Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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mécanique (suite)

La mécanique aristotélicienne domine en Occident jusqu’au xiiie s. Parmi les théories dynamiques du xive s. figure celle de l’impetus, défendue par Jean Buridan (v. 1300 - apr. 1358) : « Le moteur imprime au mobile un impetus, proportionnel à la vitesse ; mais la résistance de l’air et la pesanteur affaiblissent continuellement cet impetus, qui, vaincu et détruit, laisse la pesanteur ramener le mobile au sol. »

À partir du xvie s., les progrès de la mécanique vont de pair avec ceux de l’astronomie. Pour Johannes Kepler*, l’antique distinction entre les deux mondes disparaît : les planètes ont une inertie, comme les corps terrestres, c’est-à-dire une tendance au repos, qui ne peut être vaincue que par l’action de forces extérieures. Il ne parvient cependant pas à bâtir une dynamique céleste. Mais il dégage les trois lois cinématiques fondamentales du système solaire : les planètes décrivent des ellipses dont le Soleil occupe un des foyers (1609) ; les rayons vecteurs qui vont du Soleil à chaque planète balaient des aires égales en des temps égaux (1609) ; les carrés des temps de révolution des diverses planètes sont proportionnels aux cubes des grands axes de leurs orbites (1619).

Vers la même époque, Galilée*, qui découvre en 1610 les quatre premiers satellites de Jupiter, s’intéresse surtout à la physique et à la mécanique terrestres. Après avoir cru, au début de ses recherches, que, dans la chute libre à partir du repos, la vitesse est proportionnelle à l’espace parcouru, il reconnaît vers 1604 l’absurdité mathématique de cette hypothèse et admet que la vitesse est proportionnelle au temps, les espaces parcourus étant dans le rapport des carrés des temps de chute. Ultérieurement, il étudiera le mouvement des projectiles dans le vide en s’appuyant sur deux principes qui sont restés à la base de la mécanique rationnelle. Le premier est le principe d’inertie : « J’imagine un mobile lancé sur un plan horizontal, en l’absence de tout obstacle. Son mouvement restera indéfiniment uniforme sur le plan si celui-ci s’étend à l’infini. » Vient ensuite le principe de la combinaison des mouvements ou de l’indépendance des effets des forces : « Si le plan est limité, le solide, soumis à la gravité, ajoutera à son premier mouvement uniforme et indestructible la propension qu’il a vers le bas du fait de sa gravité. » La trajectoire est parabolique.

Lorsque les idées de Galilée sont rendues publiques en 1638, elles sont loin d’être unanimement acceptées. René Descartes*, en particulier, qui assimile matière et espace, est violemment hostile à l’hypothèse du vide. Cependant, il admet le principe d’inertie et l’existence d’un espace illimité. Sa théorie des tourbillons de matière subtile emportant les astres dans leur mouvement a un très vif succès, mais elle se révèle contradictoire du point de vue mathématique et doit être abandonnée.

Christian Huygens* découvre l’existence de la force centrifuge et donne en 1673 une belle théorie du mouvement pendulaire, appliquée par lui-même dès 1659 aux horloges de précision.

Les partisans d’un espace vide, parmi lesquels les atomistes comme Gassendi (1592-1655), sont d’ailleurs nombreux. Un des plus brillants est Blaise Pascal*, qui, à la suite de Simon Stevin (1548-1620), fera progresser l’hydrostatique. Descartes avait énoncé sur les chocs des corps des lois fausses pour la plupart. Vers 1668, l’étude de ces lois est reprise, d’une part, par les Britanniques sir Christopher Wren (1632-1723) et John Wallis (1616-1703), d’autre part, par Huygens. Par ailleurs, des essais de dynamique céleste sont tentés. En 1666, dans sa Theorica mediceorum planetarum a causis physicis deducta (« Théorie des planètes médicéennes [les satellites de Jupiter] déduite de causes physiques »), Giovanni Alfonso Borelli (1608-1679) s’efforce, sans grands résultats, d’appliquer la dynamique de Galilée au mouvement des astres. Plus importantes sont les recherches de Robert Hooke (1635-1703), qui, en bon baconien, croit fermement à la réalité de la force d’attraction et qui, depuis 1666, fait part à la Royal Society de Londres de ses multiples expériences d’optique et de mécanique. Le 6 janvier 1680, il écrit à Newton* : « Je suppose l’attraction être toujours réciproquement proportionnelle au carré de la distance au centre. » Cependant, l’insuffisance de ses connaissances mathématiques ne lui permettra jamais de tirer parti de cet énoncé exact, et ses prétentions à la priorité, tant en mécanique qu’en optique, seront toujours dédaigneusement repoussées par sir Isaac Newton. Celui-ci, le plus prestigieux des disciples de Descartes en mathématique pure, possède depuis 1667 un certain nombre de techniques infinitésimales et a trouvé avant 1672 la décomposition de la lumière blanche en ses diverses composantes colorées. Il est le seul savant capable de faire une synthèse bien construite de tous les faits mécaniques alors connus, mais peu liés les uns aux autres. Cependant, il est assez découragé par les polémiques souvent malveillantes qu’ont soulevées ses découvertes en optique. Devant l’insistance d’Edmund Halley (1656-1742), il présente à la Royal Society, au début de 1685, un essai de mécanique, De motu, qui contient les propositions de base de son ouvrage de 1687 : Philosophiæ naturalis principia mathematica (« Principes mathématiques de philosophie naturelle »). Cet ouvrage est divisé en trois livres. Dans le premier. Newton expose l’outil mathématique qui lui sera nécessaire, puis il développe d’une façon abstraite la mécanique théorique qu’il applique au mouvement des planètes. Le second livre, dont le but principal est la réfutation de la théorie des tourbillons de Descartes, a trait au mouvement dans un milieu résistant, que la résistance soit proportionnelle à la vitesse ou à son carré. Le troisième livre, plus physique que les deux autres, applique leurs résultats au système du monde et les confronte aux expériences terrestres et aux observations astronomiques.