Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Marquet (Albert) (suite)

Dès 1907, cette période est terminée pour Marquet, déjà en possession d’un style très personnel auquel il restera fidèle toute sa vie. Ses paysages, exécutés lors de nombreux voyages en Europe et en Afrique du Nord, rendent admirablement les jeux de la lumière, ceux de l’eau dans les bassins des ports, sur les lacs ou dans les zones plus animées ou tumultueuses (mers, fleuves), et aussi les différents états de l’atmosphère (neige, vent, pluie, soleil et transparence de l’air...).

Il adoucit les tons purs du fauvisme, et a même une prédilection pour les dominantes grises. C’est ainsi que de nombreuses vues de Paris qu’il a peintes avant 1920 sont de véritables symphonies en gris. Marquet ne peint que la réalité révélée à ses yeux de myope. Il n’a pas d’imagination, mais il a un humour qu’il exprime en peuplant ses tableaux et ses aquarelles de petits personnages, d’animaux, d’objets saisis avec intuition et rapidité. Ses tableaux réalistes rendent avec une incontestable poésie l’atmosphère des ports (Hambourg, Rotterdam, Le Havre, Marseille, Alger ou Naples) et celle des quais parisiens. D’instinct, ce merveilleux paysagiste sait mettre le ton juste, garder l’essentiel et éliminer le superflu de ses sensations. C’est un observateur passionné de la lumière, comme Signac, qu’il accompagna à plusieurs reprises à La Rochelle.

C’est aussi un remarquable dessinateur. Ses dessins incisifs, croqués sans repentir, ont fait dire à Matisse : « Il est notre Hokusai. » Ses croquis parisiens au pinceau (1905) rappellent l’aisance des scènes de rues de Bonnard. Malicieux et attentif, spirituel et contemplatif, Marquet excelle à noter le mouvement d’un simple coup de crayon. Il a illustré et gravé de nombreux livres et albums : Mon brigadier Triboulère, d’E. Montfort (1918) ; l’Académie des dames et Moussa le petit Noir, de sa femme Marcelle (1925) ; Sites et mirages, de H. Bosco, etc.

B. C.

 F. Fosca, Marquet (Gallimard, 1922). / A. Rouveyre et G. Besson, Marquet, dessins (le Point Souillac, 1943). / M. Marquet, Marquet (Laffont, 1951) ; Marquet, voyages (la Biblioth. des Arts, 1969). / M. Marquet et F. Daulte, Albert Marquet (David Perret, 1954). / F. Jourdain, Marquet (Cercle d’Art, 1959).

Marquette (Jacques)

Jésuite français (Laon 1637 - près du lac Michigan 1675).


Il enseigne d’abord dans divers collèges de l’ordre des Jésuites, auquel il se destinait, mais il sent qu’il n’a pas de vocation didactique particulière et il demande à être envoyé en mission dans les terres lointaines. Il n’est pas certain que la prêtrise lui ait été conférée. En tout cas, il part pour le Canada en 1666 et commence aussitôt à étudier les langues amérindiennes : il en parlera une demi-douzaine. En 1669, il est envoyé près de l’extrémité du lac Supérieur, sur la baie Chequamegon, pour y fonder une mission. En 1671, il en établit une autre, dédiée à saint Ignace, sur la rive nord du détroit qui sépare le lac Michigan du lac Huron. C’est là qu’il est rejoint, l’année suivante, par Louis Joliet (1645-1700), à qui certains voudront donner le rôle prépondérant dans l’expédition qu’ils vont entreprendre : les deux hommes sont chargés par Frontenac* de rechercher l’un des grands objectifs de l’exploration, la voie vers l’Orient, que l’on pense trouver sur un fleuve appelé « Michissipi » par les Indiens.

