Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Maroc (suite)

Pour sortir le pays de son isolement, le gouvernement établit des rapports diplomatiques et commerciaux avec des pays communistes et s’engage dans une politique arabe et africaine. En 1958, le Maroc adhère à la Ligue arabe. La même année, il participe à la conférence d’Accra et noue des relations étroites avec certains pays africains. Cependant, le pays connaît des difficultés politiques. En 1958, de nombreux militants de gauche quittent l’Istiqlāl pour fonder un nouveau parti : l’Union nationale des forces populaires (U. N. F. P.). Manifestant de sérieuses réserves sur le régime et les institutions, cette formation politique estime excessive la part prise par le roi dans le gouvernement. Le prestige de Muḥammad V reste néanmoins intact. À sa mort, en 1961, les problèmes du Maroc sont loin d’être résolus. Mais le pays connaît une certaine cohésion qui repose essentiellement sur l’attachement de la grande majorité de la population à la personne de ce souverain « bien-aimé ».

Son fils Ḥasan II (né en 1929) est immédiatement affronté aux divers problèmes qui affectent le pays, problèmes qui se posent tous en même temps. Très vile, les contradictions contenues par la personnalité de Muḥammad V font leur apparition. Pour les réduire, Ḥasan II manifeste, dès son avènement, son intention de démocratiser le régime en organisant une monarchie constitutionnelle. Mais la Constitution de 1962 lui réserve, malgré l’institution de deux chambres, l’essentiel du pouvoir. Il parvient certes à constituer, sous sa propre direction, un gouvernement avec la participation de l’Istiqlāl, mais ce parti rejoint très vite l’opposition pour ne pas cautionner un régime fondé sur le pouvoir personnel. Le roi lance alors le Front pour la défense des institutions constitutionnelles (F. D. I. C.), destiné à appuyer son gouvernement. Cependant, les premières élections législatives, organisées en 1963, ne donnent pas, malgré les diverses pressions, la majorité au parti gouvernemental. Aussi Ḥasan II décide-t-il, en juin 1965, de suspendre la Constitution, aggravant ainsi davantage les relations de son gouvernement avec les divers partis politiques.

À ces difficultés politiques s’ajoutent d’autres problèmes, d’ordre économique et social. La situation économique ne cesse de se dégrader, et le chômage devient une véritable plaie sociale. L’Union nationale des forces populaires (U. N. F. P.), dont la clientèle est constituée essentiellement d’ouvriers et d’étudiants, durcit alors ses positions contre le régime. En juillet 1963, le gouvernement fait arrêter ses militants les plus actifs.

Cependant, malgré cette politique rigoureuse et malgré la guerre engagée en octobre 1963 contre l’Algérie pour s’emparer des confins sahariens riches en minerai et regrouper la population autour du roi.

Ḥasan II n’arrive pas à réduire l’opposition à son régime. Au mois de mars 1965, Casablanca connaît de violentes manifestations. La répression menée par le général Oufkir (Muḥammad Ufqīr) [1920-1972], alors ministre de l’Intérieur, rend plus difficiles les relations entre le gouvernement et la population. C’est dans ce contexte que le leader de l’U. N. F. P., Mehdi Ben Barka (1920-1965?), est enlevé en octobre 1965 en plein Paris. En condamnant par contumace le général Oufkir à la réclusion criminelle à perpétuité, la justice française semble reconnaître la responsabilité des autorités marocaines dans cet enlèvement.

Les relations avec la France sont alors altérées, et Ḥasan II s’appuie davantage sur les États-Unis, qui accentuent leur pénétration dans le royaume chérifien. Mais la situation n’est pas pour autant améliorée. Privé d’une partie de ses cadres politiques, qui sont dans l’opposition, le pays a l’impression d’être à la merci d’une oligarchie. De là la désaffection de certains secteurs de l’opinion publique et l’isolement de plus en plus manifeste de cette oligarchie. Cet isolement atteint son paroxysme avec la défection de certains éléments de l’armée, considérée jusque-là comme le pilier de la monarchie. En l’espace d’une année (au mois de juillet 1971 et au mois d’août 1972), deux complots sont dirigés ou inspirés respectivement par les généraux Medhbouh (Muḥammad al-Madbūḥ) et Oufkir, qui passent cependant pour les deux hommes de confiance du roi. À deux reprises, celui-ci échappe à la mort. Mais son régime reste vulnérable, et le capital de sympathie voué par la population à la monarchie peut paraître alors quelque peu entamé. C’est pourquoi le roi, déclarant vouloir normaliser la vie politique, proclame en 1972 une nouvelle Constitution qui prévoit la marocanisation des terres et la mise en place de nouvelles institutions. En novembre 1975, un accord tripartite conclu à Madrid, selon lequel l’Espagne abandonne la souveraineté sur le Sahara occidental au profit de la Mauritanie et du Maroc, amène au roi un regain de popularité. La lutte menée contre l’opposition armée du Fronte Polisario (Front pour la libération de la Saguia-el-Hamra et du Rio de Oro) rencontre d’ailleurs l’adhésion des partis d’opposition. Ceux-ci, malgré la répression qui atteint toujours les partis de gauche, décident de ne pas boycotter les élections municipales de 1976, afin d’essayer d’agir désormais au sein des institutions.

Les campagnes du Maroc

Ensemble des opérations menées par les forces françaises de 1907 à 1934 pour assurer la pacification du pays.

Dès le milieu du xixe s., le problème de la pénétration française au Maroc s’était posé comme une conséquence de la conquête de l’Algérie. C’est ainsi qu’Abd el-Kader, refoulé par les Français, s’étant réfugié au Maroc, le général Bugeaud* franchit la frontière et battit les forces marocaines à la bataille de l’Isly (1844). Si la frontière algéro-marocaine fut alors délimitée avec précision jusqu’à 100 km de la mer, elle demeura ensuite très imprécise, ce qui fut l’occasion de nombreux différends. En 1900, les Français occupaient les oasis de la Saoura (Colomb-Béchar, Kenadsa), et, en 1901-02, des accords franco-marocains chargeaient la France de la police frontalière.