Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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marine (suite)

Les Phéniciens occupaient l’actuel Liban et disposaient ainsi du merveilleux bois de cèdre, qui leur permettait de construire des navires de charge capables d’emporter des cargaisons relativement importantes, qui seront la fortune de Tyr, de Sidon et de Byblos. Après la décadence de ces trois villes et surtout la prise de Tyr par Alexandre* le Grand (332 av. J.-C.), Carthage*, fondation phénicienne prenant le relais, mettra sur pied une puissante marine de commerce et exploitera les routes des métaux entre l’Espagne et le Proche-Orient. Elle s’assurera ainsi le monopole du transport du cuivre et de l’étain, indispensable à la fabrication du bronze.

Navires égyptiens, crétois et phéniciens

Les navires égyptiens apparaissent comme les plus anciens. Ce sont, avant tout, des barques longues destinées à la navigation sur le Nil et marchant à la rame. Le profil est en arc de cercle relevé à l’avant et à l’arrière. Vers 2000 av. J.-C., on constate la présence de mâts impliquant la marche à voile. Vers 1500 av. J.-C., les Égyptiens partent en expédition vers le pays de Pount dans la mer Rouge.

Les navires crétois, essentiellement marins, sont des navires ronds et solidement construits pour le transport des marchandises.

Les bâtiments phéniciens sont, comme ceux des Crétois, construits pour le transport. Ronds et courts, ils peuvent s’échouer sur les plages.


La marine, trait d’union entre les cités grecques

La colonisation grecque (à partir du viiie s. av. J.-C.) et la naissance de la Grande-Grèce (v. Grèce d’Occident) avec les villes colonies de Syracuse et de Métaponte ont contribué au développement de la marine en Méditerranée. Entre les colonies et les métropoles, dont les citoyens s’étaient expatriés, des courants réguliers de navigation se sont établis. Au ve s., la poussée perse vers l’Occident a obligé Athènes, Corinthe et les villes maritimes à créer des flottes de guerre pour conserver leur indépendance. La notion de maîtrise de la mer se dégageait déjà : elle jouera un rôle primordial dans l’évolution des marines à travers les âges.

Disposant d’un trésor en métal considérable pour l’époque, grâce à la découverte de nouveaux filons argentifères dans les mines du Laurion, Thémistocle convainquit ses concitoyens que l’avenir d’Athènes était sur l’eau et qu’il leur fallait investir ce capital dans la construction de trières nombreuses et bien équipées (300 environ). Athènes* prenait ainsi la tête de la défense des cités grecques, et, après la victoire de Salamine (480 av. J.-C.), qui éliminait le danger perse, sa flotte puissante devait lui valoir une hégémonie que Sparte lui ravit en 404 av. J.-C. L’année même de la victoire de Salamine, la flotte carthaginoise, qui attaquait les colonies grecques de Sicile, était vaincue à Himère, et le danger punique écarté. Les cités grecques recueillaient les fruits de leurs investissements.

La trière athénienne

La trière est par excellence un navire de combat long et qui marche à la voile et à la rame. Elle serait née à Corinthe vers 700 av. J.-C. Ses formes exactes et la disposition des rameurs ont fait l’objet de recherches et de polémiques sans fin. On a prétendu que les rameurs étaient répartis sur trois rangs superposés : cela impliquerait que les rames de l’étage supérieur aient une longueur double de celles de l’étage inférieur, ce qui est peu plausible ; les dessins des vases de l’époque ne permettent pas de conclure.

La trière avait une trentaine de mètres de long, de 5 à 6 m de large, un peu plus de 2 m de creux. On sait qu’à Athènes le prix d’une trière avoisinait un talent d’argent (soit 26 kg de métal fin).


Carthage et l’ouverture vers l’Atlantique

Carthage*, de son côté, reprenait ses efforts sur les axes qui conduisaient aux débouchés sur l’Atlantique. L’activité de ses négociants et de ses marins allaient lui permettre de prospérer par des voies pacifiques en attendant le grand choc avec Rome.

Au ve s. av. J.-C., Carthage envoyait Himilcon, qui fut le premier visiteur historiquement attesté de l’Atlantique Nord. Il devait activer au profit des Carthaginois les relations maritimes avec l’Europe du Nord-Ouest. Il s’agissait d’aller s’approvisionner aux sources de l’étain (Cornouailles) et de l’ambre (Jutland). On sait seulement que ce voyage de prospection dura quatre mois et renforça sans doute le monopole commercial de sa patrie. Marseille, tenue en bride par Carthage et les Étrusques depuis le vie s. av. J.-C., se sentait de fortes velléités maritimes, qui ont pu se manifester après la destruction de la puissance étrusque par Rome. Au ive s. av. J.-C., le voyage du Grec marseillais Pythéas était destiné à créer des courants maritimes entre Marseille et les pays de l’étain. Il ne réussit pas sur ce plan, et la zone d’influence maritime de Marseille ne put s’étendre au-delà de Gibraltar. Carthage tenait toujours le verrou de la Méditerranée, et il faudra la puissance de Rome pour permettre aux légions, après l’élimination de la cité punique, d’aller aux Colonnes d’Hercule fonder la Mauritanie*.

Le voyage d’Hannon au ve s. av. J.-C. nous est mieux connu. À la suite de travaux récents, il semble bien que, parti de Carthage à l’équinoxe du printemps, Hannon ait poussé un voyage d’explorations commerciales sur les côtes d’Afrique jusqu’à l’actuel Cameroun. Après avoir renforcé les colonies carthaginoises de Liks, d’Arambis, de Melita, d’Accra, il se serait lancé résolument au sud dans le but d’établir des relations commerciales avec les pays de la côte d’Afrique, notamment l’actuel Ghāna. Il donna sur le golfe de Guinée et le Cameroun actuel assez de détails pour prouver son passage dans ces contrées. Dans la suite, les Carthaginois exploiteront surtout la voie de l’étain qui va de Gadir au Finistère, où ils achèteront le métal des gisements stannifères de la région de Brest-Saint-Renan. Comme ils avaient pratiquement le monopole du cuivre d’Espagne, ils étaient en mesure de contrôler entièrement la production du bronze.