Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Martinique (suite)

En 1946, la Martinique aurait eu 200 000 habitants. Elle est alors entrée dans une période de rapide croissance démographique. La mortalité a connu une chute impressionnante, la natalité s’est maintenue à un niveau très élevé. Harmoniser le rythme de développement général et la croissance démographique est devenu le problème fondamental. Ralentir la croissance par l’émigration vers la métropole a été une solution ; ses effets sont déjà très nets : le taux de natalité est tombé à 27 p. 1 000 en 1971, l’émigration intéressant surtout les classes en âge de procréer. Avec les progrès de la contraception, on peut penser que la population connaîtra un rythme de croissance plus modéré.

Dans leur majorité, les Martiniquais habitent à la campagne dans des hameaux dispersés le long des voies de communication ou des bourgs. Cependant, l’agglomération de Fort-de-France, avec 120 000 habitants, rassemble plus du tiers de la population. Elle concentre aussi la majeure partie des activités secondaires et tertiaires.


L’économie

Depuis 1946, l’économie a été progressivement intégrée à celle de la métropole, et sa dépendance est à peu près totale. La France achète toute la production locale, sucre, rhum, bananes, ananas, à des cours très supérieurs aux prix mondiaux. La Martinique importe de la métropole tous les produits fabriqués et la majeure partie de son alimentation. La politique mise en œuvre consiste à obtenir une élévation du niveau de vie par des transferts qui concernent surtout l’aide sociale. Le développement du secteur productif est beaucoup moins rapide que la consommation et la distribution ; dans le produit intérieur brut, la part du secteur tertiaire dépasse 60 p. 100 de la valeur totale, contre 20 p. 100 à l’agriculture et à la pêche et un peu moins pour les industries.

L’économie agricole, principale richesse de l’île depuis le xviie s., voit alors sa place relative diminuer ; elle subit même une lente dégradation du fait de la désaffection des ruraux à l’égard du travail de la terre. Les surfaces cultivées diminuent ; les partages successoraux ont provoqué un émiettement antiéconomique de la petite propriété. Les terres abandonnées ne manquent pas, bien que la densité de la population soit très élevée. Les grands domaines créoles, par des artifices juridiques, ont réussi cependant à rester à peu près intacts. C’est la culture de la canne à sucre qui connaît le recul le plus spectaculaire. Au xixe s., elle couvrait environ 20 000 ha (environ 45 p. 100 de l’espace agricole) ; en 1968, moins de 8 000 ha (et 37 000 t de sucre) ; en 1970, on n’a produit que 26 866 t. La production se cantonne maintenant dans la région qui offre les meilleures conditions écologiques (plaine du Lamentin et ses prolongements vers le sud et au nord-est, plaines littorales du Galion et de Sainte-Marie). Entre 1960 et 1971, le nombre d’usines est tombé de 11 à 4 (qui travaillent au-dessous de leur capacité). Le sucre ne représente plus que 6 p. 100 de la valeur des exportations en 1970. Le rhum, par contre, se maintient (production oscillant entre 80 000 et 110 000 hl et représentant encore 20 p. 100 des exportations).

La banane, qui représente plus de la moitié de la valeur des exportations, n’a pris qu’en partie le relais de la canne à sucre. Elle subit les ravages des cyclones et de la sécheresse. La production commercialisable oscille entre 150 000 t et 200 000 t, récoltées sur 10 000 ha. Les débouchés sur le marché métropolitain, qui doit être approvisionné à raison des deux tiers par les Antilles, sont assurés à un prix supérieur au cours mondial. La Martinique bénéficie encore d’un quota de 45 000 t dans les autres pays du Marché commun. Les bananeraies s’étendent surtout sur les pentes des collines humides de la façade atlantique. Cette culture est une activité qui emploie en permanence de 1,5 à 2 personnes environ par hectare, avantage considérable par rapport à la canne à sucre dans un pays surpeuplé.

L’ananas a assuré 12 p. 100 de la valeur des exportations en 1970. On le cultive dans des zones relativement élevées autour de Gros-Morne et de Morne-Rouge, où il occupe 1 200 ha. Superficie et production augmentent. En 1970, on a récolté 27 406 t d’ananas, dont 22 247 ont été traitées dans les trois conserveries (qui ont produit 4 000 t de jus et 11 000 t de fruits en conserve), et 5 159 t de fruits ont été exportés frais. La culture et le traitement de l’ananas occupent une nombreuse main-d’œuvre ; malheureusement, le prix de l’ananas est élevé, et la production doit être soutenue.

Les cultures vivrières (localisées dans les mornes) des petits exploitants qui usent de pratiques culturales archaïques sont incapables de satisfaire les besoins de la population. Le déficit est aussi important en ce qui concerne l’élevage, bien que l’on constate une extension des prairies, que l’on substitue parfois à la canne à sucre. La pêche, en dépit d’efforts de modernisation, reste artisanale et inférieure aux besoins. Les aliments représentent 20 p. 100 de la valeur totale des importations.

Mis à part les centrales thermiques (un peu plus de 100 GWh par an) et une raffinerie de pétrole (capacité de 550 000 t), implantée dans la baie de Fort-de-France, la Martinique ne possède pas de grande industrie moderne. La réparation automobile, le conditionnement de quelques denrées alimentaires, la confection, le travail du bois forment un ensemble disparate au caractère artisanal. Le secteur secondaire, avec l’artisanat, emploie 20 p. 100 de la population active.

La majeure partie des espoirs de développement a porté sur le tourisme. Des hôtels de classe internationale se sont élevés à Fort-de-France et en bordure de sa baie, sur les plages sableuses des côtes méridionales et du sud-est. Le nombre de clients des hôtels est passé à 30 856 en 1970, le nombre des passagers des navires de croisière dépassant 100 000. Le développement du tourisme a créé un certain nombre d’emplois et rapporté environ 15 millions de francs à l’île.

Considérée dans son cadre insulaire avec sa nombreuse population, avec sa balance commerciale lourdement déficitaire (la couverture n’est que de 21 p. 100 en 1973), la Martinique paraît avoir un avenir sombre. Toutefois, comme partie de l’ensemble national, la Martinique bénéficie de relations de solidarité et peut espérer ainsi résoudre ses difficultés économiques et sociales.

J.-C. G.