une partie de ses profits dans le Monte dei Dotti, qui alimente les emprunts de la ville. Surtout il contribue à la parure monumentale de Florence en finançant l’achèvement des œuvres entreprises par son père : porte du Baptistère ciselée par Lorenzo Ghiberti et par ses fils entre 1425 et 1452 ; Dôme édifié entre 1420 et 1436 par Brunelleschi. À celui-ci, il confie également la réédification, selon un plan basilical à trois nefs, de l’église paroissiale des Médicis, San Lorenzo, à laquelle il accole la Sagrestia Vecchia, dont Donatello sculpte les reliefs tout en concevant, seul cette fois, les deux chaires de la nef. Esprit fin et éclairé, collectionneur de manuscrits recueillis par les humanistes florentins, qu’il regroupe en une Académie platonicienne dirigée par Marsile Ficin et qui comprend Ange Politien, Cristoforo Landino, Pic de La Mirandole, il fait édifier à ses frais la bibliothèque Laurentienne, qui jouxte l’église de Brunelleschi. Chrétien, à la recherche d’un salut compromis par des pratiques usuraires, il fait reconstruire par son architecte, Michelozzo, à partir de 1437, pour le prix de 40 000 florins, le couvent de San Marco, doté aussi d’une bibliothèque et décoré par Fra Angelico. Enfin, désireux d’achever sa vie dans un cadre adapté à ses besoins économiques, à ses préoccupations intellectuelles et artistiques, ainsi qu’à son goût du confort, il confie à Michelozzo en 1444 le soin d’édifier ses résidences personnelles : d’abord le palais de la via Larga (dit « Medici Riccardi »), dont le rez-de-chaussée est occupé par des bureaux et par des entrepôts, et dont la chapelle est magnifiquement décorée par la fresque des Rois mages de Benozzo Gozzoli ; ensuite la villa de Cafaggiolo, sa demeure préférée, celle de Careggi, où lui-même et son petit-fils Laurent réunissent l’Académie platonicienne et enfin celle de Trebbio.