Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Maximilien Ier (suite)

Maximilien et la Bretagne

La Bretagne*, fief français quasi indépendant, allait tomber, à la mort du duc François II, en 1488, entre les mains de sa fille aînée, la duchesse Anne. Maximilien lui offrit le mariage, qui fut même célébré par procuration (1490). Mais le dauphin Charles, devenu Charles VIII*, qui devait épouser Marguerite d’Autriche, se rendit compte du danger que courait le royaume : il marcha sur Nantes, alors capitale du duché, occupa Rennes et épousa la duchesse Anne (1491). Il renvoya Marguerite à son père, ce que tous les deux considérèrent comme un affront. Maximilien ressentit douloureusement cet échec sa vie durant.


Maximilien et l’Empire

Du vivant de son père, Maximilien avait été élu roi des Romains (1486) ; aussi put-il prendre possession sans difficulté de son héritage autrichien à la mort de Frédéric III (1493). Pour la première fois depuis cent vingt-cinq ans, tous les pays héréditaires (correspondant à peu près à l’Autriche actuelle, à laquelle il faut ajouter la Haute-Alsace) se trouvaient réunis sous l’autorité d’un même prince, qui fixait sa capitale à Innsbruck. Maximilien allait en profiter pour doter les pays héréditaires d’un gouvernement centralisé sur le modèle bourguignon. En 1496, il créait à Innsbruck une chambre aulique (Hofkammer) commune à toutes les provinces d’Autriche. En même temps, il établissait un conseil aulique (Hofrat) qui s’occupait de l’administration et faisait fonction de cour d’appel. Une chancellerie de Cour (Hofkanzlei) était chargée de la correspondance diplomatique, de l’expédition des actes et de l’exécution des volontés du souverain.

Tous ces organismes avaient une forme collégiale et employaient non seulement des gentilshommes, mais des juristes et des humanistes. Les gouvernements du Tyrol, de la Styrie et de la Basse-Autriche n’étaient pas supprimés, mais subordonnés à ce gouvernement central ; ces réformes furent sévèrement critiquées par les ordres dans les diètes provinciales, qui les jugeaient contraires aux libertés et privilèges des différentes noblesses. Ces institutions n’en furent pas moins consolidées par les réformes de Ferdinand Ier (1527), petit-fils de Maximilien, et elles constituèrent la base de l’administration autrichienne jusqu’en 1848.

Les succès de Maximilien dans l’Empire furent moins manifestes, car il se heurta à une vive résistance des ordres, que menait l’archevêque de Mayence, Berthold von Henneberg, archichancelier de l’Empire. Les princes n’avaient aucun sens de la grande politique et redoutaient seulement un souverain dirigeant un complexe d’États allant de la mer du Nord à la frontière hongroise.

En 1495, la diète de Worms accepta tout de même quelques réformes : la paix perpétuelle, la création d’un tribunal d’appel pour tout l’Empire (Reichskammergericht) et le principe d’un impôt général (gemeiner Pfennig), dont la conséquence fut la division de l’Empire en cercles ; ces circonscriptions géographiques regroupaient plusieurs États et formaient des unités territoriales de moyenne importance. Cercles et tribunal d’Empire devaient fonctionner plus ou moins jusqu’à la fin du xviiie s., mais, déjà, les ordres visaient à limiter l’autorité impériale et à se placer sur un pied d’égalité avec l’empereur, conformément à la formule « l’empereur et l’Empire ».


Maximilien et l’Italie

Maximilien put d’autant moins vaincre les résistances de la noblesse autrichienne ou des princes allemands qu’il se lançait dans les affaires italiennes à l’époque de Machiavel et des guerres d’Italie*. Par son mariage en 1494 avec Bianca Maria Sforza, il se trouva de nouveau en conflit avec Charles VIII, puis avec Louis XII*, lorsque celui-ci eut occupé le Milanais, qu’il fut pourtant contraint de lui inféoder en 1504, afin de maintenir la suzeraineté de l’Empire sur cet État. Comme en 1508, les Vénitiens l’empêchèrent d’aller à Rome se faire couronner par le pape, il se vengea en fomentant, avec la France, le Saint-Siège et l’Espagne, la ligue de Cambrai, qui était dirigée contre la Sérénissime République. La victoire française d’Agnadel en 1509 provoqua un renversement des alliances ; Maximilien put mettre sur pied une coalition antifrançaise, qui correspondait à ses vœux les plus chers, mais n’aboutit à rien grâce à la victoire du jeune François Ier* à Marignan (1515) ; en 1516, il signait, à Bruxelles, la paix avec la France qui conservait le Milanais et il traitait avec Venise deux ans plus tard.


Maximilien et l’affermissement de la souveraineté des Habsbourg en Europe

Si les troupes de Maximilien n’avaient pas gagné grand-chose en Italie, ses diplomates conclurent, d’une manière inespérée, une série de mariages qui assurèrent la prépondérance de la Maison des Habsbourg en Europe. En 1496 son fils Philippe Ier le Beau épousait la fille de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille, l’infante Jeanne la Folle, tandis que sa fille Marguerite épousait, en 1497, leur héritier, don Juan. La mort prématurée de ce dernier (1497) et de Philippe le Beau (1506) fit de ses petits-fils Charles et Ferdinand les héritiers des couronnes de Castille et d’Aragon.

En 1515, Maximilien réussissait encore un coup de maître : le double mariage avec les héritiers des Jagellons. Il adoptait Louis Jagellon, fils du roi de Bohême et de Hongrie, à qui il faisait épouser sa petite-fille Marie, sœur de Charles et de Ferdinand. Ce dernier épousait d’autre part Anne Jagellon, sœur de Louis. Plus tard, Ferdinand devait recueillir les fruits de ce mariage d’intérêts : son beau-frère Louis II était tué à la bataille de Mohács (1526) et Ferdinand parvenait à se faire élire roi de Bohême et de Hongrie.

En revanche, il ne put pas faire élire de son vivant son petit-fils Charles roi des Romains. Pourtant, l’habileté de ce dernier et l’argent de Jakob II Fugger*, banquier de Maximilien, devaient réparer cette omission. Quoi qu’il en soit, le « dernier chevalier » avait magnifiquement œuvré pour la gloire de sa maison et préparé la voie à son petit-fils, Charles* Quint.

J. B.

➙ Autriche / Bourgogne / Bretagne / Habsbourg / Italie (guerres d’) / Saint Empire romain germanique.

 Correspondance de l’empereur Maximilien et de Marguerite d’Autriche, éd. par A. Le Glay (Renouard, 1840 ; 2 vol.). / H. Ulmann, Kaiser Maximilien I (Stuttgart, 1884-1891 ; 2 vol.). / F. Schneider, Universalstaat oder Nationalstaat (Innsbruck, 1941).