Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Marius (Caius) (suite)

La fuite à Minturnes

Marius embarqua à Ostie, fut rejeté par la tempête sur la côte italienne, erra dans les bois et les marécages de la région de Minturnes, fut pris enfin. Le soldat cimbre chargé de l’exécuter n’aurait pas osé porter la main sur l’ancien triomphateur, et, pourvu du nécessaire, Marius reprit sa fuite, qui l’amena à Carthage. Là, un autre épisode légendaire le représente assis parmi les ruines de Carthage. De là Marius gagna l’archipel de Cercina (Kerkennah).


Le complice de Cinna

L. Cornelius Cinna, consul pour 87 et partisan de Marius, chassé de Rome par son collègue et déposé par le sénat, rassembla une armée. Marius, informé, débarqua en Étrurie, à Télamon, leva des troupes parmi les paysans et esclaves, et se joignit à Cinna. Rapidement pourvus d’une armée nombreuse, par le rassemblement de tous les humbles, mécontents et adversaires de Rome, Marius et Cinna occupèrent Ostie, puis attaquèrent Rome, où sévissaient la famine et la peste. Le sénat capitula (87). Ils prirent ensemble possession du consulat, tandis que les gardes illyriens de Marius, les Bardyaci, égorgeaient à tort et à travers. Sur ces entrefaites, Marius, « devenu un ivrogne et un fou » (A. Piganiol), mourut le 17 janvier 86. Il avait grandement contribué à faire basculer Rome dans la guerre civile.

R. H.

➙ Rome / Sulla.

 T. F. Carney, A Biography of C. Marius (Salisbury, Rhodésie, 1962). / J. Van Ooteghem, Caius Marius (Bruxelles, Palais des Académies, 1967).

Marivaux (Pierre Carlet de Chamblain de)

Romancier, moraliste et écrivain dramatique français (Paris 1688 - id. 1763).



L’homme

Marivaux naquit le 4 février 1688. Son père, Nicolas Carlet, était fonctionnaire de l’intendance de la marine et de la guerre. Par sa mère, Marie Bullet, il était apparenté aux Bullet de Chamblain père et fils, architectes célèbres auxquels on doit notamment le château de Champs et de beaux hôtels parisiens du style Régence. De 1699 à 1712, il vit à Riom, où son père devient directeur de l’hôtel des Monnaies et où lui-même est élève des Oratoriens. De 1710 à 1713, il est inscrit à l’école de droit de Paris, mais il ne met guère d’application à ces études juridiques. Sa carrière littéraire est en effet déjà commencée. Au début de 1712, il publie à Limoges et à Paris une petite comédie en vers, le Père prudent et équitable, très marquée par l’influence de Regnard et de Molière, et sans valeur intrinsèque, mais notable dans la mesure où elle peut passer pour une des premières comédies sérieuses ou même moralisantes du théâtre français.

Marivaux se fait surtout connaître par des romans : le premier, les Effets surprenants de la sympathie (en deux livraisons, 1712 et 1713), purement romanesque, inspiré des aventures de Persiles et Sigismonde, de Cervantès et où l’on trouve en germe plusieurs thèmes qui seront exploités dans les comédies ultérieures (la Double Inconstance, le Prince travesti...) ; d’autres mi-romanesques, mi-parodiques (Pharsamon, la Voiture embourbée, composés en 1712 et 1713, publiés respectivement en 1737 et 1714) ; un autre encore purement burlesque, le Télémaque travesti (composé en 1714-15, publié en 1736, resté longtemps inconnu pour la plus grande partie et réédité en 1956). Cette dernière œuvre, où l’on trouve une peinture très sombre de la campagne française à la fin du règne de Louis XIV, vers l’année du « grand hiver » de 1709, est un document intéressant pour l’histoire de l’opinion publique française, car Marivaux, quoique catholique, y traite avec réprobation des persécutions contre les protestants après la révocation de l’édit de Nantes. La production de cette période est complétée par une petite satire d’un jeu à la mode, le Bilboquet (1713, publié en 1714), et par un long travestissement en vers de l’Iliade, d’après l’Iliade d’Houdar de La Motte, Homère travesti, ou l’Iliade en vers burlesques (composé en 1714-15, publié tout à la fin de 1716). Cette œuvre est une contribution de Marivaux à la lutte de ses amis les « Modernes » (Fontenelle et La Motte notamment) contre le parti des « Anciens ». Elle contient une forte satire des maux de la guerre et de l’héroïsme militaire qui se rattache à un courant de pensée propre à l’époque, et qu’on retrouvera notamment dans Candide.

Pendant la même période, Marivaux est introduit par ses amis dans les salons parisiens, dont l’influence sur lui sera décisive. Il fréquente notamment Mme de Lambert, qui a appris chez Mme de La Sablière à tenir un salon littéraire. Par cet intermédiaire, il recueille l’héritage des La Fontaine, de Guilleragues, de La Fare, de Chaulieu... Le « marivaudage » devra beaucoup à la tradition du badinage des précédents. C’est aussi dans le milieu de Mme de Lambert, puis dans celui de Mme de Tencin que Marivaux trouve ce ton de la conversation mondaine, à la fois élégant et spontané, dont Marianne fait l’éloge dans la cinquième partie de sa Vie et que Marivaux dit avoir pris pour modèle dans la Préface des Serments indiscrets.

Si les premières œuvres dont il a été question révélaient surtout un écrivain doué qui cherche sa voie, la production des années 1717-1720 contient plus que des promesses. Marié en 1717 à Colombe Bollogne, de Sens, son aînée de cinq ans, qui mourra vers 1723 en lui laissant une fille, Colombe, née en 1719, Marivaux semble avoir hésité à prendre un métier. En juin 1719, il demande, en vain, à succéder à son père à la direction de la Monnaie de Limoges et, en avril 1721, il s’inscrit de nouveau à l’école de droit de Paris pour passer sa licence (juill. 1721). En réalité, il demeurera fidèle à la littérature. Mais, de romancier, il s’est fait journaliste et moraliste. De 1717 à 1720, il donne au Mercure des chroniques morales et littéraires, des anecdotes qui dénotent l’influence de La Bruyère et surtout de Charles Rivière Dufresny (1648-1724), auteur des Amusements sérieux et comiques d’un Siamois, œuvre dont se souviendra encore Montesquieu dans ses Lettres persanes. Signalons surtout, pour cette période, les Lettres sur les habitants de Paris, où Marivaux peint d’une plume légère les différents états de la société, peuple bourgeois, grands, et l’Apprenti coquet, étude de l’âme des jeunes filles qui n’a rien à envier aux meilleures pages de Musset ou de Giraudoux.

À partir de 1720, la production littéraire de Marivaux devient très abondante et très variée. Elle consiste essentiellement en pièces de théâtre, accessoirement en journaux, dont l’écrivain est le rédacteur unique, enfin, à partir de 1727, en romans, auxquels Marivaux s’intéressera jusqu’en 1740.