Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Marshall (Alfred) (suite)

Marshall a le mérite de considérer que les échanges réalisés dans les conditions de la concurrence* parfaite ne sont pas optimaux par suite de la mauvaise répartition des revenus* et également de certains traits relatifs à l’organisation de la production*. Il distingue nettement les problèmes de l’optimum de répartition et de l’optimum des productions et de l’échange.

Marshall s’est également signalé par des recherches concernant le commerce international : l’élasticité de la demande internationale se complique des possibilités d’effets parasitaires dus à des changements des parités monétaires. Il introduit aussi la distinction entre la courte et la longue période et fouille la notion du temps économique. Par ailleurs, pour rendre compte du problème posé par la décroissance continue des coûts, il utilise la notion d’« économies externes » : on peut admettre, dit-il, que la décroissance des coûts procède de faits qui ont pour théâtre l’extérieur de l’entreprise, comme l’amélioration des moyens de transport* due à la concentration d’un grand nombre de firmes dans la même région. Par ces innombrables découvertes, Marshall a enrichi considérablement les méthodes de l’analyse économique moderne.

J. L.

➙ Économique (science).

Marshall (George Catlett)

Général et homme politique américain (Uniontown 1880 - Washington 1959).


George Catlett Marshall naît dans une famille encore tout imprégnée des souvenirs de la guerre civile, dans une société rurale en pleine mutation. Très tôt, le métier de soldat l’attire : il entre à l’Institut militaire de Virginie, moins prestigieux que l’académie de West Point, mais plus conforme à ses aptitudes et à ses convictions politiques. Sous-lieutenant en 1901, il part pour les Philippines, où il participe à la lutte contre l’insurrection indigène. À son retour aux États-Unis en 1903, il connaît la vie monotone des officiers américains de cette époque. En 1906, il obtient l’autorisation de suivre les cours de l’école d’infanterie de Fort Leavenworth ; sa carrière s’oriente dès lors vers les problèmes d’instruction et les tâches d’état-major ; il complète sa formation professionnelle et fait connaissance de la plupart des officiers de sa génération.

Quand les États-Unis entrent en guerre en avril 1917, Marshall vient d’être nommé capitaine. Le général William Luther Sibert (1860-1935), qui commande la 1re division du corps expéditionnaire en France, lui demande de l’accompagner. Dans le camp d’instruction de Gondrecourt, puis sur le front de l’Est, enfin à Cantigny (près de Montdidier) en mai 1918, le jeune officier d’état-major, calme et résolu, accroît ses connaissances techniques, organise méthodiquement la participation de la 1re division aux combats. Le général John Joseph Pershing l’a remarqué et, en juillet 1918, l’affecte à son quartier général dans la section des opérations, au moment où le corps expéditionnaire compte plus d’un million d’hommes et reçoit chaque mois de 250 000 à 300 000 renforts. L’heure de gloire de Marshall arrive en septembre. Après la victoire de Saint-Mihiel, il parvient en quelques jours à transporter sur le front de l’Argonne un demi-million d’hommes et 2 700 canons sur des routes défoncées et étroites, de nuit pour tromper les Allemands, dans la boue. Responsable en grande partie des succès américains d’octobre, Marshall termine la guerre à l’état-major du VIIIe corps d’armée.

Au retour de la paix, Pershing continue de jouer un rôle décisif dans sa carrière : chef de l’état-major à partir de 1921, initiateur d’une réorganisation de l’armée, il garde Marshall à ses côtés jusqu’en 1924. Après un séjour de trois ans en Chine, dans une unité stationnée à Tianjin (T’ien-tsin), Marshall est nommé à Fort Benning — en Géorgie — chef adjoint de l’instruction. Influencé par la doctrine de la guerre en rase campagne de Pershing, il forme une génération de chefs comme Omar Nelson Bradley (né en 1893), Matthew Bunker Ridgway (né en 1895), Joseph Warren Stilwell (1883-1946), Walter Bedell-Smith (1895-1961), etc. Malgré sa réputation, Marshall ne devient général de brigade qu’en 1936 ; encore a-t-il fallu que Pershing brise les derniers obstacles. En 1939, il figure parmi les trois candidats au poste de chef de l’état-major ; c’est lui qui est désigné : il entre en fonction le 1er septembre.

Alors que l’Europe s’enflamme, l’armée américaine comprend 200 000 hommes, comme en 1917, 330 chars légers ; ses stocks d’armes et de munitions sont inexistants. La défense des États-Unis repose sur la marine britannique et sur l’armée française. Aussi Marshall doit-il agir dans deux directions. Malgré un fort courant isolationniste, il faut convaincre le Congrès et obtenir de lui des crédits supplémentaires pour l’armée. Tout en sauvegardant les apparences de la neutralité, les Américains doivent aider les Britanniques, qui, depuis juin 1940, mènent seuls le combat contre l’Axe. Entre le président Roosevelt*, le nouveau secrétaire à la Guerre Henry Lewis Stimson (1867-1950) et Marshall, l’accord est total, qu’il s’agisse de la mise en place du service militaire sélectif en 1940-41 ou de la loi du prêt-bail adoptée en mars 1941. L’agression japonaise sur Pearl Harbor, Marshall ne l’a évidemment pas souhaitée, mais elle va rendre sa tâche plus claire et singulièrement plus complexe.

En quatre ans, huit millions d’hommes sont appelés sous les drapeaux. Il faut les équiper, les abriter, les armer, les instruire, les endivisionner. Marshall est le chef de cette vaste machine de guerre ; c’est lui aussi qui désigne les commandants du front européen et du front asiatique. Son poste est essentiel, car, contrairement à la situation de 1917-18, les problèmes stratégiques et logistiques se résolvent à Washington.

D’ailleurs, la guerre de coalition oblige Marshall à négocier avec les Anglais : il préside le groupe des Combined Chiefs of Staff, qui prend, au nom des Alliés, les grandes décisions militaires. Il fait triompher son point de vue sur deux questions capitales : l’Europe constituera le théâtre d’opérations principal, et la lutte contre le Japon ne prendra toute son ampleur qu’après la défaite de l’Allemagne ; la stratégie périphérique que recommande Churchill* et qui se concrétise par les débarquements en Afrique du Nord et en Italie ne mènera pas à la victoire : il faut frapper l’ennemi le plus fort, l’Allemagne, là où il est le plus fort, sur les côtes de l’Europe occidentale. Marshall n’a, toutefois, commandé sur aucun champ de bataille : il a préparé les victoires que d’autres, comme Eisenhower* et MacArthur*, ont eu la gloire de remporter. S’il a quitté le territoire américain pendant la guerre, c’est pour accompagner le président Roosevelt aux conférences de Casablanca, de Québec, de Téhéran et de Yalta, et le président Truman à la conférence de Potsdam ; son rôle a, en fait, été limité aux problèmes militaires. Mais ses compétences ont fait de lui un conseiller indispensable. Aussi, quand il quitte son poste le 21 novembre 1945, Truman s’empresse-t-il de lui confier de nouvelles tâches : il en fait son envoyé spécial en Chine, avec rang d’ambassadeur.