Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Maures (suite)

Les populations de ces tribus habitent sous la tente, faite de carrés, de bandes de laine brune ou de coton tissé blanc. La nourriture est constituée par de la semoule, des dattes, des laitages et exceptionnellement de la viande. L’usage de l’eau est très réglementé. Une tribu est considérée comme l’usagère prioritaire d’un puits creusé sur son terrain de parcours. Les distinctions entre tribus nomades tiennent à la fois de leur origine sociale et de leur situation géographique (climatologique). Dans la zone sahélienne, où les pluies sont régulières, il y a une nomadisation régulière ; dans la moyenne Mauritanie, où les pluies sont déjà plus irrégulières, la nomadisation se fait sur un plus long parcours et dans des zones moins délimitées ; enfin, en haute Mauritanie, il n’y a ni périodes ni itinéraires fixes, car le nomade suit la pluie.

Les tribus maraboutiques se consacrent surtout à l’enseignement, au forage des puits et à l’organisation des caravanes commerciales. Les Maures se répartissent en plusieurs confréries islamiques : Qādirīya, Tidjānīya, notamment. Les impôts versés aux tribus dominantes consistent en l’‘achūr, égal à un dixième du revenu agricole, et en la zakāt, qui vaut un quarantième de la valeur des troupeaux.

J. C.

Mauriac (François)

Écrivain français (Bordeaux 1885 - Paris 1970).


Ayant très jeune perdu son père, brillant élève des marianistes, également attiré par la littérature et l’instruction religieuse, il vient à Paris à vingt ans. Il débute par des poèmes classiques de forme et à l’inquiète ferveur, les Mains jointes (1909), saluées par Barrès, et l’Adieu à l’adolescence (1911). Après un premier roman, l’Enfant chargé de chaînes (1913), suivi de la Robe prétexte (1914), ses dons de romancier s’affirment dans la Chair et le sang (1920), Préséances (1921), et surtout dans le Baiser au lépreux (1922), drame d’un homme repoussant dont la mort permet à sa femme de se dépasser. L’année suivante voit paraître le Fleuve de feu. La réputation de Mauriac ne cesse de croître avec Genitrix (1923), un chef-d’œuvre dont l’héroïne est une mère abusive, le Désert de l’amour (1925), dont les personnages se heurtent au même malentendu fondamental, Thérèse Desqueyroux (1927), où la protagoniste tente d’échapper par le crime à sa solitude et à la monotonie des jours, et Destins (1928). Le Nœud de vipères (1932), plongée dans les ténèbres, marque le couronnement d’une œuvre. Cette satire d’un milieu provincial, bourgeois et catholique qui s’organise autour d’un être haineux et cupide est d’une sombre cruauté. Le Mystère Frontenac (1933) apporte en revanche une note de fraîcheur dans l’univers mauriacien. D’autres romans suivront encore : en 1935, la Fin de la nuit ; en 1936, les Anges noirs ; en 1939, les Chemins de la mer.

Parallèlement, des essais, où s’expriment les préoccupations de chrétien et d’écrivain, jalonnent cette carrière romanesque : le Roman, la Vie de Jean Racine (1928), Souffrances et bonheur du chrétien (1931), le Romancier et ses personnages (1933), Vie de Jésus (1936) et, en outre, de nombreux poèmes (Orages, 1925 ; le Sang d’Atys, 1941). Lors de la guerre civile d’Espagne, Mauriac fait une violente campagne contre les prétentions chrétiennes de Franco. Pendant l’occupation, sous le pseudonyme de Forez, il publie le Cahier noir (1943). Après la Libération, il revient à la scène, déjà abordée en 1938 avec Asmodée, et donne trois pièces (les Mal Aimés, 1945 ; Passage du malin, 1948 ; le Feu sur la terre, 1950). Mais dès lors il réserve une part importante de son temps à l’action politique, en collaborant à divers journaux (le Figaro, l’Express) avec des éditoriaux et un Bloc-Notes, s’éloignant d’ailleurs de plus en plus avec les années des progressistes aux côtés desquels il avait combattu. Les romans de sa vieillesse (le Sagouin, 1951 ; Galigaï, 1952 ; l’Agneau, 1954) n’ont pas la force des livres de la maturité. Du moins ses Nouveaux Mémoires intérieurs (1965), après les tomes du Journal (1934-1940), font le bilan de cette œuvre tourmentée et fervente.

« Rien ne pourra faire que le péché ne soit l’élément de l’homme de lettres ; et les passions du cœur, le pain et le vin dont, chaque jour, il se délecte. Les décrire sans connivence [...] est sans doute à la portée du philosophe et du moraliste, non de l’écrivain d’imagination dont tout l’art consiste à rendre visible, tangible, odorant, un monde plein de délices criminelles, de sainteté aussi » (Journal, II). Ombres et lumière, telles sont les voies où le roman mauriacien s’engage. Ces livres brûlants, aux arrière-plans sulfureux, pleins des odeurs de cendre éteinte, des senteurs végétales de la province, dont les secrets tourments de leurs héros s’expriment dans de chauds après-midi alourdis par l’orage, fixent un décor oppressant à la mesure des conflits qui opposent les personnages. Ils marquent la lutte de la nature et de la grâce, l’affrontement des concupiscences mondaines et de l’amour de Dieu, le divorce entre « Cybèle et le Christ ». Cette peinture des âmes inquiètes dans leur chair et tendues vers le mysticisme, cette crispation des corps et des cœurs pétris de boue et de sainteté qui ne se résignent pas à leur combat intérieur, trahissent la dualité des thèmes d’une œuvre et en constituent l’unité. L’univers mauriacien, dans un pays de landes et de vignes où surgissent de vieilles demeures aux volets clos, a une apparence étouffante. L’air qu’on y respire, au milieu de ces convoitises sensuelles et de ces élans vers la transcendance, au sein même de cet inquiétant mariage du ciel et de l’enfer, laisse néanmoins la perspective d’horizons lumineux et adoucis par l’espérance. (Acad. fr., 1933 ; Prix Nobel de litt., 1952).

A. M.-B.

 C. Du Bos, François Mauriac et le problème du romancier catholique (Corrêa, 1933). / G. Hourdin, Mauriac, romancier chrétien (Éd. du Temps présent, 1945). / A. Palante, Mauriac, le roman et la vie (Le Portulan, 1946). / R. J. North, le Catholicisme dans l’œuvre de François Mauriac (Éd. du Conquistador, 1949). / N. Cormeau, l’Art de François Mauriac (Grasset, 1951). / J. Robichon, François Mauriac (Éd. universitaires, 1953). / P.-H. Simon, Mauriac par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1953). / M. Alyn, François Mauriac (Seghers, 1960). / X. Grall, François Mauriac journaliste (Éd. du Cerf, 1960). / B. Roussel, Mauriac, le péché et la grâce (Éd. du Centurion, 1965). / K. Goesch, François Mauriac. Essai de bibliographie chronologique, 1908-1960 (Nizet, 1966). /J. de Fabrègues, Mauriac (Plon, 1971). /A. Séailles, Mauriac (Bordas, 1972). / B. Chochon, François Mauriac ou la Passion de la terre (Lettres modernes, 1973).