Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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médicament (suite)

Aux formes pharmaceutiques traditionnelles s’ajoutent des présentations nouvelles. Stanislas Limousin (1831-1887) met au point les cachets en pain azyme ainsi que le matériel pour les préparer, invente les ampoules en verre neutre, qui permettent la stérilisation des solutions et leur conservation, et réalise un masque grâce auquel on pourra utiliser les médicaments gazeux, tels que l’oxygène, l’éther, le chloroforme. Cette voie constituera longtemps le seul mode d’administration des anesthésiques généraux. La seringue de Charles Gabriel Pravaz (1791-1853) ainsi que l’aiguille creuse qui s’y adapte vont accroître l’efficacité des drogues et surtout la rapidité de leur action.

Jusqu’à cette période, la préparation des substances médicamenteuses s’était faite de façon artisanale, rarement en dehors de l’officine. Avec le xixe s., l’industrie pharmaceutique va naître, d’abord timidement avec Antoine Baumé (1728-1804), Guillaume François Rouelle (1703-1770), Jean-Baptiste Quesneville (1776-1838). Plus ou moins confondue à l’origine avec l’industrie chimique, elle s’en différencie rapidement et prend un essor considérable. En 1887, la Farbenfabriken Bayer AG. lance en Allemagne la préparation de médicaments de large consommation. La France ne reste pas inactive et, jusqu’à la dernière guerre mondiale, elle occupe la première place parmi les exportateurs de médicaments.

Le médicament se modifie profondément au cours de la première moitié du xxe s. La recherche, l’expérimentation et la préparation échappent au stade artisanal de l’officine pour passer à l’entreprise industrielle spécialisée.

Les formes médicamenteuses elles-mêmes évoluent : les comprimés, les dragées, les globules, les gélules se substituent aux formes liquides telles que les juleps, les apozèmes, les bouillons, les mellites, les loochs, voire les vins, les vinaigres, les élixirs, dont les formules disparaissent progressivement des formulaires nouveaux.

Les découvertes se multiplient, donnant naissance à de nouvelles familles de produits médicamenteux.

En 1911, Casimir Funk (1884-1967) isole du son de riz un corps qu’il appelle vitamine*. C’est la vitamine B1. Elle est la première de nombreux corps dont la présence est indispensable à l’entretien de la vie, mais aussi dont l’emploi est efficace dans le traitement d’un grand nombre d’affections. Isolée en 1928 par Albert Szent-Gyorgyi (1893), la vitamine C, ou acide ascorbique, sera préparée synthétiquement en 1933 et employée seule ou associée comme médicament. Les progrès de la chimie et de l’industrie pharmaceutique vont permettre la synthèse et, par voie de conséquence, la production massive des vitamines. En 1931, la vitamine D2 est isolée à l’état cristallisé. La vitamine PP est identifiée en 1937 ; la vitamine E, découverte en 1922, est préparée en laboratoire à partir de 1938. La vitamine K, antihémorragique, est isolée en 1939, et la vitamine B12 est extraite du foie en 1948.

L’absence de vaccination* antivariolique obligatoire en France avait eu de graves conséquences durant la guerre de 1870. Le même phénomène se reproduit lors de la Première Guerre mondiale parmi les combattants atteints par la fièvre typhoïde. Mais la découverte et la préparation du vaccin antityphoïdique, dues au médecin général Hyacinthe Vincent (1862-1950), permettent d’enrayer l’épidémie qui frappe les troupes des belligérants et qui, d’août 1914 à mars 1915, fait presque autant de victimes que tous les combats pendant la même période. Les vaccins s’imposent, et, en 1938, la vaccination antidiphtérique devient obligatoire, suivie en 1940 par la vaccination antitétanique. La prévention de la tuberculose entre dans une phase active avec la vaccination par le B. C. G. en 1950.

L’année 1935 voit la naissance de la grande famille des sulfamides*. Après les travaux de Gerhard Domagk (1895-1964), en Allemagne, et ceux de Daniel Bovet (né en 1907), de Frédéric Nitti (1905-1947) et de Jacques (né en 1897) et Thérèse (née en 1892) Tréfouël, en France, conduisent à la préparation du 1162 F, qui sera le point de départ d’une lignée prestigieuse de médicaments. Citons l’isoniazide, qui, en 1952, apporte au traitement de la tuberculose une efficacité inconnue jusqu’alors, et les sulfamides hypoglycémiants réalisés en 1955, qui rénovent le traitement du diabète.

En 1928, sir Alexander Fleming (1881-1955) découvre la pénicilline*, mais il faudra attendre quinze ans et la lyophilisation* pour qu’elle constitue le médicament miracle qui ouvre l’ère des antibiotiques*. La streptomycine est obtenue en 1944. Elle constitue le premier agent spécifique contre le bacille de Koch. Puis, le chloramphénicol en 1947, la chlortétracyline en 1948, la néomycine en 1949, l’oxytétracycline et la colistine en 1950 enrichissent la gamme des antibiotiques.

Les traitements par les hormones* entrent dans une phase active avec la préparation, en 1929, de l’œstrone cristallisée, obtenue par Edward Adelbert Doisy (né en 1893) et Adolf Butenandt (né en 1903) à partir de l’urine de femme enceinte. Cette réalisation est suivie, dès 1931, par celle de l’androstérone. En 1936, Edward Charles Dodds (1889-1973) découvre le diéthylstilbœstrol, qui est à l’origine des œstrogènes de synthèse.

En 1941, les antithyroïdiens de synthèse et, en 1942, les antihistaminiques apportent au traitement de la maladie de Basedow et des états allergiques des médicaments efficaces. L’extraction industrielle de l’héparine commence en 1933. Celle-ci va permettre le traitement des affections des vaisseaux et du cœur grâce à son action anticoagulante, qui sera complétée en 1941 par la synthèse du dicoumarol et des autres anticoagulants*.

Les isotopes* radioactifs, jusqu’alors moyens de diagnostic, entrent dans la thérapeutique avec l’iode, le phosphore, le cobalt radioactifs.

L’emploi, à partir de 1946, de la cortisone et de l’hydrocortisone (v. stérol,), anti-inflammatoires puissants, clôt ce que l’on considère comme la période historique du médicament. Cependant, les travaux en cours laissent entrevoir l’apparition des antifongiques avec la nystatine en 1951, des neuroplégiques avec la chlorpromazine et sa lignée de tranquillisants en 1952, et des anticancéreux, avec le thiotépa en 1959 et la vinblastine, alcaloïde extrait de la pervenche par Maurice Janot (né en 1903) et employé depuis 1961.

P. C.