Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mazarin (Jules) (suite)

Les affaires italiennes

En Italie également, Mazarin révélait de grandes ambitions. Il prépara une expédition contre les présides de Toscane, imaginant qu’assurée d’une base sur les côtes de Toscane la flotte française pourrait conduire Thomas de Savoie à Naples et provoquer une insurrection contre l’Espagne. L’expédition échoua en juillet 1646. Mais, en octobre, le succès de l’attaque contre l’île d’Elbe et Piombino entraîna à Rome un renversement de la politique du pape Innocent X, jusqu’alors hostile à la France et à Mazarin.

Une révolte populaire éclata en juillet 1647 à Naples ; Mazarin y vit une nouvelle possibilité d’affaiblir les Espagnols. Henri II, duc de Guise (1614-1664), s’y fit reconnaître « protecteur de la République », mais l’envoi d’une flotte permit le rétablissement du régime espagnol.


Les traités de Westphalie

Le 30 janvier 1648, les Espagnols conclurent une paix séparée avec les Provinces Unies. L’Espagne, qui pouvait maintenant porter son principal effort contre la France, aurait voulu prolonger son alliance avec l’empereur. Mazarin fit en quelque sorte la parade en concluant rapidement la paix de Westphalie. Abel Servien signa pour la France le 24 octobre 1648 le traité de Münster qui mettait fin à la guerre de Trente Ans. La France obtenait définitivement les Trois-Évêchés et les droits et possessions de la maison d’Autriche sur l’Alsace.


La Fronde*

De 1648 à 1652, des troubles très confus, la Fronde, opposèrent le gouvernement royal au parlement de Paris, puis aux princes, enfin à une coalition hétéroclite groupant parlementaires, compagnies d’officiers, nobles. Sur la personne de Mazarin se cristallisèrent tous les mécontentements. Le cardinal louvoya, opposa entre eux ses adversaires et, quand la menace devint trop forte, plia momentanément en s’exilant. Mazarin chercha à diriger de loin la reine, négocia sans cesse avec tout le monde, semblant oublier les injures ; enfin, grâce aux divisions et à la lassitude de ses ennemis, il les abattit les uns après les autres.


La toute-puissance du Premier ministre

Le sacre de Louis XIV le 7 juin 1654 marquait le rétablissement définitif de la paix intérieure et la victoire de Mazarin, désormais tout-puissant.


La politique extérieure

Mais la guerre extérieure continuait avec l’Espagne, qui avait refusé de signer le traité de Münster. Mazarin pensa contraindre l’Espagne à la paix grâce aux succès militaires de Turenne : mais la défaite du maréchal de La Ferté à Valenciennes et la perte de la ville de Condé rompirent les négociations entamées à Madrid par Hugues de Lionne (1611-1671) durant l’été 1656. Le cardinal, pour attaquer les villes côtières de Flandre, s’allia par le traité de Paris en mars 1657 avec Cromwell* ; ce traité militaire faisait suite à un traité de commerce conclu en 1655 qui mettait fin aux actes de pirateries entre Anglais et Français. L’alliance renouvelée en mars 1658 permit le 14 juin la victoire des Dunes, remportée sur Condé, et la prise de Dunkerque.

L’empereur Ferdinand III mort, Mazarin, qui avait songé un moment à faire élire Louis XIV empereur et rêvé pour lui-même de la tiare papale, devint le protecteur de la ligue du Rhin, qui obligeait le nouvel empereur Léopold Ier à respecter les accords de Westphalie.

Désireux de conclure la paix avec l’Espagne en mariant Louis XIV et l’infante, le cardinal fit craindre à l’Espagne, lors d’un voyage du roi à Lyon, la possibilité d’un mariage entre Louis XIV et Marguerite de Savoie. Inquiète, l’Espagne se décida à envoyer Antonio Pimentel à Lyon pour négocier. Mazarin encouragea le roi à rompre l’idylle qu’il avait avec Marie Mancini (1640-1715), l’une des nièces du cardinal.

Les pourparlers de paix commencés à Lyon en 1658, poursuivis à Paris, la rencontre dans l’île des Faisans entre Mazarin et le Premier ministre espagnol Luis de Haro d’août à novembre 1659 aboutirent à la signature le 7 novembre du traité des Pyrénées, qui mettait fin à la guerre.

La France obtenait définitivement l’Artois, la Cerdagne, le Roussillon. Et surtout, le mariage entre Louis XIV et l’infante était conclu, Marie-Thérèse renonçait à la couronne d’Espagne moyennant une dot de 500 000 écus d’or (cette somme ne sera jamais versée). Le couple royal entra à Paris le 26 août 1660 dans la joie générale. Le parlement envoya une députation extraordinaire au cardinal pour le remercier de la conclusion du traité des Pyrénées et du mariage du roi.

L’Europe entière consacra la toute-puissance de Mazarin en le sollicitant pour arbitrer la paix du Nord : le traité d’Oliva mit fin en mai 1660 au conflit entre la Pologne, le Brandebourg et la Suède ; le traité de Copenhague de juin 1660 rétablissait la paix entre le Danemark et la Suède. Mazarin, grâce à son talent de diplomate et à sa connaissance approfondie des affaires européennes, avait fait de la France la grande puissance de l’Europe.


Les affaires intérieures

Mazarin gouverna aidé de Michel Le Tellier à la Guerre, de Hugues de Lionne aux Affaires étrangères et de Nicolas Fouquet* aux Finances. Mazarin laissa à Fouquet toute liberté pour la gestion des fonds publics ; peu lui importait les moyens par lesquels Fouquet se procurait l’argent qu’il exigeait pour financer sa politique extérieure.

Le cardinal se servit du mouvement janséniste français pour neutraliser le pape, hostile à la guerre entre l’Espagne et la France, en détournant son attention de la lutte entre les deux pays et en lui donnant la possibilité d’exercer son autorité de chef spirituel. Peu intéressé par les questions religieuses, Mazarin sacrifia les jansénistes à la poursuite de sa politique extérieure. Le 10 juillet 1653, il présida l’assemblée du clergé qui se prononça pour la réception en France de la bulle d’Innocent X condamnant la doctrine de l’Augustinus et assurant le triomphe des jésuites. Mazarin fit fermer en 1661 les « petites écoles » et disperser les « solitaires ». (V. jansénisme.) Le cardinal profitera de cette affaire pour obtenir que le Saint-Siège admette la démission du cardinal de Retz de sa dignité archiépiscopale.