Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Maroc (suite)

La pénétration française (1906-1912)

Le traité d’Algésiras consacrait en 1906 la position privilégiée de la France au Maroc, où elle recevait mission d’assurer la police, mais lui interdisait toute annexion. C’est dans ce cadre que Lyautey* occupait Oujda dans l’été de 1907, les Beni Snassen au début de 1908, puis, peu après, les hauts plateaux au sud de la ligne Oujda-Taourirt. À l’ouest, en 1907 également, 6 000 Français, aux ordres du général Antoine Drude (1853-1943), débarquaient à Casablanca, et, en 1908, le général Albert d’Amade (1856-1941), faisant tache d’huile, contrôlait la riche plaine de la Chaouia.

Bénéficiant d’une paix qu’ils n’avaient pas connue depuis fort longtemps (et qui n’existait pas à l’intérieur du pays), les Marocains accueillirent cordialement les troupes françaises. Le gouvernement du sultan n’avait en effet une certaine autorité que dans quelques villes (le bled el-makhzen, en ar. bilād al-makhzan), mais presque aucune à l’intérieur (bled es-siba, en ar. bilād al-sāyba, le pays de la dissidence). En 1908, le sultan ‘Abd al-‘Azīz était détrôné par son frère Mūlāy Ḥafīẓ, qui lui reprochait sa faiblesse dans la négociation du traité d’Algésiras, mais l’autorité de ce dernier demeurait contestée par une large partie du pays marocain.

• L’affaire de Fès. En 1911, la situation avait empiré au point que le sultan était pratiquement prisonnier dans Fès, qu’entouraient des Berbères rebelles, prêts à donner l’assaut. Il ne lui restait plus qu’une solution, c’était de faire appel aux Français pour venir le délivrer. Partant de Kenitra, une colonne de 23 000 hommes commandée par le général Charles Moinier (1855-1919) arrivait à Fès le 21 mai, libérait le sultan et la colonie européenne, y laissait une forte garnison et repartait par Meknès, Souk-el-Arba du Rharb et Khemisset pour Rabat. Cette action provoqua une vive protestation de l’Allemagne et conduisit au fameux incident d’Agadir. Ce n’est qu’après l’accord franco-allemand de novembre 1911, qui lui laissait le champ libre au Maroc, que la France se décida à occuper l’ensemble du pays.

Le protectorat (1912-1914)

Après la signature du traité de protectorat (30 mars 1912), Lyautey, nommé résident général au Maroc, où il restera jusqu’en 1925, fit occuper une grande partie du pays, notamment Marrakech (par Mangin*), Mogador (par Franchet* d’Esperey), Kasba Tadla et Kenitra. Les Français contrôlaient alors deux énormes zones à l’est et à l’ouest du pays. La jonction entre elles sera l’œuvre de deux colonnes (Gouraud* à l’ouest et Baumgarten [1854-1928] à l’est), qui, le 16 mai 1914, se rejoignent à Taza, véritable porte du Maroc sur le grand axe Fès-Oujda. Dès lors, tout le Maroc utile, celui des plaines et des collines, était aux mains de la France. Lyautey en profita pour y établir partout la paix et favoriser le développement du pays : routes, marchés et écoles s’implantent en tache d’huile sous la conduite des officiers des bureaux de renseignement du Maroc (ancêtres des Affaires indigènes), qui reçoivent dans les territoires à eux confiés des pouvoirs très étendus et établissent une infrastructure administrative, économique et judiciaire.

La pause de la Première Guerre mondiale

En 1914, la majorité des troupes (37 bataillons) est renvoyée sur la France. Lyautey réussira à maintenir la paix au Maroc avec quelques unités, auxquelles il ajoutera de nombreux supplétifs (goums) recrutés sur place. Il parviendra même à envoyer sur le front français des formations de Marocains (dites d’abord « de chasseurs indigènes ») [v. coloniales (troupes)], dont l’effectif atteindra 34 000 hommes en 1918. Cependant, tandis que la paix régnait dans le sud du Maroc grâce à l’action du Glaoui, pacha de Marrakech, qui témoigna d’une remarquable loyauté envers la France, des éléments rebelles réussirent quelques incursions dans les zones pacifiées. Au nord, dans la région frontière du Maroc espagnol, une agitation beaucoup plus sérieuse, dirigée par Abd el-Krim avec l’appui d’agents turcs et allemands, couva durant toute la guerre et exigea la présence de la majorité des forces françaises disponibles.

Conquêtes en zone montagneuse (1920-1923)

Au lendemain de la victoire de 1918, la France engagea de véritables opérations pour dominer la résistance berbère. Celles-ci se déroulèrent dès 1920 dans le Nord, où deux groupes mobiles occupèrent la région d’Ouezzane et installèrent face au Rif une ligne de postes le long de l’oued Ouergha. Au sud de Taza, la plus grande partie d’une poche de 100 km sur 150 fut pacifiée de 1921 à 1924. Il en fut de même dans le Moyen Atlas, dans la région couvrant les hautes vallées de l’Oum-er-Rebia et de la Moulouya.

La guerre du Rif (1925-26)

Solidement organisé dans les montagnes du Rif, Abd el-Krim* avait infligé en 1921 à Anoual un grave échec aux troupes espagnoles du général Silvestre (1871-1921), qui se replièrent vers le nord dans leurs garnisons. Il en profita pour multiplier contre les Espagnols coups de mains et razzias, au point que ceux-ci abandonnèrent pratiquement la lutte en 1924. Libre de ce côté, Abd el-Krim jeta brutalement en avril 1925 l’ensemble de ses forces sur la ligne des postes français établis entre Ouezzane et le Haut Ouergha. Malgré la résistance héroïque de certains d’entre eux (tels ceux de Beni-Derkoul, défendu par le sous-lieutenant Pol Lapeyre [1903-1925]) et de Tafrannt), la ligne de communication Rabat-Fès-Taza était menacée et il fut même question d’évacuer cette dernière ville, qui ne fut sauvée que par les décisions énergiques de Lyautey. Mais les groupes mobiles des généraux Giraud*, Henri Freydenberg (1876-1975) et Paul Colombat (1886-1951) ne purent empêcher les Rifains de progresser en mai et juin d’une trentaine de kilomètres au sud de l’Ouergha. C’est alors que le gouvernement de Paris envoya le maréchal Pétain* avec 70 bataillons diriger les opérations contre Abd el-Krim (ce qui devait provoquer la démission du maréchal Lyautey).