Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Marlborough (John Churchill, Ier duc de) (suite)

En tant que politique, on ne peut pas dire que Marlborough ait obtenu des résultats brillants. Mais il fut le meilleur soldat de son temps : sans avoir innové, il excella dans tous les compartiments de l’art de la guerre. Ses mouvements étaient soigneusement prémédités et admirablement cachés de façon à rester entièrement imprévisibles pour son ennemi. Ce n’est en tout cas pas sa faute si les Alliés ne purent s’assurer une victoire militaire complète sur les Français pendant la guerre de la Succession d’Espagne. Pourtant, cela nuisit beaucoup à sa gloire, et il fallut attendre l’étude que lui consacra son descendant sir Winston Churchill* pour que justice lui soit pleinement rendue.

J.-P. G.

➙ Grande-Bretagne / Stuarts / Succession d’Espagne (guerre de la).

 G. Murray, Letters and Despatches of John Churchill, First Duke of Marlborough from 1702 to 1712 (Londres, 1845 ; 5 vol.). / C. T. Atkinson, Marlborough and the Rise of the British Army (Londres et New York, 1921). / F. Taylor, The Wars of Marlborough, 1702-1709 (Oxford, 1921 ; 2 vol.) / H. Belloc, The Tactics and Strategy of the Great Duke of Marlborough (Bristol, 1933). / W. L. S. Churchill, Marlborough. His Life and Times (Londres, 1933-1938 ; 4 vol.). / I. F. Burton, The Captain General. The Career of John Churchill, Duke of Marlborough from 1702 to 1711 (Londres, 1968).

Marne (bataille de la)

Ensemble des opérations victorieuses par lesquelles l’invasion des armées allemandes fut arrêtée sur la Marne.


Le 30 août 1914, Moltke* transfère le G. Q. G. allemand de Coblence à Luxembourg : « Paris est à portée de la main », écrit Seeckt, chef d’état-major du 3e corps, et, pour les Allemands, la décision semble virtuellement acquise (v. Guerre mondiale [Première]). Le même jour, Joffre*, qui, le 25, espère encore rétablir ses forces sur la ligne Somme-Verdun, se résigne à donner ordre à Lanrezac, de Langle et Sarrail — qui commandent ses trois armées d’aile gauche — de continuer la retraite en direction de la Seine. Elles s’accrocheront à l’est à la place de Verdun et à l’ouest à celle de Paris, où une nouvelle armée, la VIe, confiée à Maunoury, vient d’être mise à la disposition de Gallieni* pour défendre la capitale. Ce même 30 août, les Parisiens ont reçu la première « visite » des aviateurs allemands, dont les petites bombes de 5 kg ont écorné quelques trottoirs. L’anxiété règne à Paris, où le public, qui rêvait encore d’entrée française en Alsace, a lu avec stupeur le communiqué du 25 : « Situation inchangée de la Somme aux Vosges. » Le 26, Viviani, étendant l’Union sacrée à son gouvernement, y appelle deux socialistes, Jules Guesde et Marcel Sembat.

Si Joffre s’est résolu à prolonger ainsi la retraite épuisante de ses troupes, c’est qu’il a encore besoin de quelques jours pour en rétablir la cohésion avant de les lancer dans une contre-offensive générale dont il guette patiemment l’occasion. Celle-ci va lui en être fournie dès le 1er septembre, lorsque les aviateurs de Maunoury lui apprennent la surprenante nouvelle de l’infléchissement vers l’est de Paris de l’aile droite allemande. La veille, en effet, Kluck, désobéissant à la directive de Moltke du 27 août qui le dirigeait à l’ouest de Paris, franchit l’Oise à Compiègne et, ignorant la présence de Maunoury sur sa droite, fonce vers le sud-est. Son but est de couper la retraite des Anglais et de Lanrezac, qu’il s’imagine (à tort) former l’aile gauche de Joffre. Dès lors, tandis que le 3 septembre Poincaré et le gouvernement Viviani gagnent Bordeaux*, la manœuvre d’où sortira la victoire de la Marne se précise dans l’esprit du généralissime français.

Le 4 septembre à 22 h, Joffre signe l’ordre général no 6 qui donne à ses armées d’aile gauche (VIe, Maunoury, Anglais de French ; Ve, où Franchet* d’Esperey vient de remplacer Lanrezac ; IXe, Foch*) le signal du demi-tour offensif. Le 5 au matin, actionnées et renforcées par Gallieni, qui fait appel aux taxis parisiens, les divisions de Maunoury tombent dans le flanc droit de Kluck. Le lendemain, la bataille est générale sur tout le front et revêtira durant cinq jours le caractère d’une lutte acharnée.

À l’ouest, pour contenir Maunoury devant l’Ourcq, Kluck doit rameuter en toute hâte ses avant-gardes qui avaient franchi les deux Morin entre Coulommiers et Montmirail. Ce faisant, il ouvre une brèche entre son armée et celle de Bülow, où s’engouffrent bientôt les Anglais et la gauche de Franchet d’Esperey. La droite allemande se trouve ainsi désagrégée, mais l’adversaire ne renonce pas à son plan, et, à partir du 8, Bülow et Hausen s’acharnent dans les marais de Saint-Gond contre le fond de la nasse où la IXe armée de Foch résiste désespérément. Elle réussit à maintenir sa liaison avec de Langle, qui, comme Sarrail, repousse victorieusement les assauts allemands sur la ligne Mailly-Vitry-le-François-Revigny. Dans la soirée du 8, Moltke prend brutalement conscience de la gravité de la situation et dépêche un de ses officiers, le colonel Rudolf Hentsch, pour coordonner la retraite de ses armées de droite, qu’il estime inévitable. Le 9, Hentsch convainc Kluck de la nécessité de « regrouper l’ensemble des forces allemandes sur un front cohérent entre Soissons et Verdun », ce qui est confirmé le 10 au soir par un ordre de Moltke.

Joffre, lui, ne pense qu’à la poursuite : « La victoire est maintenant dans les jambes de nos fantassins », mais ces jambes sont fatiguées (les régiments de la Ve armée qui ont fourni l’effort le plus rude ont couvert 650 km en 26 jours). Le 11 et le 12 septembre, les Allemands ont partout décroché, et ce n’est que dans la journée du 13 que les Français reprennent contact avec les avant-postes de leurs adversaires, qui s’étaient solidement retranchés au nord de l’Aisne, sur la Vesle et en Argonne. La victoire de la Marne sauvait la France du désastre et consacrait l’échec définitif du plan de guerre de l’état-major allemand.

P. D.

➙ Guerre mondiale (Première) / Joffre / Moltke.