Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Marius (Caius)

Général et homme politique romain (Cereatae, près d’Arpinum, 157 - Rome 86 av. J.-C.).



L’homme

On le disait fils de paysan, mais il est bien possible qu’il ait été chevalier. Entré de bonne heure dans la carrière militaire, il prit part au siège de Numance.


Le tribunat

Élu tribun de la plèbe en 119, il proposa le rétrécissement des ponts qui menaient aux urnes en vue d’éliminer la fraude et d’assurer la liberté des électeurs, puis, se heurtant à l’hostilité de la nobilitas, fit mine d’arrêter les consuls et força le sénat à mettre sa loi en application. Du parti populaire par ambition seulement, il ne craignait pas, dans le même temps, de s’opposer à une distribution de blé au peuple, ce qui fit baisser sa popularité et contribuer à son échec à l’édilité. À la même époque, il épousait Julia, de famille patricienne : il était ainsi classé socialement. Élu préteur en 116, il débarrassa ensuite, en qualité de propréteur, l’Espagne Ultérieure des brigands qui l’infestaient.


La guerre de Numidie et la réforme militaire

En 109, il partit pour la guerre en Numidie, contre Jugurtha, en qualité de légat, sous le consul Q. Caecilius Metellus. Il y fit encore la preuve de ses qualités militaires et y gagna l’estime des soldats. Metellus chercha à l’empêcher d’aller à Rome briguer le consulat, puis céda devant ses manœuvres équivoques, car, initialement protégé des Metelli, Marius avait réussi à en devenir l’ennemi. Bien qu’« homme nouveau », il fut élu consul et se vit confier la Numidie (107). Pour éviter l’impopularité d’une nouvelle levée de citoyens, il enrôla les prolétaires. De cette manière, il transformait profondément l’armée, amorçant le remplacement des soldats citoyens conscients de ce qu’ils avaient à défendre par des soldats quasi mercenaires, qui trouvaient à l’armée une occupation providentielle. Ce fut le début de la mutation de l’armée romaine en armée de métier, armée prête à suivre le général plutôt que l’intérêt de la République. Marius était ainsi le créateur involontaire d’un instrument pour satisfaire les rivalités des politiciens ambitieux. En Numidie, il mena activement la guerre, mais ce fut à son questeur Sulla* que le roi de Mauritanie livra Jugurtha captif. Sulla s’attribua la gloire de cette capture, et Marius en manifesta une jalousie tenace.


Les Cimbres et les Teutons

Après s’être attardé en Numidie, où il installait ses vétérans sans fonder officiellement de colonies, Marius fut rappelé pour sauver Rome du danger des Barbares qui menaçaient l’Italie. Les Cimbres et les Teutons avaient infligé aux armées romaines plusieurs défaites, dont un grand désastre, près d’Arausio (Orange), en Gaule Transalpine (oct. 105). Marius parut à Rome seul capable de faire face à l’immense horde barbare. Il fut élu au consulat pour 104 (il sera réélu l’année suivante), célébra son triomphe sur Jugurtha et, fait sans précédent, se rendit au sénat vêtu de la pourpre triomphale. Il poursuivit sa réorganisation de l’armée (la cohorte devint l’unité essentielle, la discipline se renforça et les auxiliaires étrangers complétèrent les légions), tandis que la menace barbare s’éloignait momentanément. Cimbres et Teutons s’étaient séparés. Marius établit son camp près d’Arles et occupa ses soldats à creuser un canal à travers le delta du Rhône pour faciliter les communications : ce fut la fossa Mariana, qui a donné son nom à Fos-sur-Mer. Puis Marius rencontra les Teutons dans la plaine d’Aix-en-Provence. Il en fit un carnage immense et mémorable (automne 102). Les Cimbres avaient pénétré en Italie et bousculé une armée romaine. Marius joignit ses forces à celles de Q. Lutatius Catulus pour les battre près de Verceil (juill. 101). Sauveur de l’Italie, il fut qualifié de troisième fondateur de Rome et triompha de nouveau.


Le complice de Saturninus et de Glaucia

Bon général, médiocre politique, tenté de mêler les armes à l’intrigue et, de ce fait, doué pour le coup de force et l’illégalité, Marius allait désormais ternir la gloire de ses hauts faits par des manœuvres de politicien ambitieux, mais maladroit. Pour poursuivre sa carrière, il s’associa avec deux leaders douteux du parti populaire, L. Appuleius Saturninus et C. Servilius Glaucia, qui se firent élire l’un au tribunat, l’autre à la préture tandis que Marius recevait son quatrième consulat (en 103 pour 102). Marius soutint la loi agraire de Saturninus, loi qu’on distingue mal de celle qui lui permettait de fonder diverses colonies pour ses vétérans. Une loi sur les provinces orientales lui préparait un grand commandement en Asie. Ces textes législatifs avaient prévu un serment auquel les sénateurs devaient se soumettre. Les sénateurs se firent tirer l’oreille. Marius changea de camp. D’ailleurs, après avoir contribué à lui assurer son cinquième (en 102 pour 101), puis son sixième consulat (en 101 pour 100), Saturninus et Glaucia se désintéressèrent de lui. Sur l’ordre du sénat, qui le chargeait avec l’autre consul de mettre fin par la force aux agissements illégaux des deux démagogues, Marius les assiégea dans la capitale ; Saturninus et Glaucia furent massacrés (déc. 100).

Marius sortit déconsidéré de cette affaire trouble. Il partit pour l’Asie sous prétexte d’un pèlerinage à Pessinonte. Il est vrai qu’il était passablement superstitieux et se faisait accompagner en campagne d’une prophétesse syrienne. Il observa aussi les agissements de Mithridate, qu’il rencontra, et étudia les perspectives d’une guerre inévitable. En tout cas, il était opportun de fuir Rome (99).


La rivalité Marius-Sulla

À son retour, Marius ne recouvra pas la popularité perdue. Sulla s’attirait les suffrages. Ils prirent part tous deux à la Guerre sociale contre les Italiens révoltés. Bien que Marius ait, à deux reprises, battu les montagnards marses, il ne se distingua pas autant que son rival. Il espérait obtenir le commandement de la guerre contre Mithridate : ce fut Sulla qui l’eut (88), soutenu par les sénateurs. Les mécontents soutinrent Marius ; par le moyen de propositions de loi révolutionnaires, puis grâce à une atmosphère d’émeute, ils contraignirent Sulla à la fuite. Celui-ci se réfugia dans la maison de Marius, où il eut peut-être une entrevue avec son rival. Le commandement de Sulla fut abrogé au profit de Marius. Sulla, ayant rejoint ses soldats sur la route de Campanie, prit le parti de la révolte, entraîna les siens et entra dans Rome en conquérant. Marius appela les esclaves aux armes, mais ne put résister et prit la fuite. Sa tête fut mise à prix par Sulla.