Partis de Michillimatinac, sur le lac Michigan, en mai 1673, Marquette et Joliet, après un portage, atteignent la rivière Wisconsin. Ils sont au confluent du Mississippi le 17 juin 1673 et commencent à descendre le grand fleuve : ils iront jusqu’au 34e degré de latitude, au nord de l’actuelle Memphis. Ce trajet était suffisant pour montrer que le fleuve ne pouvait mener vers le Pacifique : il rejoignait le golfe du Mexique et les possessions espagnoles, qu’il fallait éviter. La Nouvelle-France ne tenait pas les clefs de l’Orient.

Les explorateurs, déçus, reviennent donc vers le nord et, par la rivière des Illinois, retrouvent le chemin du lac Michigan.

En 1674, au cours d’une visite chez les Illinois, Marquette tombe malade. Il cherche à revenir à Saint-Ignace, mais meurt en chemin, près de l’embouchure de la rivière qui porte son nom (rive est du lac Michigan).

S. L.

Marrakech

En ar. Marrākuch, v. du Maroc ; 332 740 hab.


Marrakech est au troisième rang des villes marocaines. Avec un croît de 36,8 p. 100 en onze années, c’est l’une des grandes villes du pays dont le dynamisme est le plus faible. Comme l’autre grande cité impériale, Fès, Marrakech n’a pu trouver dans l’exploitation touristique de sa gloire passée les compléments d’activité propres à relever les insuffisances de ses fonctions de métropole régionale et de centre industriel.

Fondée en 1062 par Yūsuf ibn Tāchfīn, premier souverain de la dynastie des Almoravides, Marrakech doit en fait sa première gloire aux Almohades, spécialement dans la seconde moitié du xiie s., au temps du sultan ‘Abd al-Mu’min, qui entreprit la construction de la Kutubiyya, dont le style se retrouve dans celui de la Giralda de Séville. Après une éclipse sous les Marīnides, la ville connut une splendeur nouvelle, au xvie s., avec les Sa‘diens, au moment où l’Empire chérifien s’étendait jusqu’à Tombouctou. Mais, avec les ‘Alawītes, la Cour se transfère à Meknès ou Fès, et Marrakech ne tient plus qu’épisodiquement son rôle de capitale impériale. Mais cette dignité de cité makhzen se traduit encore par l’importance des tribus guich (djaych, soldats-laboureurs) implantées dans son environnement immédiat, et aussi par l’existence de la couronne que la palmeraie fait à la ville, palmeraie de prestige, irriguée par les rhettara (galeries souterraines).

L’agrément de Marrakech résulte en premier lieu de l’allure « exotique » du paysage d’ensemble, relevée par la couleur ocre des constructions, qui fait de la ville une sorte d’oasis soudanaise, au milieu de sa palmeraie, se découpant sur l’arrière-plan de la muraille de l’Atlas aux sommets enneigés l’hiver. La découverte de la médina ajoute à ce pittoresque avec l’alignement, coupé de bastions, de ses remparts, la montée très pure du minaret de la Kutubiyya, l’élégance des colonnes de marbre et des arabesques des tombeaux sa‘diens. La ville nouvelle, le Guéliz (Gillīz), plus banale certes, reste cependant en harmonie avec l’ensemble. À la rencontre des deux villes, la place Djema’a el-Fna (Djāma‘ al-Fanā) offre le grouillement de ses foules agglutinées autour des conteurs, des bateleurs, des acrobates, des charmeurs de serpents ; non loin de là, dans les souks, voisinent le bric-à-brac de la bimbeloterie internationale et les derniers produits de l’artisanat local rénové.

L’éclat et la diversité des paysages, la luminosité et la douceur du climat des hivers (précipitations annuelles : 240 mm) font de Marrakech une grande station touristique, avec un équipement hôtelier de l’ordre du millier de chambres, dont le fameux hôtel de la Mamounia.

Capitale « naturelle » d’une bonne partie du Sud marocain, Marrakech étend son influence non seulement sur la plaine environnante (le « Haouz », ou banlieue), mais encore sur l’Atlas occidental et, par les trouées du Tizi N’Test et du Tizi N’Tichka, sur tout le pays chleuh et, par l’intermédiaire d’Ouarzazate et de Zagora, jusqu’aux confins du désert.