Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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marine (suite)

La marine de Rome

Plus tard, au cours des guerres puniques (264-146 av. J.-C.), Carthage allait se heurter à Rome. Rome*, puissance purement terrienne, sera obligée de se forger une marine pour abattre sa rivale africaine. Désormais, elle dominera le destin de la Méditerranée, mare nostrum, avec toutes les obligations que cette hégémonie lui imposera. Les galères romaines sont inspirées de celles de Carthage. Elles embarquent des légionnaires pour faire la chasse aux pirates qui infestent l’archipel grec. On connaît l’aventure de César à Rhodes, pris par ces pirates, se rachetant et revenant les châtier. Après la disparition de César, la rivalité qui met aux prises son neveu Octave et Antoine, allié de la reine d’Égypte, Cléopâtre, se voit tranchée une fois pour toutes à la bataille d’Actium (31 av. J.-C.), dont les conséquences seront décisives. Rome s’abandonne à la ferme direction d’Auguste* : celui-ci fonde un empire qui, symbole d’une civilisation terrienne, vivra plus de quatre siècles. Durant cette période, la puissance de Rome atteindra les limites du monde connu, et ses flottes lui assureront la domination de la Méditerranée jusqu’au ve s.

La galère romaine

C’est un bâtiment plus lourd et moins gracieux que la trière. Les Romains cherchaient avant tout à construire une forteresse flottante difficile à prendre à l’abordage. Sur les ponts, leurs fantassins pouvaient combattre comme à terre. Ils avaient imaginé des passerelles articulées munies de grappins (corbeaux) qui se rabattaient et s’accrochaient aux navires ennemis au moment de l’abordage. Certaines galères, ou birèmes, disposaient de deux rangs de rames superposés. Le bas-relief du temple de Préneste (auj. Palestrina) en montre un exemplaire indiscutable. Outre les galères classiques, les Romains disposaient de liburnes, qui sont des galères allégées inspirées des bâtiments des pirates illyriens de la mer Ionienne. Les liburnes étaient plus rapides et plus manœuvrantes que les galères et jouèrent, d’après Plutarque, un rôle décisif à la bataille d’Actium.


L’Empire byzantin et la rivalité arabo-byzantine

La scission de l’Empire romain à la mort de Théodose Ier le Grand (395) donne naissance à l’Empire byzantin*, dont la capitale, Byzance, devient rapidement une grande puissance commerciale et une place de redistribution des richesses du monde entier. Pour protéger ses navires de commerce qui sillonnent la Méditerranée orientale, Byzance crée une flotte de guerre. Dès le règne de Justinien Ier* (527-565), des expéditions maritimes dirigées par les généraux Bélisaire et Narsès reconquièrent l’Afrique sur les Vandales (533-536), chassent les Barbares d’Italie (552), et se font céder une large bande de terre au sud-est de l’Espagne (554). Byzance possède alors, de la mer Noire aux Colonnes d’Hercule, un immense empire maritime ; ses escadres, qui protègent les échanges entre l’Orient et l’Occident, disposent de nombreuses bases, à Septem (Ceuta), aux Baléares, en Sicile, en Sardaigne, à Aquilée, à Alexandrie, à Césarée, à Antioche, dans les îles de Rhodes, de Crète et de Chypre. Dans la mer Noire, elles occupent Odessos, Khersôn et Trébizonde.

Cette situation privilégiée, très vulnérable à la pression des peuples barbares, impatients d’obtenir un accès à la mer, est mise en cause par les Arabes. Après avoir chassé Byzance de Syrie (636) et d’Égypte (642), ceux-ci font construire une puissante flotte dans les chantiers de Tyr et de Sidon. En 655, au large de la côte lycienne, les escadres arabes sont victorieuses de la flotte byzantine, aux ordres personnels de l’empereur Constant II Héraclius, et, en 678, les Byzantins dispersent des navires arabes qui se glissaient dans la Propontide.

Face à cette menace permanente, Byzance réagit en créant une véritable organisation de ses flottes. Impuissants, toutefois, à contenir la poussée arabe qui submerge au ixe s. la Sicile, le sud de l’Italie et l’Afrique du Nord, les Byzantins reconstruisent une flotte de haute mer qui permet la reconquête de la Crète par Nicéphore II Phokas en 961. Mais ce redressement de l’Empire est suivi d’un nouveau déclin, puis d’une disparition de la flotte impériale. La porte est ainsi ouverte aux conquêtes des Normands établis en Sicile, dont la puissance met en difficulté, au xie s., les empereurs Comnènes. Pour se défendre, Alexis Ier* Comnène fait appel, en échange d’avantages économiques considérables, à la flotte de Venise (1082), qui s’introduit ainsi solidement dans les circuits commerciaux d’Orient. C’est aussi pour se défendre contre l’islām, dont les incursions en Anatolie sont de plus en plus menaçantes, que, peu après, l’empereur appelle les chrétiens d’Occident à son secours. Alors que les deux premières croisades* empruntent surtout la voie terrestre pour parvenir à Byzance, les suivantes prennent la route maritime de la Méditerranée.

Pour mener à bien cet effort naval, les croisés louent à Pise, à Venise ou à Gênes leur flotte de transport à base de nefs et d’huissiers. Si les croisades donnent une impulsion nouvelle aux échanges commerciaux, qui profite surtout à Venise (et subsidiairement à Marseille et à Barcelone), l’installation, en 1204, d’États latins en Orient ravit à Byzance son rôle d’intermédiaire obligé entre l’Orient et l’Occident. L’Empire byzantin ne survit pas longtemps à la disparition, en 1261, de ces États latins d’Orient et Constantinople tombe définitivement entre les mains des Turcs en 1453. Les routes menant en Inde et en Extrême-Orient, devenues le monopole de l’islām, seront désormais interdites aux marines de l’Occident.

Le dromon de Byzance

Ce navire constitue jusqu’à la fin du Moyen Âge le bâtiment type de la marine byzantine. Il semble peu différent de la galère. C’est un vaisseau long, dont le rapport longueur/largeur est voisin de six (ce coefficient de finesse est normal pour un navire propulsé à la rame). Au ixe s., il arme 25 rames de chaque bord. Ses dimensions approchées sont de 40 m de long, 7 m de large et de 5 m de creux de la quille aux châteaux. Du temps de l’empereur Léon VI le Sage (886-912), on citait des dromons à deux rangs de rames avec un équipage atteignant 200 hommes. À la même époque, les petits dromons, ou pamphiles (ou encore galées), n’armaient qu’un seul rang de rames. Enfin, les chélandes étaient des bâtiments ronds : appelés également huissiers, ils transportaient les chevaux.

Les premiers dromons furent dotés de voiles carrées comme les vaisseaux antiques. Les voiles latines durent apparaître vers le ve s. Les grands dromons possédaient deux châteaux, un à l’avant, l’autre au milieu. Au xe s., la flotte de dromons comptait 200 unités.