Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

marine (suite)

Naissance de la puissance navale britannique

Si, par le Navigation Act de 1651, la Grande-Bretagne peut réagir brutalement contre cette mainmise hollandaise sur le trafic mondial, c’est que, depuis la fin du xvie s., et notamment depuis sa victoire sur l’Invincible Armada espagnole (1588), sa vocation maritime n’a cessé de s’affirmer. Sous le règne d’Élisabeth (1558-1603), les Anglais, tel Francis Drake (v. 1540-1596), ont, eux aussi, commencé à courir fortune sur les mers et se sont installés dans le Nouveau Monde, en Floride et en Virginie. Sous la direction du Conseil de l’Amirauté, et alors que la marine marchande anglaise atteint à peine le cinquième de son antagoniste hollandaise, la Grande-Bretagne s’est constitué une solide marine de guerre. Aussi est-elle capable, par le Navigation Act, d’imposer le monopole de son pavillon (seuls désormais les bateaux anglais peuvent assurer le trafic des marchandises anglaises dans les ports anglais), au risque d’entrer en conflit ouvert avec la Hollande ; celui-ci éclate dès 1652, après que les deux flottes se sont affrontées au large de Douvres en une mêlée confuse.


Le conflit anglo-hollandais (1652-1674)

Au cours des deux guerres de 1652-1654 et de 1665-1667, la Navy, qui est devenue une force permanente d’environ 140 navires et de 40 000 marins, porte de sérieux coups aux Hollandais : elle leur prend en 1654 1 700 navires marchands et inflige en 1665, à Lowestoft, une sérieuse défaite à leur marine de guerre. Lors d’un troisième conflit contre la Hollande (1672-1674), les Anglais reçoivent l’appui des escadres françaises du maréchal d’Estrées (1624-1707). Ces dernières font si bonne figure aux batailles de Sole Bay (1672) et du Texel (1673) qu’Anglais et Hollandais, réalisant qu’ils s’affaiblissent en combattant pour le plus grand bien du roi de France, décident de s’unir par le traité de Westminster (1674).


Essor et déclin de la marine française (xviie - xviiie s.)

« Sans la mer, on ne peut ni soutenir la guerre ni profiter de la paix », écrit Richelieu*, qui, comprenant l’importance du facteur naval, improvise une flotte pour combattre l’Espagne et lance des grandes compagnies commerciales. Son œuvre est amplifiée par deux ministres, Colbert* et son fils Seignelay, qui, durant trente ans (1660-1690), régissent les affaires maritimes de la France. Si leur succès fut mesuré dans le domaine commercial, il s’affirme sur le plan militaire, aussi bien pour les institutions que pour les réalisations ; en 1671, la flotte française aligne 111 vaisseaux, 22 frégates et 39 bâtiments de charge servis par 30 000 marins.

Après avoir prouvé sa valeur aux côtés des Anglais sous d’Estrées, cette flotte se bat seule contre les Hollandais et les Espagnols. Sagement, le plan français abandonne la Manche et la mer du Nord à Ruyter, tandis que Duquesne* maîtrise les Espagnols en Méditerranée et vainc en 1676 Ruyter à Augusta, où celui-ci est tué. Il en va autrement quand la marine française doit faire face, à partir de 1688, à la coalition anglo-hollandaise. Elle a heureusement en Tourville* un chef exceptionnel, qui est d’abord vainqueur à Beachy Head (Bévéziers) en 1690, avant de subir, deux ans plus tard, un grave échec à La Hougue : contraint par Louis XIV de livrer combat avec 44 vaisseaux contre 89 anglo-hollandais, Tourville ne pourra que limiter ses pertes à une quinzaine de navires. Cette défaite marqua le déclin de la marine royale. Inquiet du coût financier de l’immense effort naval imposé au pays, Louis Phélipeaux de Ponchartrain (1643-1727), ministre de 1690 à 1699, désarme les escadres et se limite à une guerre de course, où s’illustrent encore Tourville, puis Jean Bart (1650-1702) et René Duguay-Trouin (1673-1736) [v. corsaire]. Cette guerre systématique au commerce cause aux Anglo-Hollandais des pertes considérables, mais, tandis que la flotte française de combat pourrit dans les ports, elle abandonne aux Anglais la maîtrise de la mer ; la paix d’Utrecht consacre son déclin (1713).

Durant la plus grande partie du xviiie s., la marine française reste dominée par la flotte britannique. Elle compte 55 vaisseaux (contre 150 anglais) quand, en 1756, s’ouvre la guerre de Sept Ans, où elle s’avère incapable de défendre l’Inde et le Canada. Elle ne renaît que sous Louis XVI*, permettant à la France son intervention victorieuse dans la guerre d’Indépendance américaine (1778-1783). Si les amiraux d’Orvilliers (1708-1792), de Guichen (1712-1790) et de Grasse (1722-1788) y font preuve d’une grande prudence, Suffren* donne aux opérations au large de l’Inde un rythme beaucoup plus dynamique.

Désorganisée par la Révolution, vaincue à Aboukir (1798), la marine française voit sa décadence consacrée par le désastre naval de Trafalgar (1805), qui contient en germe l’échec de la politique continentale de Napoléon face à la maîtrise des mers par l’Angleterre. Sur le plan commercial, le blocus que cette dernière impose en 1806 condamne les ports à l’inaction, et la grande marine voulue par l’Empereur comme synthèse des possibilités maritimes de l’Europe occidentale ne verra pas le jour. Il en reste de belles réalisations d’infrastructure portuaire à Anvers, à Cherbourg, à La Spezia, à Venise, à Gênes et à Trieste, mais seul le commerce continental peut survivre. Durant la période napoléonienne, dominée par l’hégémonie maritime britannique, tout ce qui, sur le continent, touche à la mer végète en attendant des jours meilleurs.

L’avènement des marines de guerre

• La frégate se présente comme la réduction du vaisseau. Très voilée et rapide, c’est par excellence le bâtiment de reconnaissance qui se tient à l’écart dès que la bataille est engagée. Au xviiie s., elle deviendra plus puissante, portera de 30 à 40 canons et sera armée par un équipage nombreux.

• La corvette, plus petite, est destinée aux besognes secondaires (liaison de port à port, missions le long des côtes, etc.) ; elle peut, à la rigueur, accompagner les vaisseaux auxiliaires qui constituent le train d’escadre.

• Les galiotes sont des bâtiments utilisés dans les attaques des côtes (notamment après 1680 dans les bombardements d’Alger [1682-83] par Duquesne et Tourville). La galiote à bombes, inventée par l’ingénieur Bernard Renau d’Eliçagaray (1652-1719), était, en effet, armée d’un gros mortier de 12 pouces (324 mm) tirant des projectiles de 150 livres.

L’existence des flottes de combat interdisait désormais des expéditions maritimes dont le pillage était l’objectif principal. Avant toute entreprise, il fallait désormais neutraliser la flotte de guerre adverse : c’est au xviie s. que commencent les grandes batailles d’escadre.

C’est vers le milieu du xviie s. qu’apparaissent les marines modernes organisées en vue de la guerre et dont les bâtiments sont conçus pour le combat.