Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

matrice d’une application linéaire (suite)

Il est bien plus simple d’utiliser une base de vecteurs propres et de faire tout calcul portant sur f dans cette base, puisque la matrice A′ est diagonale ; il en est alors de même de A′2, ..., de A′p pour tout entier p naturel ou même relatif si cela est possible. De plus, si A′ = P–1 AP, on a :
A′n = (P–1 AP) (P–1 AP) ... (P–1 AP),
A′n = P–1 A (PP–1) A (PP–1) ... AP = P1 An P
d’où
An = PA′n P–1,
ce qui permet le calcul de An quand on connaît P, d’où P–1 et A′n qui est diagonale.


Théorème de Cayley-Hamilton. Polynôme minimal d’une matrice

Toute matrice carrée A vérifie son équation caractéristique. Si
λn – a1 λn–1 + a2λn–2 + ... + (– 1)n an = 0
est l’équation caractéristique de la matrice A, et I = A0, A, A2, ..., An, les n + 1 premières puissances de A, on a la relation
An – a1 An–1 + a2 A n–2 + ... + (– 1)n an I = 0
Mais il se peut que la matrice A vérifie une équation de degré inférieur à celui de l’équation caractéristique, obtenue en égalant à zéro le polynôme minimal.

Le polynôme minimal de la matrice A est le polynôme de plus bas degré, à coefficients dans le corps K, annulé par la matrice A. On peut supposer que le coefficient de son terme de plus haut degré est égal à 1, comme pour le polynôme caractéristique. Le polynôme minimal divise le polynôme caractéristique ; de plus, ces deux polynômes ont exactement les mêmes racines. Seul l’ordre de multiplicité de ces racines diffère éventuellement. Pour qu’une matrice A soit diagonalisable, c’est-à-dire pour qu’on puisse choisir une base de vecteurs propres, il faut et il suffit que son polynôme minimal n’ait que des racines simples. C’est le cas, en particulier, quand le polynôme caractéristique n’a que des racines simples.

E. S.

➙ Algébrique (équation) / Conique / Déterminant / Espace euclidien de dimension trois / Forme linéaire / Hermitien (espace) / Linéaire (application) / Quadratique (forme) / Quadrique / Vectoriel.

 R. Deltheil, Compléments de mathématiques générales à l’usage des physiciens et ingénieurs, t. I : Algèbre linéaire et calcul différentiel (Baillière, 1953). / A. Lichnerowicz, Algèbre et analyse linéaires (Masson, 1956). / P. Dubreil, M. L. Dubreil-Jacotin, Leçons d’algèbre moderne (Dunod, 1961). / H. Blanchard et C. Forest, Traité de mathématiques (Hachette, 1966). / L. Chambadal et J. L. Ovaert, Cours de mathématiques (Gauthier-Villars, 1966-1972 ; 3 vol.). / J. Lelong-Ferrand et J.-M. Arnaudiès, Cours de mathématiques, t. I : Algèbre M. P. Spéciales A, A′ (Dunod, 1971).

Matsys (les)

Famille de peintres flamands dont le patronyme s’écrit Metsys, Matsys ou Massys ; elle comprend principalement Quinten et ses deux fils Jan et Cornelis.


Quinten Matsys (Louvain v. 1466 - Anvers 1530), fils d’un forgeron, fut peut-être au départ forgeron lui-même, métier qu’il aurait abandonné par amour, selon une légende transmise par une inscription taillée dans la pierre du puits orné de ferronnerie qui se dresse devant la cathédrale d’Anvers. On ignore tout de sa formation. Après la mort de Dieric Bouts* (1475), l’école de Louvain se maintient avec son fils Albrecht et, vu les influences marquant le début de son œuvre, il est possible que Quinten Matsys ait été l’élève de ce dernier. Établi à Anvers* en 1491, reçu la même année franc maître à la gilde de Saint-Luc, Quinten Matsys va voir sa carrière s’épanouir parallèlement au prodigieux essor économique et intellectuel de la ville, qui bénéficie du déclin de Bruges. Il est lié avec le secrétaire de la ville Pieter Gilles, auteur latin sous le nom de Petrus Egidius (1486-1533), qui lui fait connaître ses amis Érasme* et Thomas* More. Ce climat humaniste aura une influence sur l’œuvre de Matsys.

Artiste de transition, il est héritier de l’art flamand du xve s., mais tôt conquis par l’esprit nouveau soufflant d’Italie. Chez lui, la souplesse du dessin et la modulation de la couleur — qui sont des apports nouveaux, annonciateurs du maniérisme* — s’harmonisent parfaitement avec la rigueur de la peinture gothique flamande. Il débute par des sujets religieux, multiplie les images du Christ, de la Madone et aussi de sainte Madeleine, genre dans lequel il s’écarte des modèles réalistes de ses devanciers pour créer un type féminin fortement idéalisé. Parmi les grands triptyques, deux sont à mettre hors pair : la Lignée de sainte Anne (1507-1509, musées des Beaux-Arts de Bruxelles) et l’Ensevelissement du Christ (1508-1511, musée d’Anvers), qui peut être tenu pour son chef-d’œuvre. Dans le premier, les personnages, groupés trois par trois sous un lourd portique Renaissance, sont traités avec souplesse dans une gamme de couleurs brillantes. Dans le second triptyque, la composition est particulièrement savante. Le contraste est saisissant entre le panneau central et les volets : ces derniers sont peints d’une palette chatoyante et les couleurs, infiniment diversifiées, débordent dans le panneau central, où tout l’effet est cependant concentré sur le corps livide du Christ que soulignent les robes bleue de la Vierge et rouge de saint Jean. Contrairement au triptyque de Bruxelles, où les arcades enserrent la scène, une échappée sur le Golgotha élargit la portée du drame. Le corps du Christ s’oppose, par sa raideur toute gothique, aux lignes sinueuses des vêtements. L’élément psychologique n’est pas négligeable. Si certains primitifs ont su exprimer la douleur, tel Rogier Van der Weyden*, la plupart s’en tiennent à la sérénité, sauf dans le portrait, où ils se montrent souvent analystes sans indulgence. Quinten Matsys va nettement plus loin : le Banquet d’Hérode — volet gauche du triptyque d’Anvers — exprime les sentiments du trio formé par Hérode, Hérodiade et Salomé.

Glissant de l’observation psychologique à la scène de genre, c’est d’un œil critique qu’il regarde ses contemporains. Il crée le type du banquier ou du changeur manipulant des pièces d’or, qui sera popularisé par Marinus Van Reymerswaele (v. 1493 - v. 1570) ; il peint de même une courtisane caressant un vieillard, thème que développera Jan Sanders Van Hemessen (v. 1500-1563). Ses portraits sont remarquables par leur diversité. Le style varie selon le caractère du personnage, tantôt d’une sérénité méditative, comme pour Érasme, mêlée d’une pointe d’esprit comme pour Pieter Gilles, tantôt d’un réalisme frisant la caricature comme dans tel portrait de Vieillard du musée Jacquemart-André à Paris. Encore qu’il n’ait pas fait de paysages autonomes, Quinten Matsys a consacré beaucoup de soins à ce genre pour meubler le fond de ses tableaux, influencé sans doute par Joachim Patinir*, qui fut son collaborateur occasionnel.

Très recherchées par les amateurs du début du xviie s., ses œuvres se trouvent principalement à Anvers, mais aussi à Bruxelles, Paris, Lisbonne, Londres, Madrid, Poznań et Lyon.