Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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médicament (suite)

La vie des médicaments

Certains médicaments ont une longévité exemplaire. Parmi eux, on peut citer la thériaque, dont la première formule remonte à Mithridate, roi du Pont (v. 132-63 av. J.-C.). La thériaque comprenait alors une cinquantaine de composants. Après, bien des additions et des variations (64 ingrédients au Codex parisien de 1638), elle figure encore avec 58 substances au Codex français de 1884.

Les plantes, dont la stabilité de composition défie les siècles, subissent parfois des éclipses dans leur emploi. Ainsi, l’artichaut et le frêne, qui étaient décrits au Codex de 1818, disparurent pendant un siècle et demi, pour réapparaître récemment et faire l’objet de monographies très précises.

D’autres médicaments voient leurs médications et leur posologie évoluer avec l’usage. Ainsi, le carbamate de méthylpentynol, qui fut l’un des premiers psycholeptiques, n’est plus utilisé comme tranquillisant que dans les troubles mineurs.

Le nombre des médicaments

Pour soigner les 500 maladies recensées par l’Organisation mondiale de la santé, les médecins français, généralistes et spécialistes, disposent d’environ 3 000 médicaments différents, présentés sous 8 500 formes. C’est le chiffre le plus bas des pays européens. Ainsi, l’Allemagne de l’Ouest a 7 500 produits, délivrés sous 24 000 formes.

Ce nombre est en perpétuelle évolution. Les produits anciens, peu actifs ou peu spécifiques, sont remplacés, presque quotidiennement, par des produits nouveaux, issus des laboratoires de recherches. Cependant, après une diminution spectaculaire (25 000 en 1930), le nombre des médicaments demeure à peu près constant dans notre pays depuis plusieurs années.

Le Dictionnaire de pharmacologie clinique contient la fiche signalétique de 2 100 agents médicamenteux, qui constituent la base de la thérapeutique actuelle.

Le goût des médicaments

Le mauvais goût d’une drogue, son amertume, parfois son odeur repoussante étaient jadis pour beaucoup le signe de son efficacité. Le médicament inspirait alors un respect qui avait pour corollaire l’observation rigoureuse de la dose prescrite.

Cependant, on s’est toujours efforcé de rendre la prise des drogues plus agréable. Avicenne* eut le premier l’idée d’enrober les pilules dans de minces feuilles d’argent ou d’or. C’est ainsi que l’expression dorer la pilule ne fait que traduire l’intention de dissimuler une réalité peu engageante.

La présentation moderne des médicaments (gélules, capsules, enrobages, excipients parfumés de goût agréable) a fait disparaître la hantise de la prise médicamenteuse, mais également (et cela peut être un inconvénient) la crainte salutaire que l’on doit avoir pour des toxiques redoutables, dont la posologie est très précise et doit être rigoureusement observée.

Le prix des médicaments

« Le prix de la santé a toujours été estimé trop élevé. »

Contrairement à la croyance populaire, entretenue par Molière, les prix des médicaments furent de tout temps contrôlés par les pouvoirs publics.

Au Moyen Âge, les drogues sont le plus souvent distribuées gratuitement par les monastères, où elles sont élaborées. Mais, quand la préparation des médicaments devient l’apanage des apothicaires laïques, leur prix est réglementé.

Dès le xvie s., le règlement des apothicaires de Strasbourg exige l’application d’un prix égal pour tous, qui doit figurer sur l’ordonnance.

En 1601, les statuts de La Rochelle prescrivent que les « apothicaires se contenteront d’un salaire compettant... ».

L’arrêt du parlement de Paris de 1632 prescrit au lieutenant de police de dresser tous les trois ans un tarif des médicaments en présence des apothicaires, des médecins et du substitut du procureur général.

Ce document est l’ancêtre du tarif pharmaceutique national, du tarif interministériel des prestations sanitaires qui concernent les produits de droguerie, les pansements et accessoires ainsi que de la « grille des prix », que réglemente le prix des spécialités.


Classifications des médicaments

On peut classer les médicaments selon leur origine, leurs formes (classification pharmaceutique) ou leur activité thérapeutique (classification médicale). Ces deux derniers types de classifications présentent les mêmes inconvénients : une famille botanique ou chimique pouvant fournir des médicaments d’activités thérapeutiques différentes, tandis que des médicaments d’activité comparable peuvent se rapporter à des corps de structures très différentes. Ainsi, deux drogues botaniquement très voisines, comme le bouillon-blanc et la digitale (scrofulariacées) peuvent se révéler la première un médicament anodin contre la toux, la seconde un tonicardiaque extrêmement actif. Ainsi trouve-t-on des propriétés anti-inflammatoires comparables dans des molécules simples comme l’aspirine ou complexes comme les corticoïdes (v. stérol).


Médicaments simples drogues simples — simples

Ce sont les médicaments dispensés en l’état où on les trouve dans la nature. Disposant d’un arsenal thérapeutique important, les médecins n’en prescrivent pratiquement plus, le rôle du pharmacien se borne à en vérifier l’authenticité, si possible la provenance, éventuellement à en tirer le principe actif. Les drogues simples sont tirées du règne végétal, parfois du règne animal ; les anciennes pharmacopées en faisaient un usage considérable ; ces drogues ne sont plus guère utilisées qu’en médecine populaire et le sont de moins en moins au niveau de la famille, où on les administre principalement sous forme de tisanes, de cataplasmes, etc. Cette désaffection pour les simples est due principalement à la difficulté de leur administration et non à leur inactivité. Bien au contraire, ces drogues constituent des médicaments fort actifs, et l’industrie pharmaceutique en utilise des tonnages importants, soit pour l’extraction des principes actifs, soit pour la transformation galénique. Parmi les drogues ainsi utilisées, citons la racine d’aconit, les feuilles de belladone, de jusquiame, de datura (Solanacées vireuses), l’ergot de seigle, le rauwolfia, l’écorce de quinquina, la capsule de pavot à opium, les semences de marron d’Inde.