Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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marine (suite)

Les flottes des croisades

Les flottes utilisées par les croisés pour se rendre en Terre sainte, généralement louées à Venise ou à Gênes, étaient essentiellement composées de nefs ou de vaisseaux ronds, de taille moyenne. Quelques exemplaires plus importants étaient réservés aux rois et à leur suite (certaines nefs pouvaient atteindre 2 000 tonneaux).

On imagine mal l’entassement des passagers et la promiscuité qui en résultait. Les contrats vénitiens prévoyaient pour chacun un espace équivalent à 1 m2. Chacun devait embarquer sa nourriture pour le voyage. En cas de mauvaise rencontre, les passagers recevaient des armes pour défendre leur navire, et, par mauvais temps, les gens se réfugiaient où ils pouvaient.

Les nefs huissières étaient ainsi appelées, car, après s’être échouées sur une plage, elles pouvaient s’ouvrir par une large porte d’accès (ou huis) percée dans la coque. Elles embarquaient les bêtes de somme et les chevaux, particulièrement sensibles au mal de mer, dont certains mouraient en route.

Ce sont les problèmes posés par de tels voyages qui amenèrent le roi Louis IX à créer un amiral de France qui serait chargé d’étudier les questions navales.


Les républiques maritimes italiennes : Pise, Gênes et Venise

À partir du xe s. s’affirme en Méditerranée le rayonnement des républiques maritimes et commerciales italiennes. Gênes* et Pise* participent à la lutte contre les Sarrasins, qui, infestant la mer Tyrrhénienne, font ainsi obstacle à leur commerce. En 1017, elles s’emparent de la Sardaigne et, à partir du xiie s., profitent largement des croisades pour augmenter leurs flottes de nefs et de galères au profit des puissances capables de les leur louer. Pise est d’abord la plus puissante et, armant ses navires en guerre, entreprend des raids contre les Arabes à Bône (1034), à Palerme (1063), attaque en 1087 la base de corsaires musulmans de Mahdia (en Tunisie) et aide avec une escadre de 120 voiles les croisés à s’établir en Terre sainte (1099). Les Pisans se heurtent bientôt à la rivalité de Gênes, dont la flotte détruit celle de Pise à la Meloria en 1284.

Au xive s., c’est au tour de Gênes de s’assurer une certaine primauté en Méditerranée occidentale, où ses relations avec l’Espagne lui rapportent d’appréciables avantages commerciaux, tandis que ses marins atteignent les Açores. En 1343, devant la menace turque, Gênes signe un accord très provisoire avec Venise*, mais la rivalité commerciale et navale entre les deux républiques reprend bientôt le dessus. Durant près d’un siècle, la Méditerranée sera le théâtre de leur lutte, où s’illustreront du côté de Gênes les Grimaldi et les Doria, du côté de Venise les Zeno et les Pisani. Dès 1381, toutefois, la victoire navale des Vénitiens à Chioggia annonçait le déclin de Gênes.


La suprématie vénitienne

Isolée sur les lagunes au nord de l’embouchure du Pô, Venise avait pu résister aux invasions nordiques et se maintenir aussi contre les attaques des Sarrasins venus du large, qu’elle vainquit à Tarente (867) et à Grado (878). À partir de 997, elle s’assure des points stratégiques du littoral adriatique. Dans l’obédience de l’empereur d’Orient, la république, qui est au carrefour des mondes byzantin, germanique, slave et arabe, va jouer un rôle capital d’intermédiaire maritime entre ces quatre civilisations et fonder sa puissance sur sa marine. Plus tard, elle saura se dégager de Byzance pour se tailler une part importante des dépouilles du vieil empire. Profitant de la quatrième croisade, dont elle assume le transport maritime (1202), elle conquiert de remarquables positions commerciales ; en 1205, les Vénitiens occupent la Crète et, dans le Péloponnèse, Coron et Modon, ce qui leur permet de contrôler toute la navigation entre l’Adriatique et l’Orient méditerranéen. Ainsi se trouvent réunies les conditions de l’apogée vénitienne des xive et xve s. L’empire de Venise s’étend sur les côtes de l’Adriatique, le Péloponnèse, les îles Ioniennes et atteint par ses comptoirs Chypre (annexée en 1489), les côtes de la mer Noire, de Syrie et de l’Afrique du Nord.

Mais la décadence sapera à son tour cette brillante réussite. À partir de 1492, les grandes découvertes donnent toute leur valeur aux routes atlantiques pour le bénéfice des Portugais et des Espagnols. Venise cesse, alors, d’être l’intermédiaire principal entre l’Europe et l’Orient. Les Turcs lui arrachent peu à peu ses possessions extérieures. La république participera encore à la grande croisade maritime de la chrétienté, marquée en 1571 par la victoire de Lépante sur les Turcs, mais, en 1669, la perte de Candie sanctionne le déclin définitif de la marine vénitienne.

Les navires vénitiens

La galée, ou galère vénitienne, est déjà au xive s., à Venise, de la taille des galères du xviie. D’après Augustin Jal, se référant à un texte du xiiie, les grandes galées avaient 40 m de long sur 5,30 m de large et 2,50 m de creux de la quille au pont. Au xive s., les règlements de Venise et de Gênes donnent en gros les mêmes dimensions. Les voiles sont triangulaires et montées sur des antennes. La plus grande est hissée sur le mât du milieu. À la fin du xive s., les galères sont de plusieurs types.

• La galère de Flandre a 41 m environ de longueur, 6 m de largeur au fort et 2,70 m de la quille au pont. Cette galère est construite avec des couples transversaux au nombre de quatre-vingt-quatre. Elle est destinée au transport du fret, mais elle ne peut emporter un gros tonnage.

• Le lin est une galère plus petite que la moyenne, destinée aux missions de courte durée en Méditerranée.

• Les cogs de Venise sont des bâtiments de charge ronds pour le transport des marchandises. En principe, plus petites que les nefs, certaines étaient capables d’emporter quelques centaines de tonnes. Il semble que les cogs aient surtout été utilisées dans les convois annuels vénitiens.