Maroc (suite)
À partir du xve s., le Maroc se referme sur lui-même. Il ne reçoit qu’indirectement les influences turques, puissantes en Tunisie et en Algérie par suite de l’occupation ottomane. Coupé de l’Orient, et ne pouvant plus interroger l’islām espagnol, qui a vécu, il se stérilise et donne vite des signes de décadence. L’afflux de Maures, chassés par les Rois Catholiques, renforce les traditions et accroît les goûts conservateurs. Les architectures n’en demeurent pas moins de qualité, avec des traits constants d’archaïsme. Sous les Sa‘diens, Marrakech retrouve son ancien rôle de foyer d’art : la mosquée Bāb Dukkāla (1557-58), la medersa d’ibn Yūsuf (1564-65), les tombeaux des princes sont de précieux témoins de l’activité des xvie et xviie s. Sous les ‘Alawītes, le centre de l’empire se transporte à Meknès. À côté du beau minaret de la Zaitūna (xviie s.), aux étages décorés de niches aveugles, d’énormes édifices en pisé, et qui ne sont plus guère que ruines, prouvent le goût du colossal et l’ambition des sultans. L’art palatial donne, au cours des derniers siècles, ses œuvres les plus valables. Innombrables sont alors à Rabat, à Meknès, à Marrakech, à Fès, à Salé et dans les campagnes les somptueux et immenses châteaux qui groupent, dans un vrai dédale, harem, salles d’apparat, jardins attractifs et places publiques. On reconnaît en eux, malgré le désordre du plan, l’héritage des vieux palais andalous, dont l’imitation fidèle se trouvait déjà dans des demeures plus anciennes, surtout à Fès (xiii-xive s). Dans l’Atlas, les casbahs opposent au charme un peu désuet de ces résidences leur allure imposante et farouche, leur style presque soudanais.
Si, dans les arts mineurs, le Maroc n’a que rarement pu rivaliser avec l’Orient musulman, il faut rendre justice au travail des menuisiers, déjà évoqué ; à celui des bronziers, auquel nous devons les belles portes des mosquées et des medersa (‘Aṭṭārīn de Fès, 1342) et de plus rares objets mobiliers (lustres). Les ateliers de textiles ont produit des tissus remarquables, parmi lesquels les lampas à fil d’or de Fès. Les céramiques, toujours prisées, sont, malgré leur franchise, trop souvent méjugées en comparaison de celles d’Espagne ou d’Iran. Enfin, les tapis de l’Atlas se signalent par leur originalité, due aux traditions berbères, tandis que ceux des villes subissent l’influence indirecte de la lointaine Anatolie.
J.-P. R.
H. Terrasse, l’Art hispano-mauresque des origines au xiiie siècle (Van Oest, 1936). / G. Marçais, l’Architecture musulmane d’Occident (Arts et métiers graphiques, 1955). / M. Sijelmassi, la Peinture marocaine (Arthaud, 1972). / A. Sefrioui et X. Richer, Lumières du Maroc (Delroisse, 1975).