Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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mathématique ou mathématiques (suite)

Les grandes structures mathématiques

À cette époque, où les géométries non euclidiennes, nées depuis une quarantaine d’années, viennent d’être révélées aux savants français, grâce surtout aux efforts d’Hoüel, où la théorie des groupes, créée aussi depuis environ quarante ans par Évariste Galois* (1811-1832), pour l’étude des équations algébriques, commence à être utilisée en géométrie, l’arithmétisation de toutes les mathématiques est le fait d’hommes comme Charles Méray (1835-1911) ou Karl Weierstrass* (1815-1897).


Théorie des ensembles

Puis, avec Georg Cantor* (1845-1918), qui établit les bases de la théorie des ensembles, les mathématiques entrent dans une phase nouvelle, caractérisée par la méthode axiomatique et la mise en valeur de la notion de structure.

Les idées ensemblistes auront beaucoup de difficultés à se faire admettre, mais elles trouveront, grâce en particulier à la jeune école française, un champ fertile d’applications dans l’étude des fonctions de la variable réelle. Un des membres les plus brillants de cette école, René Baire (1874-1932), écrit en 1909 : « Le mot ensemble, à cause même de sa simplicité et de sa généralité, ne paraît pas susceptible d’une définition précise. Tout au plus peut-on le remplacer par des synonymes, tels que collection, assemblage d’un nombre fini ou infini d’objets, ces objets étant en général des êtres mathématiques de même nature, tels que des nombres, des points de l’espace, des fonctions [...].

Pour des raisons du même ordre, il ne semble pas qu’il y ait lieu de chercher à délimiter à l’avance le domaine qu’on doit comprendre sous le titre général de théorie des ensembles ; cela serait d’autant plus difficile que ce titre tend de plus en plus à s’appliquer à des questions très diverses ; et peut-être même s’agit-il moins d’un corps de doctrine isolé que d’une méthode générale dont l’influence pénètre dans les diverses parties des mathématiques. »

Depuis, la théorie des ensembles a pris un développement considérable. Ses parties les plus profondes nécessitent, pour être abordées, une préparation difficile. Son axiomatisation est des plus délicates et s’apparente aux parties les plus abstraites de la logique et des métamathématiques.

Le vocabulaire ensembliste est devenu toutefois le bien commun de tous les mathématiciens, et son introduction dans l’enseignement, même le plus élémentaire, s’est révélée utile.

Deux ensembles ont même puissance s’ils peuvent être liés par une relation bijective. Pour les ensembles finis, ou collections finies, la notion de puissance est la même que celle du nombre des éléments. Mais, pour les ensembles infinis, l’idée de nombre disparaît, et celle de puissance demeure. Très profonde, elle présente les plus grandes difficultés pour l’établissement d’une axiomatique.

Un ensemble, pris dans un sens général, est un objet a priori informe qui ne prend quelque consistance qu’une fois structuré. Deux ensembles de même puissance, comme celui des entiers positifs et celui des rationnels positifs, se distinguent l’un de l’autre par leurs propriétés caractéristiques ou ce que l’on appelle leurs structures.

Les structures se subdivisent en trois catégories : les structures algébriques, les structures d’ordre et les structures topologiques.


Structures algébriques et structures d’ordre

Parmi les premières figurent les structures de groupe, commutatif ou non, d’anneau, d’idéal d’anneau, de corps, d’espace vectoriel, etc. Les relations d’ordre dérivent d’une part du concept trivial de plus grand ou de plus petit, qui dominait l’antique notion de grandeur, d’autre part du concept d’antérieur et de postérieur, lié à l’intuition du temps. Elles se subdivisent en relations d’ordre total et en relations d’ordre partiel. Ces dernières ont donné naissance à la structure de treillis. Un treillis est un ensemble tel qu’à tout couple d’éléments correspondent deux nouveaux éléments, le plus grand de leurs minorants et le plus petit de leurs majorants. L’ensemble des nombres entiers naturels est un treillis par rapport à la théorie de la divisibilité : à tout couple d’entiers correspondent leur plus grand commun diviseur et leur plus petit commun multiple. La théorie des treillis a été évidemment créée pour l’étude de situations moins banales.

Parmi les diverses relations d’ordre total, Cantor a distingué les bons ordres. Un ensemble est bien ordonné si chacun de ses sous-ensembles possède un premier élément relativement à l’ordre considéré. Ainsi, l’ensemble des nombres entiers positifs est bien ordonné, relativement à l’ordre naturel. L’ensemble des entiers relatifs et celui des nombres rationnels positifs ne sont pas bien ordonnés, si l’on considère ce même ordre naturel ou habituel. Un axiome de la théorie des ensembles qui a amené de nombreuses discussions parmi les mathématiciens du début du siècle est celui qu’Ernst Zermelo (1871-1953) forgea en 1904 pour justifier une affirmation de Cantor : tout ensemble peut être bien ordonné.


Structures topologiques

La topologie exploite des notions voisines de la relation d’ordre. On y trouve les idées de sous-ensemble ouvert ou fermé, de voisinage, de sous-ensemble connexe, de point d’accumulation, de limite, etc. Elle a pris naissance surtout dans l’analyse mathématique et plus particulièrement dans l’étude des fonctions de la variable réelle ou complexe, si développée tout au long du xixe s. La topologie générale s’est développée entre 1920 et 1940, à la suite des travaux de Maurice Fréchet (1878-1973) et de Félix Hausdorff (1868-1942) ; son rôle est de forger un langage « géométrique » aussi commode et aussi souple que possible pour l’expression des résultats et des problèmes d’analyse fonctionnelle, de géométrie différentielle, etc.

Un cas particulier des espaces topologiques est celui des espaces métriques, historiquement les premiers apparus. Présentant quelques analogies avec l’espace euclidien, qui est leur prototype, ils sont tels qu’à toute paire d’éléments soit associée une « distance », c’est-à-dire un nombre réel positif satisfaisant à l’inégalité triangulaire : trois éléments étant considérés, la distance de deux d’entre eux est au plus égale à la somme des distances du troisième à chacun d’eux. C’est l’analyse fonctionnelle du début du siècle qui a introduit les espaces métriques : espaces de Banach, espaces de Hilbert, etc.