Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Marie Ire Stuart (suite)

L’alliance française (1548-1560)

Arran et Marie de Lorraine, réconciliés, négocièrent avec la France le traité de Haddington (juill. 1548). Marie Stuart, fiancée au futur François II, fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, quittait bientôt l’Écosse, tandis qu’Arran était fait duc de Châtellerault et que les pensions françaises venaient récompenser la noblesse écossaise. En 1554, Marie Tudor montait sur le trône d’Angleterre et entreprenait de ramener le pays au catholicisme. Privé de leur base anglaise, les protestants écossais n’étaient plus dangereux ; Marie de Lorraine cessait de ménager Châtellerault et devenait régente en avril 1554. En avril 1558, Marie Stuart épousait François.


La « révolution » antifrançaise

Malgré tout, les prédicateurs protestants, tels John Knox, rentré en Écosse, et John Willard, voyaient croître leur popularité, et ils furent à même de profiter du retournement de la situation internationale : en 1558, Élisabeth devenait reine d’Angleterre ; en 1559, Henri II mourait ; Marie Stuart était reine de France, certes, mais les luttes de faction affaiblissaient le royaume, qui n’était plus capable de secourir Marie de Lorraine. Celle-ci en avait pourtant besoin, car l’aristocratie protestante écossaise, regroupée dans la « Congrégation de Perth », prenait les armes : en septembre, Châtellerault se mettait à la tête du mouvement et concluait avec les Anglais le traité de Berwick. Les troupes françaises résistèrent longtemps dans la forteresse de Leith : mais, privées de secours, démoralisées par la mort de Marie de Lorraine (juin 1560), elles conclurent avec les Écossais le traité d’Édimbourg (juill. 1560) ; Anglais et Français quittaient l’Écosse, Marie Stuart reconnaissait la légitimité d’Élisabeth (en réalité, elle refusa de ratifier ce traité), et un Parlement devait être réuni. En août 1560, ce Parlement faisait basculer l’Écosse dans le camp protestant : l’autorité du pape n’était plus reconnue, une nouvelle confession de foi était proclamée.


Le règne personnel de Marie Stuart

La mort de François II en décembre 1560 venait de nouveau tout bouleverser. Marie Stuart ne pouvait plus prétendre jouer un rôle important en France, car la faction des Guises avait dû s’effacer devant Catherine de Médicis. Elle retourna en Écosse (août 1561) : venait-elle pour épouser James Hamilton, 3e comte d’Arran (1537-1609), le fils de Châtellerault, et consacrer la victoire définitive du protestantisme ? Ou bien, digne fille des Guises, venait-elle en catholique fanatique, en ennemie de l’Angleterre ?


Les modérés du pouvoir

L’habileté de Marie fut de ne pas choisir. S’appuyant sur un parti modéré dirigé par son demi-frère Jacques Stuart (v. 1531-1570), bientôt comte de Moray, et William Maitland of Lethington (v. 1528-1573), elle recherche la neutralité dans les querelles religieuses et l’amitié d’Élisabeth. Son intelligence, sa culture, mais aussi les manières enjouées et brillantes qu’elle avait acquises à la cour de France stupéfièrent la noblesse et lui acquirent une grande popularité. L’écrasement des révoltes de Bothwell (extrémiste protestant) et de George Gordon, comte de Huntly (extrémiste catholique), fut facile : le succès de la politique modérée était patent. Il n’en fallait pas moins régler le problème du mariage de la reine, fondamental pour l’Écosse comme pour l’Angleterre — puisque Élisabeth n’était pas mariée non plus et que Marie était son héritière, ou pouvait prétendre l’être. Arran écarté, ainsi que Don Carlos, fils de Philippe II (l’un et l’autre étaient devenus fous), Marie commit sa première erreur politique : elle jeta son dévolu sur Henry Stuart (ou Stewart), lord Darnley (1545-1567).


Le mariage avec Darnley (29 juillet 1565)

Fils de Matthew Stuart, comte de Lennox, exilé en Angleterre, Darnley était a priori mal vu en Écosse. Certes, si Élisabeth l’avait laissé partir pour l’Écosse, c’était bien qu’elle voyait en lui un parti possible pour Marie. Mais elle entendait bien aussi avoir son mot à dire dans les négociations qui précéderaient le mariage : le coup de tête de Marie Stuart ne lui en laissa pas le temps, et sa seule ressource fut de faire jeter à la Tour de Londres la vieille comtesse de Lennox, tandis que les chefs du parti modéré quittaient le pouvoir (juill. 1556). Moray, Argyll (Archibald Campbell [1530-1573]) et Châtellerault échouaient en août dans leur tentative pour s’emparer de la reine, encore très populaire, et se réfugiaient en Angleterre (Chaseabout Raid).


Le meurtre de Rizzio

Les protestants, privés de leurs chefs, se trouvaient en position difficile ; l’archevêque John Hamilton (1512-1571), un moment emprisonné, était libéré, et Marie Stuart se rapprochait publiquement du pape et du roi d’Espagne. À sa cour se pressaient — à l’indignation de la majorité de la population — Français et Italiens, tel le musicien favori de la reine David Rizzio (ou Riccio). L’amour de la reine pour son époux s’était tourné en haine lorsqu’elle avait découvert la nullité du personnage. D’ailleurs, frappé par la syphilis, Darnley était obligé de quitter la Cour ; sa carrière politique paraissait terminée. Les protestants lui proposèrent de le faire nommer roi consort : mais le complot fit long feu, car, si Rizzio fut sauvagement assassiné sous les yeux de la reine (9 mars 1566), Darnley trahit ses alliés, et Marie, se rapprochant des auteurs du « Chaseabout Raid » pour mieux punir ceux du meurtre de Rizzio, réussit une nouvelle fois à diviser ses ennemis.


Bothwell et l’assassinat de Darnley

La reine tomba alors amoureuse de James Hepburn, 4e comte de Bothwell (1536-1578). Après la naissance du fils de Marie et de Darnley, le futur Jacques VI, leur liaison devint évidente. Il semble que ce soit Marie qui songea la première à se débarrasser de Darnley : elle dut y renoncer lorsqu’elle se découvrit enceinte (probablement de Bothwell) ; pour sauver les apparences, il importait qu’elle parut réconciliée avec son mari. Inversement, la disparition de Darnley fut souhaitée à la fois par les ennemis de la reine, qui voulaient la compromettre, et par Bothwell, qui voulait l’épouser. Le 10 février 1567, le corps de Darnley poignardé était retrouvé dans les débris de sa maison incendiée, sans que l’on puisse savoir qui, de Bothwell ou de Morton, était l’auteur du meurtre ; pour l’opinion, en tout cas, il n’y avait pas de doute ; Bothwell était le coupable, et son mariage avec la reine, après un divorce expéditif, ne lit qu’accroître l’indignation générale : adorée au début de son règne, Marie était maintenant détestée. Elle avait eu une difficile partie politique à jouer : ses grandes qualités lui avaient permis de la gagner un temps, mais ses non moins grands défauts la lui faisaient perdre définitivement.